Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 juillet 2020, le préfet de l'Ain demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- aucun des autres moyens soulevés par l'intimé n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2020, M. E... A..., représenté par Me B..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour d'un an dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, après lui avoir délivré, sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures ;
- à titre subsidiaire à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures ;
- à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal, la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour a été prise sans réel examen de sa situation personnelle ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit en ne prenant pas en compte l'ensemble des conditions posées par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle a pour effet d'interrompre sa scolarité avant son terme.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 9 septembre 2020, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur,
- et les observations de Me B... pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né en 2001, est entré en France le 2 juillet 2016 à l'âge de quinze ans. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Ain. Le 15 juillet 2019, il a sollicité son admission au séjour. Par arrêté du 20 novembre 2019, le préfet de l'Ain a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Le préfet de l'Ain relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A....
2. Aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...)2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui avait été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à l'âge de quinze ans et deux mois, a été inscrit en classe de troisième au cours de l'année scolaire 2016/2017, puis au cours des années suivantes en seconde et première professionnelle " Technicien géomètre topographie ". Il a validé au cours de ces années ses deux années de BEP " Topographie ", et obtenu son diplôme le 5 juillet 2019, avec de bons résultats. Inscrit au cours de l'année 2019/2020 en terminale professionnelle, M. A... poursuit également son contrat d'apprentissage conclu en octobre 2017, apprentissage qu'il suit avec sérieux et motivation, ainsi qu'il ressort de l'attestation produite au dossier. Ainsi, et même si le préfet de l'Ain relève quelques problèmes disciplinaires, notamment de ponctualité, l'intéressé justifie du caractère réel et sérieux de ses études. De même, s'il ressort du rapport de la structure d'accueil en date du 3 mai 2018 que M. A... a pu faire l'objet de rappels à l'ordre, ce même rapport relève qu'il accepte ces remarques, se montre ouvert au dialogue et, qu'après des difficultés comportementales suite à l'accueil dans la structure, il fait montre de plus de maturité et devient plus autonome. Dans ces conditions, et alors que l'intéressé indique avoir fui l'Albanie en raison de violences dont se serait rendu coupable son père, ce que ne permet pas de contredire la note d'information des autorités albanaises produite par le préfet de l'Ain, ce dernier, en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, a méconnu les dispositions citées au point précédent du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont annulé pour ce motif la décision de refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Ain n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 20 novembre 2019.
5. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre le jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 20 novembre 2019 du préfet de l'Ain et fait injonction à ce dernier de délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à M. A..., n'implique par lui-même aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'intimé doivent être rejetées.
6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. En application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me B..., avocat de M. A..., sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Ain est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me B..., avocat de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A... sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... A... et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
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N° 20LY01966