Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2019, 26 septembre 2019 et 10 octobre 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. et Mme C..., représentés par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires Publiques, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2019 ;
2°) d'annuler le permis de construire du 21 mars 2016 ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge solidaire de la commune d'Aix-les-Bains et de la SARL La Cascade au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient de leur intérêt pour agir ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le projet entre bien dans le champ d'application des dispositions régissant les lotissements ;
- le permis de construire aurait dû être précédé d'une autorisation préalable de division parcellaire ainsi que du projet de constitution d'une association syndicale ;
- le dossier de permis de construire est incomplet au regard des articles R. 431-5, R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- le projet méconnaît l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) en ce que la voie privée de desserte ne respecte par les caractéristiques exigées par ces dispositions et ne comporte pas d'aire de retournement ;
- le permis de construire procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dès lors que les caractéristiques du chemin de la Baye ne permettent pas d'assurer la desserte du projet dans des conditions de sécurité suffisantes ;
- le projet en ses façades sud et nord pour la rampe d'accès s'implante à moins de 4 mètres de la limite séparative en méconnaissance de l'article UD 7 du règlement du PLU ;
- les locaux à vélos et garages, qui ne sauraient être considérés comme des annexes au bâtiment principal, méconnaissent l'article UD 11 du règlement du plan local d'urbanisme faute de comprendre des parties végétalisées ;
- le permis de construire méconnaît l'article UD 12 du règlement du PLU dès lors que les vingt-deux emplacements de stationnement devant être réalisés en sous-sol ne sont pas réalisables, que les emplacements de stationnement extérieurs ne permettent pas au regard de leur localisation la réalisation d'une plateforme de la superficie minimale exigée par l'article 3 de ce règlement et la création d'une aire de retournement ;
- alors que le secteur fait l'objet d'une identification particulière au PLU, le permis de construire procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme compte tenu de l'effet masse du projet, en rupture totale avec l'architecture des bâtiments avoisinants et notamment des bâtiments protégés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, la SARL La Cascade, représentée par la SCP Ballaloud Aladel, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants n'ont pas intérêt pour agir contre le permis de construire en litige ;
- les moyens soulevés sont infondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 septembre 2019 et 8 octobre 2019, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune d'Aix-les-Bains, représentée par la SELARL Sindres, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants n'ont pas intérêt pour agir contre le permis de construire en litige ;
- les moyens soulevés sont infondés.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 octobre 2019, par une ordonnance du 26 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... D..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me A... pour M. et Mme C..., celles de Me H... pour la commune d'Aix les Bains ainsi que celles de Me E... pour la SARL la Cascade ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. et Mme C..., enregistrée le 24 octobre 2019 ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 21 mars 2016, le maire de la commune d'Aix-les-Bains a délivré à la SARL La Cascade un permis de construire deux bâtiments collectifs abritant chacun neuf logements et un garage commun en sous-sol, sur un terrain situé chemin de la Baye. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de leur recours gracieux.
Sur la légalité du permis de construire du 21 mars 2016 :
En ce qui concerne la composition du dossier de demande :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 442-1 du code de l'urbanisme : " Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager : (...) d) Les divisions de terrains effectuées conformément à un permis de construire prévu à l'article R. 431-24 ". Aux termes de cet article R. 431-24 : " Lorsque les travaux projetés portent sur la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d'assiette comprenant une ou plusieurs unités foncières contiguës, doit faire l'objet d'une division en propriété ou en jouissance avant l'achèvement de l'ensemble du projet, le dossier présenté à l'appui de la demande est complété par un plan de division et, lorsque des voies ou espaces communs sont prévus, le projet de constitution d'une association syndicale des acquéreurs à laquelle seront dévolus la propriété, la gestion et l'entretien de ces voies et espaces communs (...) ".
3. Ainsi que l'ont constaté les premiers juges, le pétitionnaire a joint à sa demande de permis de construire, le 10 mars 2016, un plan de division, conformément aux dispositions citées au point précédent. L'absence d'autorisation de division parcellaire à la date du permis de construire est sans incidence, la division du terrain d'assiette des constructions devant seulement intervenir avant l'achèvement de l'ensemble de l'opération, comme le relève la notice du permis de construire. Le moyen selon lequel le projet autorisé par le permis en litige entrerait dans le champ d'application des dispositions régissant les lotissements et non d'un permis de construire valant division au sens de l'article R. 431-24, que les requérants persistent à invoquer en appel doit ainsi être écarté.
