Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 27 août 2018 et le 9 octobre 2019, la commune de Meylan, représentée par la Selarl Itinéraires Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2018 et de rejeter la demande de Mme C... ;
2°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, le jugement est irrégulier ; c'est à tort que le tribunal a estimé que le certificat litigieux n'était fondé que sur un seul motif ; les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens dirigés contre le second motif de la décision ;
- le certificat méconnaît les dispositions du titre VI du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, notamment les dispositions d'application de la carte des éléments de paysage ; le projet mentionné dans le certificat d'urbanisme opérationnel prévoit l'abattage d'un boisement ornemental, notamment d'un séquoia qui est l'arbre le plus remarquable de cet ensemble, et une minéralisation du terrain d'assiette ;
- à titre subsidiaire, elle demande à ce que soit substitué aux motifs initiaux, le motif tiré de ce que le permis méconnaît l'article UD13 du règlement ; aucun impératif technique ne justifie l'abattage du boisement ;
- à titre subsidiaire, elle demande à ce que soit substitué le motif tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de Mme C... du fait de la caducité de l'arrêté du 18 juillet 2014 par lequel le maire de Meylan ne s'est pas opposé aux travaux visant à allotir et créer le lot n° 4, qui est le terrain d'assiette du projet concerné par le certificat d'urbanisme en litige.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 17 septembre et le 21 octobre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représentée par la Selarl CDMF Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Meylan en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le jugement est régulier ; contrairement à ce que soutient la commune, les premiers juges ont statué sur l'ensemble des motifs d'opposition aux travaux ;
- le motif tiré de ce que le projet méconnaîtrait les prescriptions I-C du titre VI du plan local d'urbanisme (PLU) n'est pas fondé ; la circonstance que les boisements présents sur le terrain relèvent d'un élément de paysage naturel à protéger au titre de l'article L. 123-1-5 III 2° du code de l'urbanisme alors en vigueur ne peut avoir pour conséquence de rendre la parcelle inconstructible ; le projet est réalisable, nonobstant son emplacement approximatif, à la condition de prescrire des mesures compensatoires à l'abattage d'arbres, comme le prévoit le PLU ;
- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UD 13 n'est pas fondé au regard de la teneur du projet et de l'objet d'une demande de certificat d'urbanisme ;
- la caducité de la non-opposition à déclaration préalable du 18 juillet 2014 est sans effet sur le certificat d'urbanisme en litige.
La clôture de l'instruction a été fixée au 21 octobre 2019 par une ordonnance du 30 septembre précédent en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... E..., première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me D... pour la commune de Meylan ainsi que celles de Me B... pour Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 18 juillet 2014, le maire de Meylan ne s'est pas opposé à la déclaration préalable de travaux visant à diviser les parcelles cadastrées section BN 200 et 113 appartenant à Mme C... et classées en zone UD, en quatre lots. Le lot n° 4 a fait l'objet d'une demande de certificat d'urbanisme sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. La commune de Meylan relève appel du jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble qui, à la demande de Mme C..., a annulé l'arrêté du 12 juin 2015 par lequel le maire de la commune a indiqué dans le certificat d'urbanisme que le lot n° 4 ne pouvait être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient la commune de Meylan, les premiers juges ont, au point 5 de leur jugement, répondu sur le bien-fondé du motif retenu par le maire de Meylan et tiré de ce que le projet méconnaîtrait l'article 1C du titre VI du règlement du PLU de la commune. Ils ont d'ailleurs relevé que c'est à tort que le maire s'est fondé sur ces dispositions pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2015. Si la commune fait grief aux premiers juges de ne pas avoir explicitement répondu sur " l'interdiction de l'aménagement minéral des surfaces sauf impératif technique " que prévoit la disposition précitée, ce moyen se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle et reste sans incidence sur sa régularité. La commune n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Pour annuler l'arrêté du 12 juin 2015, le tribunal administratif a relevé que la localisation de la maison projetée sur le lot n° 4, telle qu'indiquée dans le plan fourni dans la demande de certificat, n'était qu'approximative et qu'une surface importante du lot n° 4 n'est pas couverte par les éléments du boisement ornemental et qu'en estimant que le projet était susceptible de porter atteinte à un boisement ornemental, le maire de Meylan a commis une erreur d'appréciation pour l'application des dispositions de l'article 1C du titre VI du règlement du plan local d'urbanisme.
