Par une requête, enregistrée le 31 janvier 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2018 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, à un nouvel examen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille, ainsi que le protocole qui y est annexé ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant algérien, né le 20 mai 2000 à Annaba (Algérie), est entré régulièrement sur le territoire français le 8 novembre 2015, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa Schengen " C " valable du 5 septembre 2015 au 2 mars 2016. Par un jugement du 7 janvier 2016, le juge des enfants près le Tribunal de grande instance de Lille a décidé de le confier, jusqu'à sa majorité, au service de l'aide sociale à l'enfance. Le 25 avril 2018, M. A... a sollicité du préfet du Nord la délivrance d'un certificat de résidence d'un an en faisant état de sa scolarisation et de ses perspectives d'insertion professionnelle. Par un arrêté du 15 novembre 2018, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. M. A... relève appel du jugement du 2 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et respectivement énoncés aux points 2 et 4 du jugement attaqué, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision de refus de séjour et de l'insuffisante motivation de cette décision.
3. Eu égard notamment au caractère suffisant de la motivation de la décision de refus de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord ne se serait pas livré à un examen suffisamment sérieux et attentif de la situation de M. A... avant de prendre cette décision.
4. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, soit le 15 novembre 2018, M. A..., qui, comme il a été dit au point 1, est entré régulièrement en France le 8 novembre 2015, était présent sur le territoire français depuis trois ans, au cours desquels il a poursuivi sa scolarité, s'est inscrit dans une filière professionnelle et a obtenu, au terme de l'année scolaire 2017/2018, un brevet d'études, puis, à la session de juillet 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté, un baccalauréat, dans la spécialité des métiers de l'électricité et des environnements connectés. M. A... se prévaut de l'ancienneté de son séjour, de son investissement dans sa formation professionnelle, qui lui a permis d'obtenir la reconduction du contrat d'entrée dans la vie adulte conclu avec le département du Nord, de sa bonne intégration, dont témoigne notamment sa pratique du judo dans une association sportive, et de ce que ses liens avec ses parents restés dans son pays d'origine se sont distendus. Toutefois, il est constant que M. A... est célibataire, sans enfant à charge et qu'il a conservé l'ensemble de ses attaches familiales en Algérie, où résident ses parents, ses deux grandes soeurs et son petit-frère, quand bien même, selon une note sociale établie le 17 décembre 2019, soit à une date postérieure à celle de l'arrêté contesté, ses contacts téléphoniques avec ceux-ci se sont espacés compte-tenu de relations difficiles avec son père. En outre, les quelques relevés de note qu'il verse au dossier montrent que son investissement dans sa formation professionnelle n'a pas été constant, un manque de motivation et de nombreuses absences y ayant été soulignés. En conséquence, M. A... a vocation à rejoindre sa famille dans son pays d'origine, où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de poursuivre son insertion professionnelle dans les métiers de l'électricité. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard notamment aux conditions et à la durée de son séjour en France, le préfet du Nord, pour refuser de délivrer un certificat de résidence à M. A..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, l'autorité préfectorale, en édictant cette décision, n'a pas davantage méconnu les stipulations précitées du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. Aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourse ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention "étudiant" ou "stagiaire". / (...) ". En outre, aux termes de l'article 9 de cet accord : " (...) / Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 " (lettres c et d) ", et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. / (...) ".
7. Il est constant que M. A... est démuni du visa de long séjour auquel les stipulations précitées de l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 subordonnent la délivrance d'un certificat de résidence aux ressortissants algériens qui invoquent le bénéfice du titre III du protocole annexé à cet accord. Dès lors, le préfet du Nord a pu légalement refuser, pour ce motif, la délivrance à M. A... d'un certificat de résidence sur le fondement du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
8. Les articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatifs aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis, au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, à séjourner en France, ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
9. Eu égard à ce qui a été dit au point 5 s'agissant de la durée du séjour de M. A..., de sa situation familiale et de son degré d'implication dans sa formation professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser de le faire bénéficier d'une mesure de régularisation, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et respectivement énoncés aux points 11 et 13 du jugement attaqué, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français et de l'insuffisante motivation de cette décision.
11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne peut qu'être écarté.
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, les moyens tirés de ce que la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968et de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.
Sur le refus d'attribution d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :
13. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et énoncés au point 16 du jugement attaqué, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision refusant d'accorder à M. A... un délai supérieur à trente jours pour quitter volontairement le territoire français.
14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation / (...) ".
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas même allégué, que M. A... aurait sollicité du préfet du Nord, en faisant état de circonstances particulières tirées de sa situation, l'attribution d'un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours fixé par les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... soutient cependant que ce délai serait inadapté à son cas, eu égard à son parcours scolaire et à sa volonté de poursuivre des études en France. Toutefois, les seules circonstances ainsi invoquées ne suffisent pas à établir, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 en ce qui concerne la situation personnelle et familiale de M. A... et son implication dans son cursus de formation professionnelle, que, pour estimer qu'il n'y avait pas lieu de le faire bénéficier d'un délai plus long, le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges et énoncés au point 19 du jugement attaqué, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
18. M. A... n'apporte aucune précision, ni aucun élément, au soutien de ses allégations selon lesquelles il ne pourrait envisager sans crainte la perspective d'un retour dans son pays d'origine. Si, comme il a été dit au point 5, une note d'un travailleur social établie à une date postérieure à celle de l'arrêté contesté évoque ses relations difficiles avec son père, M. A... n'apporte aucune précision ni aucun élément probant sur ce point. Dès lors, les moyens tirés par M. A... de ce que le préfet du Nord, en fixant l'Algérie au nombre des pays à destination desquels il pourra être reconduit d'office, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle, ne peuvent qu'être écartés.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera transmise au préfet du Nord.
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N°20DA00189