1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 mars 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé
- le préfet a commis une erreur de droit en ajoutant une condition à celles prévues par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation dans son application de cet article ;
- l'arrêté méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2019, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Claisse, avocat, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller,
- et les observations de Maître F..., représentant M. H... et Me G..., représentant le préfet de l'Yonne ;
Considérant ce qui suit :
1. M. H..., ressortissant camerounais, né le 8 janvier 1982, déclare être entré en France le 18 février 2012 sous couvert d'un visa de vingt-neuf jours. Ayant reconnu la paternité d'un enfant, le jeune B..., né le 11 octobre 2017 d'une ressortissante française, Mme A... E..., il a déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 20 septembre 2018, le préfet de l'Yonne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. M. H... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté litigieux :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ".
3. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. H..., le préfet a estimé que ce dernier n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant. A ce titre, le préfet met en avant les déclarations de Mme A... E... lors de son audition à la gendarmerie, suivant lesquelles M. H... " ne prenait pas beaucoup de nouvelles ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette réponse portait sur les motifs de rupture du couple, qui n'a jamais vécu sous le même toit, préalablement à la naissance de l'enfant. Au cours de cette même audition, celle-ci a d'ailleurs déclaré " Depuis que j'ai tapé sur la table, il prend des nouvelles de notre enfant, il passe le voir quand il veut ". M. H..., quant à lui, a déclaré à la gendarmerie voir son enfant " minimum une fois par semaine, mais quand je le peux trois à quatre fois par semaine ". Mme A... E... a également indiqué dans un courrier adressé au préfet que M. H... voyait son enfant deux fois par semaine. La participation à l'éducation de l'enfant est corroborée par les diverses photographies produites au dossier, qui figurent M. H... avec son fils, à différents âges de la vie de ce dernier, qui avait moins d'un an à la date de l'arrêté litigieux. Antérieurement à l'arrêté litigieux, M. H... a pourvu financièrement à l'entretien de son enfant, à la hauteur de ses moyens, en versant des sommes de 50 à 200 euros par mandat cash au cours des premiers mois de vie de l'enfant et en finançant des achats de produits pour nourrisson. Si les versements ont été ensuite interrompus, ceci peut s'expliquer par l'impécuniosité de l'intéressé, qui ne travaille pas, ne reçoit pas d'aide publique et est hébergé chez le couple formé par la cousine de Mme A... E... et le mari de celle-ci. Si le préfet fait valoir que les procès-verbaux d'audition font apparaître des contradictions dans les déclarations des deux parents, celles-ci ne consistent essentiellement qu'en des divergences de quelques mois quant aux dates de rencontre et de rupture du couple. Contrairement à ce qu'indique le préfet, M. H... établit exercer l'autorité parentale sur son fils, notamment par la production d'une autorisation d'opération chirurgicale sur mineur, qu'il a signé seul. Enfin, quand bien-même M. H... et Mme A... E... n'ont jamais vécu sous le même toit, aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que la reconnaissance de paternité serait frauduleuse. Par suite, l'intéressé était en droit de demander la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées.
4. Il résulte de ce qui précède que M. H... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour litigieuse et, par voie de conséquence, les autres décisions subséquentes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Le juge de l'injonction, saisi de conclusions présentées au titre de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, est tenu de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de son arrêt ;
6. Le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour litigieuse et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet de l'Yonne délivre le titre sollicité au requérant. Par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. H... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 5 mars 2019 et l'arrêté susvisé du 20 septembre 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Yonne de délivrer à M. H... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. H... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... H..., au préfet de l'Yonne et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt en sera adressée au préfet de l'Yonne et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Sens.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme C..., présidente assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. Langlet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 19LY02385
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