Par un jugement n° 1803032 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 et 28 août 2018, le préfet de la Drôme demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 juillet 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'à jugé le tribunal, sa décision ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens de l'intéressé devant les premiers juges doivent être écartés pour les motifs déjà exposés en première instance.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1994, de nationalité roumaine, a été interpellé par les services de la gendarmerie le 12 mai 2018. Par un arrêté du 14 mai 2018, le préfet de la Drôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. Par un jugement du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de M. A..., annulé ces décisions. Le préfet de la Drôme relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces produites par le préfet en appel, que M. A..., qui dit s'être installé en France en mars 2015, a été condamné le 14 mai 2018 par le tribunal correctionnel de Valence à une peine d'emprisonnement de huit mois avec un sursis de quatre mois à la suite de sa comparution immédiate pour des faits de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité commis le 12 mai 2018, pour des faits de vol aggravé commis le 12 mai 2018 et pour une tentative de vol en réunion commise le 6 février 2018. Bien qu'il justifie travailler comme ouvrier maçon dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée depuis le mois de septembre 2017 suivi d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le mois de janvier 2018, qu'il vive maritalement avec une compatriote et qu'il soit père de deux enfants, eu égard à la nature, à la gravité et au caractère répété des agissements de l'intéressé et compte tenu par ailleurs de la durée et des conditions de son séjour en France, le préfet de la Drôme, qui a tenu compte de sa situation familiale et économique et de son niveau d'intégration en France, n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 2 en l'obligeant à quitter le territoire français au motif qu'il représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique, qui constitue un intérêt fondamental de la société française.
5. Le préfet de la Drôme est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté du 14 mai 2018, les premiers juges se sont fondés sur le fait que M. A... ne représenterait pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française au sens de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il y a lieu pour la cour d'examiner, au titre de l'effet dévolutif, les autres moyens de M. A....
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, par un arrêté 4 septembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 26-2017-061 du même jour, le préfet de la Drôme a donné délégation de signature à M. Frédéric Loiseau, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit. Les décisions en litige ne figurent pas au nombre de celles qui sont exclues par cette délégation. Par suite, le moyen selon lequel l'auteur des décisions en litige n'était pas compétent pour les signer manque en fait.
8. En deuxième lieu, si le préfet a également relevé que M. A... ne remplit pas les conditions fixées par l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour bénéficier d'un droit au séjour en qualité de citoyen de l'Union européenne, il ressort des pièces du dossier, notamment des motifs de son arrêté, qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif examiné aux points 2 à 4.
9. En troisième lieu, M. A... soutient que la décision en litige a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant à toute personne un droit au respect de sa vie privée et familiale. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France en 2015, à l'âge de vingt et un ans, accompagné de son épouse et de leur enfant âgé d'un an. Un autre enfant est né en 2016 en France et les frères, soeurs, parents de l'intéressé résident en France. Toutefois, la cellule familiale peut se reconstituer en Roumanie où l'épouse, qui ne dispose pas d'un emploi stable en France, et les deux enfants en bas âge peuvent retourner. Dans ces conditions, le moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. A...porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux objectifs qu'elle poursuit, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette obligation n'apparaît entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision de ne pas accorder de départ volontaire :
10. En premier lieu, la décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire est suffisamment motivée par l'exposé des circonstances dans lesquelles le préfet a décidé d'obliger M. A... à quitter le territoire français et notamment par les considérations relatives à la menace qu'il représente pour l'ordre public, qui constitue l'un des cas dans lesquels le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la possibilité pour l'autorité administrative d'obliger un étranger à quitter le territoire sans délai.
11. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 7 à 9, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
12. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 4, et alors que M. A... se borne à soutenir qu'il n'a jamais fait l'objet d'autres condamnations auparavant, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il pouvait être éloigné sans délai au motif qu'il constitue une menace pour l'ordre public, à supposer même que l'intéressé présentait des garanties de représentation suffisantes, contrairement à ce que le préfet a indiqué de manière surabondante.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 14 mai 2018 en litige. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2019.
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N° 18LY03270
dm