1°) d'annuler ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition résultant de la réintégration dans son bénéfice imposable des dépenses facturées par la société viticole du bassin d'Ambalavo (SVBA) ;
2°) de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Binand, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société in Extenso Eure, antérieurement dénommée France Expertise Associés, exerce une activité d'expertise comptable. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er septembre 2008 et le 31 août 2011 à l'issue de laquelle l'administration, par une proposition de rectification du 9 juillet 2012, lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos de 2009 à 2011, à raison de la réintégration dans ses bénéfices imposables de charges dont la réalité ou l'intérêt présenté pour l'entreprise n'étaient pas justifiés. Les rectifications qui en ont résulté ont été mises en recouvrement le 30 novembre 2015 à hauteur d'un montant total de 26 828 euros, en droits, intérêts de retard et majoration pour manquement délibéré infligée sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition. La société In Extenso Eure relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition résultant de la réintégration dans son bénéfice imposable des dépenses facturées par la société viticole du bassin d'Ambalavo (SVBA), qu'elle avait inscrites en charges au titre des exercices vérifiés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs énoncés au point 3 du jugement attaqué que, pour écarter le caractère déductible des dépenses facturées par la société de droit malgache SVBA que la société In Extenso Eure avait inscrites en charges, les premiers juges se sont fondés sur le caractère fictif des factures produites au soutien de ces écritures comptables, qu'ils ont tiré des éléments soumis au débat contradictoire par l'administration et par la société contribuable. Au nombre de ces éléments, le tribunal a relevé que la facturation de prestations de comptabilité par la société SVBA ne correspondait pas à son objet social qui consistait, selon la citation des extraits des statuts produit par la requérante, en des activités agricoles, de conseil et de gestion. Les premiers juges ont ainsi indiqué, de manière suffisamment détaillée que les prestations comptables n'entraient pas dans l'objet social de la SVBA et non, contrairement à ce que soutient l'appelante, que des activités de comptabilité ne pourraient être régulièrement poursuivies par cette société. En outre, contrairement là encore à ce que soutient l'appelante, les premiers juges, en mentionnant que l'existence d'intérêts personnels détenus à Madagascar par le gérant de la société In Extenso Eure et par son épouse, étaient au nombre des indices du caractère fictif de ces factures, ont indiqué les conséquences qu'ils ont tirées du constat de ces intérêts. Enfin, les premiers juges, dès lors qu'ils ont indiqué que la société In Extenso Eure n'établissait pas être dans l'impossibilité de communiquer elle-même à l'administration les justificatifs de charges que cette dernière réclamait, n'étaient pas tenus de répondre, à peine d'irrégularité du jugement, à l'argument tiré par la société In Extenso Eure de ce qu'il était loisible à l'administration d'obtenir d'une société tierce, en vertu de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, certains renseignements protégés par le secret professionnel. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation dont serait entaché le jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
3. En vertu du 1. de l'article 39 du code général des impôts, dont les dispositions, relatives à la détermination des bénéfices industriels et commerciaux, sont applicables à l'impôt sur les sociétés en application du I. de l'article 209 de ce code, le bénéfice net d'une entreprise est établi, notamment, sous déduction des charges de toute nature qu'elle a exposées pour les besoins de son activité.
4. Dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur ou d'un prestataire, il incombe, indépendamment de la procédure d'imposition, à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée, c'est-à-dire que la facture au vu de laquelle la charge a été portée en déduction présente un caractère fictif.
5 La société In Extenso Eure a déduit en charges des exercices vérifiés les sommes facturées par la société SVBA à raison, selon les mentions portées sur ces factures, de la sous-traitance de prestations de saisie de factures, de tenue et de suivi de la comptabilité de deux de ses clients ainsi que d'un audit réalisé au profit d'un troisième client. Estimant que les factures produites au soutien de ces inscriptions en charges au cours des opérations de vérification présentaient un caractère fictif, l'administration a remis en cause la déductibilité des sommes mentionnées sur ces factures et les a réintégrées dans le résultat imposable de la société In Extenso Eure au titre des exercices correspondants.
