1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble du 6 juillet 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le préfet a méconnu son droit d'être entendue ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
- les observations de Me C..., substituant Me Cans, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 6juin 1997, déclare être entrée en France en 2012. Elle a fait l'objet d'un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français par arrêté du 31 août 2015. Elle a présenté une demande d'asile rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 23 janvier 2018. Par arrêté du 4 mai 2018, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Mme B... interjette appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. Lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement de ces dispositions, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger intéressé à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective de son éloignement. Une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été convoquée à un entretien en préfecture le 11 avril 2018. Si elle fait valoir que le dépôt de son dossier a été refusé en l'absence d'attestation d'hébergement et qu'un nouveau rendez-vous a été fixé au 5 juin 2018, postérieurement à l'arrêté litigieux, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait été privée de la possibilité de s'exprimer au cours du premier rendez-vous. Par ailleurs, en admettant même qu'elle n'ait pas été mise à même de présenter son point de vue sur l'irrégularité de son séjour préalablement à la décision litigieuse, elle ne fait pas état devant la cour des éléments nouveaux qu'elle prétendait vouloir soumettre au préfet. Dans ces conditions, il ne ressort pas des dossiers que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent s'il n'avait pas été porté atteinte à ce droit.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. Si Mme B... fait valoir qu'elle est bien intégrée en France où elle vit depuis six ans, cette durée de séjour a été acquise au prix de la soustraction à une précédente mesure d'éloignement. Si sa soeur et cinq neveux et nièces vivent également en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle est célibataire sans enfants et n'établit pas être dépourvue de tout lien dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Cet article 3 énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
8. Si Mme B... allègue craindre des représailles dans son pays d'origine, où elle affirme avoir subi des violences sexuelles de la part de son père, elle n'établit pas, par son seul récit, qui est, au demeurant, identique à celui qu'elle avait fait lors de sa demande d'asile, qui a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, qu'elle risquerait d'être exposée à des traitements inhumains ou dégradants dans son pays d'origine ou que sa vie y serait menacée. Par suite, le moyen tiré, contre la décision fixant le pays de destination, de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
4
N° 18LY03747