Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 novembre 2017 et le 24 mai 2018, la SA Etablissements André Zalkin et Cie, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions et des intérêts de retard et majorations restant en litige et de prescrire la restitution des sommes en cause ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner, avant-dire droit, une expertise en confiant à l'expert la mission d'éclairer la cour dans son appréciation de la pertinence de la méthode d'évaluation de la dépréciation des stocks de pièces détachées qu'elle a mise en oeuvre ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant la SA Etablissements André Zalkin et Cie.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme (SA) des Etablissements André Zalkin et Compagnie exerce, sur son site de production situé à Montreuil-l'Argillé (Eure), une activité de conception et de fabrication de machines à capsuler à destination notamment de l'industrie agro-alimentaire. Elle assure également la maintenance des machines installées chez ses clients, laquelle inclut la fourniture de pièces détachées. Elle a fait l'objet, en 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009 et 2010. Ce contrôle a amené l'administration à remettre en cause la déduction de provisions pour dépréciation de stocks de pièces détachées opérée dans la comptabilité de l'entreprise et à majorer, en conséquence, les cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles celle-ci a été assujettie au titre des années 2009 et 2010, ce qu'elle lui a fait connaître par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 17 décembre 2012, dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire. Malgré les observations de la société en date du 16 janvier 2013 et en dépit de l'avis défavorable émis le 6 février 2014 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a maintenu les suppléments d'impôt sur les sociétés résultant de cette vérification de comptabilité, lesquels ont été mis en recouvrement le 13 mai 2014. La SA Etablissements André Zalkin et Cie relève appel du jugement du 28 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions restant en litige.
2. Il résulte de la combinaison des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et du 3 de l'article 38 de ce code que lorsqu'une entreprise constate que tout ou partie des matières ou produits qu'elle possède en stock a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Pareille provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante.
3. La SA Etablissements André Zalkin et Cie a constitué, pour les besoins de son activité de maintenance du parc de machines à capsuler installées chez ses clients, un stock important de pièces détachées comportant essentiellement des pièces uniques qu'elle a elle-même fabriquées en surnombre lors de la production des machines spécifiquement conçues et assemblées par elle pour les besoins de ses clients. Ce stock comptait environ 20 000 références au cours des deux années vérifiées, le logiciel de gestion des stocks utilisé par l'entreprise répertoriant, au total, 450 000 références de pièces détachées. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas sérieusement contesté par l'administration, que ces pièces ne subissent pas d'altération physique avec le temps, ni même une obsolescence technique de nature à faire obstacle à leur réemploi, notamment dans le but de dépanner des machines anciennes demeurées en la possession de certains clients. Toutefois, leur valeur d'usage est susceptible de diminuer en raison d'un risque de mévente, la SA Etablissements André Zalkin et Cie ayant constaté, sur la base d'une observation des mouvements de ses stocks durant une période de dix ans, qu'une pièce non remployée durant les trois premières années de stockage voyait sa probabilité de ne pas être réutilisée croître avec le temps.
4. Il résulte de l'instruction que c'est à partir de constatations reposant sur les données propres de l'entreprise que la SA Etablissements André Zalkin et Cie a élaboré et mis en place une méthode destinée à tenir compte de cette perte consécutive au risque de mévente des pièces détachées détenues dans son stock. Les provisions dont la déductibilité a été remise en cause par l'administration fiscale au titre des deux exercices vérifiés ont été constituées par application de cette méthode, dont la société requérante soutient, sans être contredite, qu'elle n'a été appliquée qu'aux seules pièces détachées fabriquées par elle, à l'exclusion des pièces disponibles sur le marché. Cette méthode consiste à ne constituer aucune provision pour dépréciation en ce qui concerne les pièces usinées stockées depuis moins de trois ans, celles-ci conservant une probabilité de réemploi élevée. En revanche, les pièces n'ayant fait l'objet d'aucun réemploi durant trois ans donnent lieu, l'année suivante, à la constitution d'une provision pour dépréciation à hauteur de 20 % de leur valeur comptable. Des provisions sont également constituées en ce qui concerne les pièces détachées n'ayant subi aucun mouvement durant quatre, cinq, six et sept ans, à hauteur respectivement de 40 %, 60 %, 80 % et 95 % de leur valeur comptable. Enfin, au-delà de sept années de détention sans réemploi, les pièces sont mises au rebut, en exécution d'un contrat conclu avec une entreprise de récupération de métaux. En outre, la prise en compte de cette dépréciation progressive est ajustée par la SA Etablissements André Zalkin et Cie, qui, lorsqu'une pièce détachée est utilisée durant un exercice comptable, maintient l'année suivante le taux de la provision pour dépréciation qui avait été attribué au cours de l'exercice précédent aux autres pièces stockées sous la même référence et qui, lorsqu'une pièce fait l'objet de deux réemplois durant l'année, abaisse le taux de dépréciation attribué à la référence l'année suivante.
5. Il résulte de l'instruction que, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 3 s'agissant de l'absence d'altération physique et d'obsolescence technique des pièces détachées usinées figurant dans le stock de la société requérante, ces pièces doivent être regardées comme subissant une dépréciation homogène, de sorte qu'il n'était ni utile ni raisonnable que la SA Etablissements André Zalkin et Cie se livre à une individualisation de cette dépréciation pour les 20 000 références de pièces que comptait son stock de pièces détachées usinées, au cours des deux années vérifiées. Au demeurant, la méthode mise en oeuvre par la SA Etablissements André Zalkin et Cie ne se borne pas à appliquer une dépréciation homogène en fonction du seul critère de la durée de détention des pièces dans le stock, mais elle tient compte de l'utilisation effective de chacune des références durant la période écoulée. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, la méthode que la SA Etablissements André Zalkin et Cie a mise en oeuvre doit, eu égard à la spécificité de l'activité exercée par cette société, être regardée comme ayant permis de déterminer avec une approximation suffisante le montant des provisions qu'elle a constituées.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner, avant-dire droit, une expertise, que la SA Etablissements André Zalkin et Cie est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par l'article 2 du jugement du 28 septembre 2017, rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions et majorations restant en litige. La SA Etablissements André Zalkin et Cie est donc fondée à demander la décharge des impositions restant en litige, ainsi que des intérêts de retard et des majorations dont ces rehaussements ont été assortis. Cette décharge impliquera nécessairement, sans qu'il soit besoin pour la cour de prescrire une quelconque mesure d'exécution à cette fin, la restitution par l'administration des sommes qui auraient été versées à ce titre par la SA Etablissements André Zalkin et Cie. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais de procédure exposés pour la présente instance par la SA Etablissements André Zalkin et Cie.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1500070 du 28 septembre 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La SA Etablissements André Zalkin et Cie est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, restant en litige, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des intérêts de retard et des majorations dont ces rehaussements ont été assortis.
Article 3 : L'Etat versera à la SA Etablissements André Zalkin et Cie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à SA des Etablissements André Zalkin et Compagnie et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
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N°17DA02219