Par un jugement n° 1800915 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 26 juillet et 31 octobre 2018, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Nièvre du 29 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de réexaminer sa situation dans le même délai et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 991.
Il soutient que :
- le nom du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne figure pas sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office ;
- le préfet de la Nièvre, qui s'est estimé lié par l'avis de l'OFII, a commis une erreur de droit en renonçant à son pouvoir d'appréciation ;
- le refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- cette obligation méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 juillet 2018.
Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2018, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né en 1974, de nationalité comorienne, est entré en France le 24 février 2016, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour et s'y est maintenu irrégulièrement au-delà de la durée de validité de quinze jours de ce visa. Il a sollicité, le 26 septembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, qui lui a été refusé par un arrêté du préfet de la Nièvre du 29 décembre 2017, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi. M. C... relève appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Nièvre du 29 décembre 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5, émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). / Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
3. Ni ces dispositions ni aucun principe n'impliquent que le nom de l'auteur du rapport médical soit mentionné dans l'avis du collège de médecins de l'OFII. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne les éléments de procédure, cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'avis du collège de médecins a été rendu dans des conditions irrégulières, faute de mentionner le nom de l'auteur du rapport médical,
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Nièvre qui a notamment examiné si le refus de délivrance d'un titre de séjour n'était pas de nature à méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et dont il n'est pas établi qu'il se serait cru lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. C..., a procédé à un examen particulier de sa situation avant de lui refuser un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen et d'une erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
6. Le préfet de la Nièvre a estimé, suivant l'avis de l'OFII, que l'état de santé de M. C... requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé des Comores, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. M. C... souffre d'un diabète de type 2, justifiant un traitement à base d'insuline et de metformine, médicaments disponibles en quantité et en qualité suffisantes aux Comores selon la liste des médicaments essentiels dans ce pays, établie en 2014. En se bornant à soutenir qu'il aurait été suspendu de ses fonctions compte tenu de son engagement politique et que sa rémunération de fonctionnaire ne lui permettrait en tout état de cause pas d'assumer le coût de son traitement, ce qu'il n'établit pas par la seule production d'un certificat médical du 23 janvier 2018 dont l'authenticité est d'ailleurs mise en doute par le préfet, le requérant ne contredit pas l'avis susmentionné de l'OFII, rendu en considération de l'offre de soins disponible aux Comores et, par suite, l'appréciation du préfet de la Nièvre. Il n'est pas davantage démontré que les rhumatismes et problèmes dentaires dont le requérant fait également état auraient été portés à la connaissance de l'avis du collège de médecins ou du préfet ni qu'ils ne pourraient être traités efficacement dans son pays d'origine. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Nièvre a fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point précédent.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré récemment en France, à l'âge de quarante-deux ans, après avoir passé l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine, les Comores. Il est célibataire et rien ne fait obstacle à ce qu'il poursuive sa vie privée et familiale aux Comores, où il peut y trouver des soins adaptés. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet de la Nièvre dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, pour les motifs exposés aux points 2 à 8, M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé pour demander l'annulation de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 6, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. En troisième lieu, pour les motifs exposés aux points 6 et 8 ci-dessus, la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Les circonstances de l'espèce ne permettent pas davantage de considérer que le préfet de la Nièvre a commis erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. C....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de M. C... dirigées contre l'arrêté du préfet de la Nièvre du 29 décembre 2017, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet de la Nièvre en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY02928
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