Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, Mme B..., représentée par Me Inquimbert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Christian Heu, président de chambre, a été entendu, au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante mongole née le 8 septembre 1985 à Darkhan (Mongolie), est entrée en France le 26 août 2016, accompagnée de son époux, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa de court-séjour, délivré par les autorités italiennes, valable du 15 août 2016 au 15 septembre 2016. Elle a présenté, le 23 décembre 2016, une demande d'asile. Sa demande d'asile a toutefois été rejetée par une décision du 26 avril 2017 de l'Office français de protection des étrangers et des apatrides, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile en date du 7 décembre 2017. Par un arrêté du 26 avril 2018, le préfet de la Seine-Maritime, prenant acte du rejet de sa demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme B..., qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français, a sollicité, le 21 septembre 2018, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un avis en date du 29 avril 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Par un arrêté du 14 février 2020, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ".
3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".
4. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que le préfet de la Seine-Maritime a relevé, dans cet arrêté, que Mme B... avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant état de son état de santé. Cet arrêté relève que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis en date du 29 avril 2019, a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé et peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour rejeter la demande de titre de séjour dont il était saisi par Mme B..., le préfet de la Seine-Maritime a relevé, au vu notamment de cet avis, que " les éléments de fait de cet avis ne sont pas de nature à justifier la délivrance [à l'intéressée] d'un titre sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Le préfet de la Seine-Maritime indique, dans ses observations en défense, qu'il n'était pas tenu de saisir pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dès lors que " la demande [de l'intéressée] a été traitée dans le cadre d'une procédure d'éloignement prévue par l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du chapitre II de l'arrêté du 27 décembre 2016 qui ne prévoit pas la rédaction d'un rapport avant l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni, par logique, la désignation d'un médecin rapporteur ". Il doit donc être tenu pour établi que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu son avis sans qu'au préalable un médecin de l'Office ait établi le rapport médical prescrit par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, par l'arrêté contesté, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de Mme B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il y a lieu de tenir pour établi le vice de procédure allégué par Mme B.... Or, ce vice de procédure doit être tenu comme ayant privé l'intéressée d'une garantie substantielle. Par suite Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté du 14 février 2020 du préfet de la Seine-Maritime, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, est entaché d'illégalité et doit être annulé, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions, contenues dans cet arrêté, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement. En outre, il y a lieu, compte tenu du motif d'annulation de l'arrêté contesté, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par Mme B..., dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt. Toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme B... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2002401 du 19 novembre 2020 du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 14 février 2020 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de procéder au réexamen de la demande de Mme B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros au conseil de Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Inquimbert.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
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N°21DA00477