Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 février 2020, M. C... A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2019 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Ain en date du 13 novembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant deux ans et l'assignant à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il ne fait pas état de son intégration professionnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est fondée sur aucune base légale ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire ;
- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans réel examen de sa situation personnelle ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est entachée d'une erreur de droit, le préfet n'ayant pas pris en compte l'ensemble des critères fixés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence ;
- la décision l'assignant à résidence est dépourvue de base légale ;
- la décision l'assignant à résidence méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Ain, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par décision du 22 janvier 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A....
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur,
- les observations de Me D..., substituant Me B..., pour M. A... ;
Une note en délibéré, présentée par le préfet de l'Ain, a été enregistrée le 21 octobre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant kosovar né en 1989, est entré en France en mars 2011 avec sa compagne. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 18 avril 2012. Par deux décisions des 6 août 2012 et 22 mars 2013, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. M. A... a présenté le 5 mai 2015 une demande de réexamen de sa demande d'asile, rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 3 février 2016. Par des décisions du 1er mars 2017, le préfet de l'Ain a de nouveau refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 16 septembre 2019, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 13 novembre 2019, le préfet de l'Ain a refusé de faire droit à cette demande, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a désigné le pays de destination en cas de reconduite d'office, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a ordonné son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 2 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, après avoir renvoyé en formation collégiale les conclusions dirigées contre le refus de séjour, a rejeté sa demande tendant à l'annulation du surplus de l'arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des motifs du jugement que le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments du requérant, a indiqué, de manière suffisante, ainsi que l'exige l'article L. 9 du code de justice administrative, les raisons pour lesquelles il a écarté les moyens tirés de ce que les décisions en litige méconnaîtraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'arrêté du 13 novembre 2019 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, M. A... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen réel de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
4. En deuxième lieu, M. A... se borne à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, sans préciser les motifs pour lesquels il estime que cette décision serait entachée d'illégalité. Par suite, son moyen ne peut qu'être rejeté.
5. En troisième lieu, l'obligation de quitter le territoire français, qui est fondée sur les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas dépourvue de base légale, contrairement à ce que prétend le requérant.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... séjournait depuis plus de huit ans et demi en France à la date de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse, avec son épouse et ses quatre enfants, dont trois sont nés en France en 2013, 2017 et 2018. Toutefois, l'épouse de M. A... réside irrégulièrement en France et l'intéressé s'y est maintenu en dépit de trois décisions d'obligation de quitter le territoire français prises en 2012, 2013 et 2017. Si M. A... soutient être bien intégré en France, où il justifie d'une activité associative, et présente une promesse d'embauche, rien ne fait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue au Kosovo, pays dont tous les membres de sa famille ont la nationalité, et où il a vécu jusqu'à son entrée en France. Dans ces conditions, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas, non plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation familiale.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "
9. Si M. A... fait valoir que trois de ses quatre enfants sont nés en France et que ses deux aînés y sont scolarisés, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité au Kosovo, où la cellule familiale peut se reconstituer. Par suite, le moyen selon lequel la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les stipulations citées au point précédent de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire à M. A... :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire.
11. En deuxième lieu, M. A... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel le préfet de l'Ain a méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne lui accordant pas de délai de départ volontaire. Il y a lieu de l'écarter par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge.
12. Enfin, pour les motifs exposés au point 7, et alors même que deux des enfants de M. A... sont scolarisés, la décision privant de délai de départ volontaire l'intéressé n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, M. A... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée. Il y a lieu de l'écarter par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge.
14. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
15. Enfin, M. A... ne peut utilement faire valoir, pour contester la décision fixant le pays de destination, que celle-ci méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
17. M. A... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français est insuffisamment motivée, est entachée d'erreur de droit, faute pour le préfet d'avoir examiné l'ensemble des critères énoncés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que d'une erreur d'appréciation au regard des mêmes dispositions. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge. De même, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs ses moyens selon lesquels la décision lui faisant interdiction de retourner sur le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence.
19. En deuxième lieu, M. A... réitère en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens selon lesquels la décision l'assignant à résidence est insuffisamment motivée, est dépourvue de base légale et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
20. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme F... E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
N° 20LY00711
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