Par un jugement n° 1706590-1801587 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et après avoir regardé les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite comme dirigées contre la décision explicite de rejet, a annulé la décision du 29 décembre 2017 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'arrêté du 3 juillet 2017 édictant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de Mme D... et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de Mme D... et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois.
Procédure devant la cour
Par une requête n° 19LY01819 enregistrée le 13 mai 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 mars 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D... devant ce tribunal.
Il soutient que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant eu égard à la brève durée de séjour en France de l'intéressée, à son maintien en situation irrégulière sans justifier d'une insertion sociale ou professionnelle particulière hormis son mariage avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour et eu égard à la circonstance que l'intéressée peut faire l'objet d'une procédure de regroupement familial sans que cela nuise aux intérêts de l'enfant du couple âgé de 11 mois.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2019, Mme D..., représentée par Me F... conclut au non lieu à statuer et à titre subsidiaire au rejet de la requête et demande à ce qu'il enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée familiale ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de trente jours et dans l'attente de lui délivrer un récépissé de titre de séjour dans le délai de deux jours sous astreinte de 200 euros par jours de retard et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête du préfet est devenue sans objet dès lors qu' un titre de séjour " vie privée et familiale " valable jusqu'en mai 2020 valant abrogation des décisions en litige lui a été remis;
-aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2019 par une ordonnance du 6 septembre précédent prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme D... l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % par une décision du 9 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 7 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé, à la demande de Mme D..., sa décision du 29 décembre 2017 par laquelle il a refusé d'abroger la décision du 3 juillet 2017 faisant obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer de Mme D... :
2. La circonstance que le préfet, pour se conformer à l'injonction prononcée par les premiers juges, a délivré à Mme D... un titre de séjour, n'est pas de nature à priver d'objet la requête.Par suite , l'exception de non-lieu opposée à la requête par Mme D... ne peut être accueillie.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., entrée en France le 3 avril 2016, s'est mariée sur le territoire national le 20 mai 2017 avec M. B... A..., également ressortissant turc, qui vit en France depuis de nombreuses années en situation régulière et travaille en qualité de cariste avec un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er décembre 2011. Le couple, qui est hébergé chez la mère de l'époux a donné naissance en janvier 2017 à un enfant. La cellule familiale a ainsi vocation à demeurer en France. L'exécution de l'arrêté du 3 juillet 2017 dont il est refusé l'abrogation aurait nécessairement pour effet de priver l'enfant de la présence soit de son père, soit de sa mère, dans l'attente de l'aboutissement d'une procédure de regroupement familial, dont la demande était d'ailleurs en cours d'instruction au moment de la décision en litige. Dans les circonstances de l'espèce, alors même que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Turquie, le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision contestée au motif qu'elle méconnaissait les stipulations citées au point 2 et lui a enjoint en conséquence de réexaminer la demande de Mme D....
5. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle ordonnée par le tribunal administratif de Grenoble.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme dont la requérante, qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle à hauteur de 55%, demande le versement au bénéfice de son avocat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme D... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme H..., présidente de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme G... E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.
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N° 19LY01819
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