Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 19 juin 2020 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ardèche du 28 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de procéder au réexamen de sa situation et de statuer à nouveau sur son droit au séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, dans les sept jours, une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'adresse mentionnée sur la fiche Telemofpra produite par le préfet en première instance est erronée si bien que l'ordonnance de la cour nationale du droit d'asile n'a pas été notifiée à la bonne adresse ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise à l'issue d'un examen particulier de sa situation au regard des risques encourus en Albanie ;
- cette décision méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Ardèche, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 9 septembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... D..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de nationalité albanaise née en 1992, relève appel du jugement du 19 juin 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 28 octobre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire et désignant le pays de renvoi.
Sur la légalité de l'arrêté du 28 octobre 2019 :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient la requérante, sa nouvelle domiciliation, Forum Réfugiés à Privas, était connue de la Cour nationale du droit d'asile puisque c'est à cette adresse que la décision d'admission de la requérante à l'aide juridictionnelle pour former un recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a été adressée. Mme A... soutient qu'elle n'a jamais reçu l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet de l'Ardèche s'est borné à produire en première instance le relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", mentionnant que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée à l'intéressée le 24 septembre 2019. Au demeurant, ce document mentionne toujours l'ancienne adresse de Mme A... à Lyon. Le préfet de l'Ardèche, à qui il incombe de justifier de la régularité de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ainsi que mentionné au point 3, n'a produit aucun document et notamment aucun accusé de réception postal susceptible d'établir les conditions dans lesquelles l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile a été notifiée à Mme A.... Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir qu'elle disposait encore du droit de se maintenir en France et que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions citées au point 2.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A... et que celle-ci est fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 28 octobre 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Il résulte de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique que la requérante soit munie d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative compétente ait à nouveau statué sur son cas. Ainsi, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de délivrer à Mme A..., dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente du réexamen de sa situation.
Sur les frais d'instance :
7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocate de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette avocate de la somme de 1 000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 19 juin 2020 et l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 28 octobre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme A... dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, dans l'attente du réexamen de sa situation.
Article 3 : L'Etat versera à l'avocate de Mme A... la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 6 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme E... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
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N° 20LY02807