4. Par ailleurs, en l'absence de voie ou d'espace commun entre les constructions existantes et celles autorisées par le permis de construire, il ne saurait être fait grief à la SARL La Cascade de ne pas avoir joint à sa demande de permis de construire le projet de constitution d'une association syndicale.
5. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel leurs moyens selon lesquels le dossier de demande de permis de construire serait incomplet au regard des articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme pour ne pas avoir mentionné la destination des constructions existantes et leur surface de plancher, faute pour le plan de masse de faire apparaître les constructions existantes dont le maintien est prévu, pour la notice descriptive et le document graphique d'insertion de permettre au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Les requérants réitèrent également en appel leur moyen tiré de ce que la demande de permis de construire ne mentionne pas la puissance électrique nécessaire au projet en méconnaissance de l'article R. 431-5 du même code. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne la méconnaissance du règlement du PLU :
S'agissant de l'article UD 3 :
6. Aux termes du 3ème alinéa de l'article UD 3 du règlement du PLU relatif aux accès et à la voirie : " Tout terrain doit présenter un accès à une voie publique, soit directement soit par l'intermédiaire d'une voie privée : / Largeur des voies privées (chaussée et accotement) / -Lorsqu'il s'agit d'une voie desservant un maximum de 2 logements ou d'une voie en impasse dans le cadre d'un projet de 2 nouveaux logements au maximum, la largeur de la plateforme devra être au minimum de 3 m dans les parties droites et 3,50 m dans les courbes prononcées. / En dehors des cas cités ci-dessus, pour les voies desservant un maximum de 4 logements, la largeur de la plateforme devra être de 4 m au minimum. / -Au-delà de 4 logements, la plate-forme devra être de 6,40 m minimum, hors stationnement. Elle intégrera obligatoirement un trottoir de 1,40 m de large. Aucun obstacle ne doit venir réduire la largeur du trottoir. / Les voies en impasse desservant plus de 2 nouveaux logements doivent être aménagées de façon à pouvoir faire demi-tour : / -dans le cas d'une plateforme de rotation, les rayons des courbes seront au minimum de 6 mètres intérieurs et 11 mètres extérieurs. / -dans le cas d'une plateforme de retournement, le rayon des courbes intérieures de raccordement sera au minimum de 8 mètres ".
7. Ces dispositions, relatives à l'aménagement des voies privées nouvelles, n'ont pas pour objet de définir les conditions de constructibilité des terrains situés dans la zone concernée. Par suite, alors que le projet comporte un accès direct à la voie publique, sans aménagement de voie nouvelle, les requérants ne peuvent ainsi utilement se prévaloir de ce que la voie publique dite Chemin de la Baye, construite avant leur adoption, ne respecterait pas les caractéristiques exigées par ces dispositions. L'absence de plateforme correspondant aux caractéristiques requises par l'article UD 3 et d'aire de retournement ne saurait davantage être invoquées, alors que ces dispositions s'appliquent aux seules voies d'accès au terrain d'assiette des constructions et non à aux voies internes à ce terrain.
S'agissant de l'article UD 7 :
8. Les requérants reprennent en appel, sans l'étayer, leur moyen de première instance selon lequel le projet s'implanterait à moins de 4 mètres de la limite séparative en méconnaissance de l'article UD 7 du règlement du plan local d'urbanisme. Ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
S'agissant de l'article UD 11 :
9. Aux termes des dispositions particulières de l'article UD 11 du règlement du PLU relatif à l'aspect extérieur des constructions : " 2.1 Toiture-terrasse / Les toitures terrasses sont autorisées sous réserve que leur emprise soit principalement végétalisée. / Toutefois si elles constituent un espace prolongeant horizontalement des locaux d'habitation ou ceux dans lesquels ils s'exercent une activité, elles devront comprendre des parties végétalisées. Les parties non éventuellement végétalisées doivent être revêtues de matériaux d'aspect fini, de teinte mate, noire, grise ou brune, sans étanchéité apparente./ Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas pour les toitures-terrasses des superstructures autorisées, des annexes à la construction principale, ainsi que les bâtiments à usage de service public ou d'équipement collectif, à condition qu'elles soient soigneusement traitées et revêtues de matériaux d'aspect fini, de teinte mate principalement noire, grise ou brune ".
