Par une requête, enregistrée le 15 avril 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Dijon du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Côte-d'Or des 20 et 27 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne répond pas au moyen dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ;
- le refus de titre de séjour, sur lequel se fonde l'obligation de quitter le territoire français en litige est en effet entaché d'illégalité, en ce qu'il méconnaît l'article L. 313-11 2° bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il oppose à tort le caractère frauduleux des actes d'état civils sans vérification par les autorités ivoiriennes et en ce qu'il procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- la mesure d'éloignement viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation en l'absence de risque de fuite ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que
- la cour ne peut connaître en appel de la légalité du refus de titre de séjour ;
- les moyens soulevés sont infondés.
Par une décision du 26 juin 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 20 mars 2019, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné le pays de renvoi et lui a interdit le retour en France pendant un an. Par un arrêté du 27 mars 2019, le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 2 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, après avoir renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans ces arrêtés.
Sur l'étendue du litige :
2. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 1 qu'il n'a pas été statué par le jugement attaqué sur la demande d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, celle-ci ayant été renvoyée devant une formation collégiale du tribunal. Par suite, les conclusions tendant par voie d'action à l'annulation du refus de titre de séjour sont irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu au moyen dirigé contre la mesure d'éloignement en litige, qui figurait d'ailleurs dans les visas et qui n'était pas inopérant, tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, entaché d'omission à statuer, est irrégulier.
4. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A....
Sur la légalité des arrêtés du préfet de la Côte-d'Or des 20 et 27 mars 2019 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
S'agissant de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 313-2-2 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
6. Pour refuser à M. A... la délivrance du titre de séjour sollicité au titre des dispositions citées au point précédent, le préfet de la Côte-d'Or a opposé à l'intéressé deux motifs, le premier tenant au défaut de suivi d'une formation, le second au caractère frauduleux de sa demande.
7. D'une part, le requérant, sans contester spécifiquement le premier motif de refus, s'est borné au titre du rappel des faits à indiquer qu'il n'aurait pu poursuivre sa formation en CAP Ebénisterie en raison du refus initial d'enregistrement de sa demande de titre de séjour par le préfet, sans assortir cette allégation du moindre élément. Il indique effectuer, dans le cadre d'un contrat d'accompagnement avec Pôle Emploi, un stage au sein d'une société de restauration. Il n'établit pas ainsi, à la date de la décision litigieuse, du suivi d'une formation susceptible de lui ouvrir droit au bénéfice des dispositions précitées.
8. D'autre part, l'article 47 du code civil cité au point 5 pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
9. Il ressort de la lettre adressée en août 2018 à M. A... par le préfet que la police aux frontières a estimé que les documents d'état civil produits par l'intéressé étaient contrefaits. En se bornant à soutenir que le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sans saisir les autorités ivoiriennes aux fins de vérification, le requérant ne critique pas sérieusement les éléments produits par le préfet pour établir l'existence d'une fraude.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut être regardé comme remplissant les conditions posées par les dispositions précitées du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour " vie privée et familiale ".
11. En deuxième lieu, M. A..., entré en France sous couvert de documents d'état civil contrefaits, n'y poursuit plus aucune formation qualifiante ou professionnalisante. Célibataire et sans enfant, le requérant ne fait pas état d'attaches particulières en France. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour procède, au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle, d'une erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant des autres moyens dirigés contre cette décision :
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 5 à 11, la mesure d'éloignement qui ne repose pas sur un refus de titre illégal, n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation faite par le préfet des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :
13. En premier lieu, M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.
14. En deuxième lieu, la décision refusant à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, qui vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été prise au motif que celui-ci a volontairement produit à deux reprises des documents d'état-civil déclarés contrefaits, comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée.
15. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que M. A... entrait dans le champ des dispositions du e) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement. Alors même que l'intéressé s'est toujours présenté jusqu'alors aux convocations de l'administration, le moyen selon lequel le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
16. M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Sauf menace grave pour l'ordre public, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans, compte tenu des prolongations éventuellement décidées. ".
18. M. A..., qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, ne justifie d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à ce qu'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français soit prononcée à son encontre. Compte tenu de ce qui est dit aux points 7 à 11, la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à l'encontre de M. A..., limitée à une année, n'apparaît pas entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
19. M. A... n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas fondé à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
20. Le présent arrêt, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction de M. A... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900906 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Dijon du 2 avril 2019 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme E... G..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme D... C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
La rapporteure,
Bénédicte C...La présidente,
Dominique G...
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
5
N° 19LY01476
md