Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mai 2019, M. D... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 mars 2019 ainsi que les décisions du préfet de l'Ain du 29 juin 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ", à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- dès lors que le préfet s'est estimé saisi d'une demande de carte de séjour pluriannuelle, il lui incombait de s'assurer que la demande comportait les pièces indispensables à l'instruction de la demande, précisément listées aux articles R. 313-45 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en refusant le titre de séjour au motif que l'intéressé n'a transmis aucun justificatif sans lui demander de régulariser sa demande, le préfet a méconnu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et les administrations et le refus de titre a été pris au termes d'une procédure irrégulière ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier, en ce que les services instructeurs de la demande ne l'ont pas contacté pour éclaircir sa demande de titre de séjour qui n'est fondée explicitement sur aucune disposition du code et n'ont pas tenu compte de l'erreur du requérant lequel a coché la case " carte pluriannuelle " dans le formulaire de demande, alors qu'il souhaitait simplement bénéficier d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou de sa qualité de salarié ;
- la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal a d'ailleurs méconnu le principe du contradictoire en mentionnant un jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2017 lequel rejetait des conclusions en annulation dirigées contre une précédente mesure d'éloignement, sans verser ce jugement aux débats ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire dans le délai de trente jours est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour qui la fonde ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il est exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Albanie ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire à l'encontre de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an ; il reprend ses moyens soulevés en première instance à l'encontre de cette décision.
Par un mémoire enregistré le 31 octobre 2019, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- les observations de Me B... pour M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... relève appel du jugement du 5 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2018 par lequel le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait, relatives notamment au parcours depuis son entrée en France ainsi qu'à la situation personnelle et familiale du requérant, sur lesquelles elle se fonde. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation, ainsi que celui du défaut d'examen particulier ne sont pas fondés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...) ".
4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Ain ne s'est pas fondé sur l'absence des documents ou des justificatifs nécessaires à l'instruction de son dossier de demande, mais, après avoir rappelé l'ensemble de la situation du requérant, sur la circonstance que l'intéressé n'entrait pas dans les cas de délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle ni dans aucun cas de régularisation. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
5. En troisième lieu, le requérant se prévaut de plusieurs promesses d'embauches et d'une relation matrimoniale avec une compatriote mineure et lycéenne scolarisée en France. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., né en 1994 et de nationalité albanaise, est entré récemment en France , en janvier 2016, avec ses parents et son frère ainsi que la compagne de ce dernier. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 mai 2016, puis par arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 1er décembre 2016. L'ensemble des membres de la famille est en situation irrégulière en France. Le requérant a déjà fait l'objet, le 4 janvier 2017, d'une première mesure d'éloignement. Le recours a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 mars 2017 dont les premiers juges pouvaient d'ailleurs, sans porter atteinte au principe du contradictoire, tenir compte et mentionner dans leurs motifs sans le verser aux débats de première instance. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions du séjour du requérant, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts poursuivis par la décision attaquée. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
6. Il résulte de ce qui est dit ci-dessus aux points 2 à 5 que M. C... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité du refus de lui délivrer une carte de séjour pour demander l'annulation, par voie de conséquence, de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Selon le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
8. Pour critiquer l'appréciation portée par les premiers juges, qu'il estime stéréotypée, M. C... fait valoir qu'il produit de nouveaux documents attestant que la vendetta dont est victime sa famille par la famille E... est toujours en cours malgré une tentative de conciliation devant les autorités albanaises en janvier 2016 et que, du fait de cette vendetta, il encourt des risques personnels en cas de retour en Albanie. Toutefois, même si M. C... apporte des éléments de nature à corroborer des tensions persistantes et des menaces verbales proférées à l'encontre de membres de sa famille, ces éléments ne suffisent pas à établir qu'il serait actuellement exposé dans ce pays à un risque de faire l'objet de traitements contraires aux stipulations et dispositions citées au point 7 ni que les autorités locales seraient dans l'incapacité d'assurer sa sécurité en cas de retour en Albanie. Pour ces mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour sa situation personnelle.
Sur la décision lui interdisant le retour sur le territoire pendant un an :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit ci-dessus que M. C... n'est pas fondé à invoquer l'illégalité du refus de lui délivrer une carte de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination.
10. En second lieu, M. C... indique reprendre l'intégralité de ses moyens de première instance, il convient de les écarter par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les conclusions de M. C... à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait application au bénéfice de son avocat des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme H..., présidente de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme G... F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.
La rapporteure,
Christine F... La présidente,
Dominique H...
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 19LY02003
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