4. Pour contester cette appréciation, la commune de Meylan fait valoir que, selon les prescriptions du règlement du PLU, tout aménagement minéral des surfaces dans le périmètre de protection des boisements ornementaux est interdit sauf impératif technique, ce dont ne relève pas le projet de construction nouvelle pour la faisabilité duquel le maire a été consulté, et que ce dernier était tenu de tirer toutes les conséquences de la localisation du projet de construction tel qu'il lui était présenté dans la demande de certificat d'urbanisme.
5. Aux termes de l'article L. 410-1 b) du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. ".
6. L'article 1C du VI du règlement du plan local d'urbanisme, relatif aux dispositions d'application de la carte des éléments de paysage, définit un boisement ornemental comme des " Arbres, groupements d'arbres ou alignements sur pelouse, éventuellement sur revêtement minéral, associés ou non à des arbustes, qui ne sont pas forcément remarquables mais souvent de grande hauteur, et jouent un rôle fort dans l'accompagnement paysager des immeubles ou infrastructures. Intérêt pour le cadre de vie des habitants (vue sur et depuis les immeubles). ". Ces mêmes dispositions prescrivent que " a - [l'] abattage d'arbres [est] soumis à mesures compensatoires de replantation d'espèces correspondantes ; / b - [l'] aménagement minéral des surfaces [est] interdit sauf impératifs techniques. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la quasi-totalité de la surface du lot n° 4, terrain d'assiette du projet, est concerné par un périmètre de protection de boisements ornementaux institué sur le fondement du 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme alors en vigueur. Le projet de construction, présenté à l'appui de la demande du certificat d'urbanisme litigieux, s'implante au coeur de ce boisement ornemental, précisément en lieu et place d'un séquoia et d'un cèdre, de plus de 20 mètres au faîtage chacun, lesquels ont notamment motivé la protection paysagère ainsi instituée. Si la protection paysagère résultant du titre VI du règlement induit uniquement, en zone constructible, que les arbres abattus soient compensés par de nouvelles plantations, l'implantation choisie par la pétitionnaire nécessite toutefois l'abattage d'arbres qualifiés de " sujets majeurs " par la commune, et dont il ne ressort pas des pièces de la demande de certificat d'urbanisme qu'une compensation soit prévue. Enfin, il n'est pas établi par les pièces du dossier, contrairement aux affirmations de Mme C..., que l'un des arbres remarquables serait fragilisé et que sa conservation serait compromise. Dans ces conditions, et alors même que le lot n° 4 est implanté en zone UD, le maire, qui était tenu de se prononcer sur la faisabilité du projet tel que présenté par Mme C..., n'a pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... tant en première instance qu'en appel.
9. Mme C... excipe de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'inclusion de la totalité de la surface du lot n° 4 en boisement faisant l'objet de mesures de protection paysagère, au motif que ce classement aurait pour conséquence l'impossibilité de construire sur un terrain implanté en zone constructible. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les auteurs du PLU ont institué un périmètre de protection des boisements ornementaux en application du 7° de l'article L. 123-5-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur, sur une partie seulement des parcelles cadastrées section BN n° 113 et n° 200 et que la protection de ces boisements n'obère pas la possibilité de construire sur le restant de la surface de ces vastes parcelles. La circonstance que Mme C..., par une décision de gestion de son patrimoine inopposable à l'administration, ait choisi de diviser son terrain en quatre lots, dont l'un se trouverait par l'effet de cette décision concerné pour la totalité de sa surface par les boisements ornementaux à protéger, postérieurement à la mise en place de ces mesures de protection, est sans effet sur le bien-fondé du choix des auteurs du PLU d'instituer cette protection et ne saurait avoir pour conséquence de la priver de toute effectivité. Il en résulte que Mme C... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité du PLU en ce qu'il identifie comme boisements ornementaux les arbres situés sur le terrain d'assiette du projet.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la substitution de motifs demandée par la commune, que la commune de Meylan est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 12 avril 2015. Elle est par suite fondée à en demander l'annulation ainsi que le rejet de la demande de Mme C....
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande Mme C... au titre des frais qu'elle a exposés à l'instance soit mise à la charge de la commune de Meylan, qui n'est pas partie perdante en appel. Il y a en revanche lieu de mettre à la charge de Mme C..., au titre des mêmes dispositions, la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Meylan.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : La demande de Mme C... est rejetée.
Article 3 : Mme C... versera à la commune de Meylan la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Meylan et à Mme C....
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme F... E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
N° 18LY03305
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