Procédure devant la cour
I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 20LY01587 le 12 juin 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 27 juillet 2020, qui n'a pas été communiqué, le préfet de l'Ain demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement du 19 mai 2020.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2020, M. B..., représenté par Me E... C..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 20LY01592 le 12 juin 2020, le préfet de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mai 2020 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a estimé que M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention étudiant ; faute de demande en ce sens, il n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvoir bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en tout état de cause, M. B... ne remplit pas les conditions de délivrance de ce titre de séjour puisqu'il n'est pas titulaire d'un visa de long séjour ;
- les moyens de première instance sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2020, M. B..., représenté par Me E... C..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement et demande à la cour qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- au regard des pièces produites par le demandeur, le préfet devait examiner la possibilité de l'admettre au séjour en qualité d'étudiant ;
- le refus de titre de séjour ne procède pas d'un examen sérieux de sa situation et n'est pas suffisamment motivé ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle compte tenu de son parcours scolaire sérieux et assidu ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... D..., première conseillère ;
- les observations de Me C... pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 16 avril 2001, entré en France le 16 août 2018, a présenté une demande de titre de séjour le 23 mai 2019, que le préfet de l'Ain lui a refusé sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un arrêté du 2 décembre 2019, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. Le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 19 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté. Il demande l'annulation et le sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes relatives à la situation administrative d'un même ressortissant étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 20LY01592 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :
3. Il appartient à l'étranger lorsqu'il sollicite l'admission au séjour d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles lors du dépôt de sa demande. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a pas précisé le fondement légal de sa demande de titre de séjour dans le formulaire qu'il a rempli en préfecture. Le préfet de l'Ain, qui a examiné la demande de titre de séjour de M. B... comme présentée sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des pièces produites à l'appui et n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de l'erreur de droit en estimant que le préfet aurait dû également examiner la possibilité d'admettre M. B... au séjour en qualité d'étudiant.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
Sur les autres moyens de M. B... :
En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
5. La décision portant refus de titre de séjour comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Elle répond ainsi aux exigences de motivation résultant des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
6. Il ressort de la motivation de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Ain, qui n'était pas tenu de répondre exhaustivement à chacun des éléments invoqués à l'appui de la demande, a procédé à un examen précis et sérieux de la vie privée et familiale de M. B.... Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, le moyen selon lequel le refus de titre de séjour n'aurait pas été pris à l'issue d'un examen sérieux de sa situation faute pour le préfet de l'Ain d'avoir examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 16 août 2018 à l'âge de dix-sept ans sous couvert d'un visa de court séjour, où il a été pris en charge par sa tante, laquelle vit en France sous couvert d'une carte de résident et qui s'était vue déléguer l'exercice de l'autorité parentale. La seule circonstance que M. B... justifie d'excellents résultats scolaires au Lycée où il est scolarisé depuis son entrée sur le territoire national ne suffit pas à établir qu'il aurait désormais en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors qu'il dispose de fortes attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère et sa soeur. Dans ces circonstances et compte tenu du caractère récent de son séjour en France, le refus de titre de séjour ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B..., en l'absence d'obstacle avéré à la poursuite de ses études au Maroc.
En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.
9. Pour les motifs exposés au point 7, la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
10. M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour n'est en tout état de cause pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain est fondé à demander, outre l'annulation du jugement qu'il attaque, le rejet de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur la requête n° 20LY01587 :
12. Le présent arrêt ayant statué sur la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement du 19 mai 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Sur les frais liés aux litiges :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 mai 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de l'Ain à fin de sursis à exécution.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme F... D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2020.
N° 20LY01587, 20LY01592
fp
N° 20LY01587, 20LY01592