Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 mai 2021, M. B..., représenté par Me Barioz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 février 2021, ainsi que les arrêtés du 21 novembre 2020 de la préfète de l'Ain ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise en violation de son droit d'être entendu et sans examen particulier de sa situation ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- il ne peut être éloigné du fait de son état de santé et remplit les conditions de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire a été prise en violation de son droit d'être entendu ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur d'appréciation pour l'application de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans est insuffisamment motivée, méconnait le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2021, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
La demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée par une décision du 7 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né le 15 juillet 1973, est entré en France en décembre 2014 et a demandé la reconnaissance du statut de réfugié un an après. Sa demande a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 septembre 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 7 mars 2016. Il se maintient sur le territoire après avoir fait l'objet de deux arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire des 3 janvier 2017 et 20 janvier 2018, dont les recours à fin d'annulation ont été définitivement rejetés par la cour administrative d'appel de Lyon par des arrêts respectivement du 3 avril 2018 et du 22 avril 2020. Par arrêté du 21 novembre 2020, la préfète de l'Ain l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 3 février 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. En premier lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne.
3. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, dont les conditions de séjour en France ont été rappelées au point 1, a été entendu par les services de gendarmerie le 20 novembre 2020 après avoir été convoqué pour vérification de son droit au séjour. L'intéressé, qui a pu exposer sa situation personnelle, notamment les problèmes de santé qu'il rencontre, et qui a fait l'objet d'une étude de vulnérabilité avant son placement en rétention, ne démontre pas qu'il aurait été empêché de porter tout élément nouveau à la connaissance de l'administration préalablement à l'adoption de la décision attaquée, ni que de tels éléments auraient été susceptibles d'influer sur le prononcé de cette décision. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit d'être entendu ni que la décision attaquée a été prise sans examen particulier de sa situation.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant, présent depuis six années en France, s'y est maintenu en situation irrégulière après que ses deux tentatives de régularisation ont échoué, qu'il est sans domicile fixe en France, puisqu'il ne peut donner d'adresse et est hébergé par des " connaissances " et sans ressources ni attaches familiales. Compte tenu du parcours et des conditions de séjour en France sus rappelées, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé a fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Enfin, l'intéressé ne démontre pas qu'il ne pourrait pas poursuivre son existence en Arménie où il n'établit pas que sa vie y serait menacée et où il a passé la majeure partie de son existence. Dans ces conditions, la décision en litige portant obligation de quitter le territoire ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En troisième lieu, les certificats médicaux établis en mai 2019 et en novembre 2020 par un médecin psychiatre, qui font état de ce que le requérant souffre d'un syndrome post-traumatique, ne permettent pas d'établir, faute d'être suffisamment circonstanciés, que l'état de santé de M. B... ferait obstacle à son éloignement.
6. En quatrième lieu, et alors que M. B... se prévaut des mêmes circonstances de fait et de droit que celles soulevées au soutien de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire, les moyens tirés de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire a été prise en violation de son droit d'être entendu ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux évoqués respectivement aux points 3 à 5. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la situation sanitaire due à l'épidémie mondiale de Covid-19, ou que la situation en Arménie empêcherait le départ de l'intéressé. Compte tenu de la situation et des conditions de séjour de l'intéressé sus rappelées, c'est par une exacte application de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la préfète de l'Ain a décidé de l'éloignement sans délai du requérant.
7. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
8. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. D'une part, après avoir visé les dispositions précitées, la préfète de l'Ain, qui a relevé que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire, ni, compte tenu de ses conditions d'entrée et de séjour en France, d'avoir fixé sur le territoire national le centre de ses intérêts privés et familiaux, a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans. D'autre part, alors que M. B... se prévaut à nouveau des circonstances de fait déjà examinées aux points 3 à 5, ses moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaîtrait les dispositions précitées au point 8 et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés à ces mêmes points.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.
2
N° 21LY01515