Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 mai 2021, M. C..., représenté par Me Gay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 27 avril 2021, ainsi que l'arrêté du 17 décembre 2020 du préfet de la Drôme ;
2°) d'enjoindre audit préfet, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard et à titre subsidiaire, de réexaminer son dossier ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions ont été signées par une autorité incompétente ; la délégation de signature accordée au signataire par le préfet a un caractère trop général et perpétuel ;
- la décision lui refusant son admission exceptionnelle au séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; cette décision méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, le pays étant instable suite aux conflits armés avec l'Azerbaïdjian et rendrait la poursuite des soins de santé difficile en Arménie ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois est insuffisamment motivée et méconnait le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
La demande d'aide juridictionnelle de M. C... a été rejetée par décision du 22 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Psilakis, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien né le 24 décembre 1954, est entré en France en octobre 2017. Après le rejet définitif de ses demandes d'asile par la Cour nationale du droit d'asile le 26 mars 2019, il a demandé un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par arrêté du 4 novembre 2019, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et l'a assorti d'une obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays de renvoi, dont le recours à fin d'annulation a été définitivement rejeté par arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 août 2020. L'intéressé a demandé son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de son état de santé et de ses attaches sur le territoire en novembre 2020. Par arrêté du 17 décembre 2020, le préfet de la Drôme lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. C... relève appel du jugement du 27 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 décembre 2020 :
2. En premier lieu, les arrêtés en litige ont été signés par Mme A... Argouarc'h, secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, titulaire d'une délégation de signature prise par arrêté du préfet de la Drôme du 16 novembre 2020 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs le même jour et l'autorisant à signer tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture et de la fonction des services déconcentrés de l'Etat à l'exception des réquisitions de la force armée, de arrêtés de conflit et des déclinatoires de compétence. Cette délégation est suffisamment précise. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige n'est pas fondé et doit ainsi être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
4. Pour demander son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées, M. C... fait état de son état de santé, qui nécessite un suivi en France et qui serait irréalisable en Arménie, ainsi que de ses attaches privées et familiales. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, entré sur le territoire à l'âge de soixante-deux ans, à la fin de l'année 2017, a été pris en charge afin de soigner une maladie superficielle de la vessie de type carcinome urothélial et que son état de santé s'est favorablement stabilisé à compter de mars 2019, ne nécessitant depuis qu'un suivi trimestriel pendant deux ans puis semestriel pendant dix ans. Par ailleurs, l'intéressé n'a pas déféré à une décision d'éloignement prise à son encontre en novembre 2019 et, malgré un séjour de plus de trois années, ne maîtrise pas la langue française. La présence de ses deux filles et de son ex-épouse en situation régulière en France, dont il vit séparé depuis respectivement 2001, 2009 et 2011 ne suffit pas pour établir qu'il y aurait fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors qu'il a passé la majeure partie de sa vie en Arménie où il n'établit pas que sa vie y serait menacée et qu'il ne pourrait pas y continuer sa surveillance médicale. Par ailleurs, à l'expiration de l'interdiction de retour de six mois, il pourra visiter ses enfants résidant en France en obtenant un visa de court séjour. La durée et les conditions de séjour ainsi que la situation privée et familiale de M. C... ne permettent ainsi pas de regarder sa situation comme relevant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Drôme n'a pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation son refus d'admettre au séjour à titre exceptionnel M. C....
5. En troisième lieu, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour en France rappelées au point précédent, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
6. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
7. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni n'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
8. En sixième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Après avoir visé les dispositions précitées, le préfet de la Drôme, qui a relevé que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire, ni, compte tenu de ses conditions d'entrée et de séjour en France, d'y avoir fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux, a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour pour une durée de six mois.
10. Par ailleurs, les moyens tirés de ce que la décision en litige serait entachée d'erreur d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point 8 et méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au soutien duquel l'intéressé n'apporte aucun développement particulier, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et(/nom)(ano)A(/ano) au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Daniele Déal, présidente ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.
La rapporteure,
Christine Psilakis La présidente,
Danièle Déal
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01711