10. Pour écarter le moyen tiré de l'absence de végétalisation des toitures-terrasses prévues par le projet en méconnaissance de ces dispositions, le tribunal administratif a relevé que les deux locaux à vélo accolés à chacun des bâtiments principaux et la sortie de garages en façade Est du bâtiment B sont des annexes aux bâtiments principaux au sens de l'article UD 11 du règlement.
11. Pour critiquer ce jugement, les requérants se bornent à soutenir que ces toitures-terrasses constituent des espaces prolongeant horizontalement des locaux d'habitation au sens de l'article 2-1, qui doivent obligatoirement comprendre des parties végétalisées. Toutefois, le tribunal a relevé à juste titre leurs emprises et leurs hauteurs modestes et il n'est pas allégué qu'ils communiqueraient avec le corps des deux bâtiments principaux. Dans ces conditions, la seule circonstance que les locaux à vélo qui se jouxtent, relient deux volumes distincts ne suffit pas à écarter la qualification d'annexe. Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les toitures-terrasses prévues au projet n'entrerait pas dans le champ de l'exception prévue au 2.1 de l'article UD 11 du règlement du PLU et autorisant les toitures-terrasses non végétalisées sur les annexes.
S'agissant de l'article UD 12 :
12. Il n'est pas contesté que le projet, qui prévoit la création de vingt-sept places de stationnement dont vingt-deux places de stationnement en sous-sol et cinq places de stationnement extérieures, comporte le nombre d'emplacements de stationnement requis par les dispositions de l'article UD 12 du règlement du PLU. Si les requérants soutiennent que les emplacements extérieurs ne permettent pas au regard de leur localisation la réalisation d'une plateforme de la superficie minimale exigée par l'article 3 de ce règlement et la création d'une aire de retournement, de sorte qu'ils ne pourraient être comptabilisés, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'article 3 du règlement du PLU n'a pas pour objet de définir les caractéristiques des voies internes au terrain d'assiette du projet. Les requérants reprennent pour le surplus, sans l'assortir de la moindre démonstration, leur moyen selon lequel la création des vingt-deux emplacements de stationnement réalisés en sous-sol ne serait pas réalisable. Il y a lieu d'écarter cette branche du moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne l'appréciation des risques :
13. Le moyen que les requérants reprennent en appel selon lequel les caractéristiques du chemin de la Baye ne permettraient pas d'assurer la desserte du projet dans des conditions de sécurité suffisantes, de sorte que le permis de construire procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
En ce qui concerne le respect du caractère et de l'intérêt des lieux :
14. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".
15. Pour soutenir que ces dispositions applicables dans les communes dotées d'un PLU ont été méconnues, les requérants exposent que le projet se situe dans le quartier Saint-Simond, lequel fait l'objet d'une protection particulière au regard de l'intérêt patrimonial qui s'y attache. Ils relèvent l'importance du projet de construction et l'effet masse qu'il produit en rupture avec l'architecture des bâtiments avoisinants. Toutefois, le terrain d'assiette du projet est classé en zone UD, correspondant selon le règlement du PLU aux secteurs caractérisés par un mélange de typologies de constructions plus ou moins anciennes, maisons de ville à l'architecture particulière et villas récentes avec architectures variées. La seule circonstance que les bâtiments implantés sur le terrain d'assiette du projet ont été identifiés comme bâti intéressant au titre de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, sans autre prescription que celle imposant la soumission de toute opération pour ces immeubles à un permis de démolir, ne saurait par elle-même révéler que le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme. Compte tenu des dimensions de ces bâtiments implantés sur le terrain d'assiette, d'une longueur et d'une hauteur comparable, le projet de construction en litige de dix-huit logements répartis en deux bâtiments en R+2 n'est pas en rupture d'échelle avec son environnement immédiat. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire d'Aix-les-Bains a, en délivrant le permis en litige, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions citées au point précédent.
16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposées par la SARL La Cascade, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérants demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge des intimées, qui ne sont pas parties perdantes. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune d'Aix-les-Bains, d'une part, et à la SARL La Cascade, d'autre part.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme C... verseront la somme de 1 500 euros à la commune d'Aix-les-Bains, d'une part, et à la SARL La Cascade, d'autre part, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme I... C..., à la commune d'Aix-les-Bains et à la SARL La Cascade.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme G... J..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme F... D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
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N° 19LY01170
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