6. Pour établir, ainsi qu'il lui incombe, le caractère fictif des factures émanant de la société SVBA, l'administration s'est fondée sur un faisceau d'indices. Elle a, relevé, tout d'abord, que l'objet social de la société SVBA, au vu des extraits de ses statuts produits au vérificateur, consistait seulement en la réalisation d'activités viticoles et de conseil en organisation et en gestion, sans inclure des tâches comptables. Elle a constaté, ensuite, que la société vérifiée n'était en mesure de produire aucun document justifiant de l'accomplissement effectif des prestations supposément sous-traitées, qu'il s'agisse des tâches comptables ou de l'audit de gestion, ou de correspondances ayant trait à la supervision du sous-traitant, ni même d'indiquer le nombre de documents comptables qui auraient été pris en charge par ce sous-traitant. L'administration a fait valoir, enfin, que le gérant de la société In Extenso Eure était également co-gérant, avec son épouse, de la société SVBA, située à Madagascar. Pour réfuter la pertinence de ces indices, la société In Extenso Eure se prévaut de la lettre de mission et d'une attestation, toutes deux établies par la société SVBA, déjà produites au vérificateur, qui se bornent à faire état de tâches de saisie mensuelle des comptes sur la base des pièces de ventes et achats et d'analyse mensuelle de ces comptes ainsi que de l'emploi de personnels " spécialisés en tenue de comptabilité pour des entreprises malgaches et étrangères ". Or, compte tenu de leur rédaction en des termes très généraux et de la proximité de gouvernance avec le donneur d'ordre, ces documents présentent, à eux seuls, un caractère insuffisamment probant pour établir l'accomplissement effectif des prestations en cause. Il en est de même de l'intérêt économique présenté par le recours à la sous-traitance dont la société In Extenso Eure se prévaut. Si elle fait valoir de nouveau en cause d'appel que les prestations comptables réalisées par la société SVBA sont intégrées dans une chaîne de traitements couverts par le secret professionnel, qui sont opérés par la société Eurexpertise, également sa sous-traitante, la société In Extenso Eure ne produit toutefois aucun élément de nature à établir qu'en dépit de sa qualité de donneur d'ordre des sociétés SVBA et Eurexpertise, et partageant comme tel le secret professionnel relatif à ces prestations, elle ne détiendrait aucune pièce se rapportant aux prestations que ses clients lui ont confiées et qu'elle leur facture directement. Dans ces conditions, la sous-traitance des prestations ne saurait faire obstacle, par elle-même, à l'obligation à laquelle la société In Extenso Eure était tenue, en vertu de l'article 54 du code général des impôts, de présenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations qu'elle a déposées, dans les limites fixées par les dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, de l'article L. 86 et de L. 86 A de ce livre relatives au respect du secret professionnel. Le droit de communication dont dispose l'administration envers la société Eurexpertise, en vertu de ces mêmes dispositions, est sans incidence sur cette obligation.
7. Eu égard à ce qui précède la société appelante échoue à combattre le faisceau d'indices sur lequel l'administration s'est fondée pour estimer que les factures qui lui ont été communiquées présentaient un caractère fictif. Par suite, c'est à A... droit que la déductibilité des sommes portées sur ces factures, en tant que charges des exercices clos de 2009 à 2011, a été remise en cause par l'administration.
Sur la majoration pour manquement délibéré :
8. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu que la société In Extenso Eure avait, de manière réitérée sur plusieurs exercices, porté en déduction des dépenses au vu de factures présentant un caractère fictif. Le faisceau d'indices avancé à A... droit par l'administration, ainsi qu'il a été dit au point 7, pour justifier que les factures en cause soient regardées comme présentant un caractère fictif, suffit à démontrer le bien-fondé de cette qualification. La déduction de dépenses au vu de factures fictives constitue un agissement qui, par lui-même, révèle l'intention de son auteur de soustraire les sommes correspondantes à l'impôt. Par suite, l'administration était fondée à faire application aux droits en litige de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société In Extenso Eure n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société In Extenso Eure est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société In Extenso Eure et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique Ouest).
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N°19DA00391