Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 mars 2020, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2020 ;
2°) d'annuler ces décisions de la préfète du Puy-de-Dôme du 14 octobre 2019 ;
3°) à ce qu'il soit fait injonction à la préfète du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai, après lui avoir délivré dans un délai de deux jours une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, s'agissant de la réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le pays de destination ;
- le jugement est entaché d'erreurs de droit et de dénaturation des faits ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas été informé de la possibilité de faire valoir l'ensemble des motifs justifiant de son droit au séjour ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu, qu'il tient des principes généraux du droit de l'Union européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par décision du 26 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né en 1958, a déposé en octobre 2019 une demande d'asile, peu après son entrée irrégulière en France. Cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 20 août 2019. Par arrêté du 14 octobre 2019, la préfète du Puy-de-Dôme a abrogé son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 10 janvier 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " En indiquant que la décision fixant le pays de destination comprenait la mention des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a suffisamment répondu au moyen soulevé par M. B....
3. Pour le surplus, en critiquant les motifs qui ont conduit la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand à rejeter sa demande, M. B... conteste non la régularité de ce jugement mais son bien-fondé.
Sur la légalité de l'arrêté du 14 octobre 2019 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version issue de l'article 44 de la loi n° 218-778 du 10 septembre 2018, invoquée par l'appelant : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ". En vertu du IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018, les dispositions de l'article 44 sont entrées en vigueur au 1er mars 2019 et s'appliquent aux demandes postérieures à cette date. Or, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. B... a été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 octobre 2018. Par suite, M. B... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de cet article à l'encontre de la décision attaquée.
5. En deuxième lieu, M. B... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu, qu'il tient des principes généraux du droit de l'Union européenne et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne séjournait que depuis une année en France à la date du refus en litige, avec son épouse, laquelle a fait l'objet le même jour d'une mesure d'éloignement. Il ne ressort pas des documents médicaux peu circonstanciés produits par M. B..., qui ne permettent pas d'apprécier l'état de santé de son épouse, son évolution et les soins dont elle bénéficie, que celle-ci ne pourrait bénéficier de soins appropriés en Albanie, pays dont elle a la nationalité, et y mener une vie familiale. Dans ces conditions, la cellule familiale pouvant se reconstituer dans ce pays, dont M. B... a également la nationalité et où il a passé l'essentiel de sa vie, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations citées au point précédent de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
9. En second lieu, en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent." Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " La décision fixant le pays de destination comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, la préfète du Puy-de-Dôme, qui n'avait pas à détailler les raisons pour lesquelles elle a estimé que l'intéressé n'encourt aucune menace dans son pays, a suffisamment motivé sa décision.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente, au bénéfice de son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2020.
N° 20LY01222
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