Par un jugement n° 1403277-1500435 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et a mis à la charge de la commune de Chamonix-Mont-Blanc le versement d'une somme de 1 200 euros à MM. D... et A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 23 août 2016 et 21 avril 2017, Mme B... G..., représentée par la SCP Zurfluh-Lebatteux-Sizaire et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juin 2016 ;
2°) de rejeter les demandes dirigées contre le permis de construire du 18 décembre 2013 et le permis modificatif du 6 août 2014 ;
3°) de mettre à la charge solidaire des intimés la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les intimés ne justifient pas de leur intérêt à demander l'annulation du permis de construire, dès lors que MM. D... etA..., seuls à avoir établi qu'ils occupent un bien voisin du projet, ne justifient pas que les conditions d'occupation et de jouissance de leur bien seraient affectées par la construction projetée ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'ont été méconnues les dispositions de l'article UV 7 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), qui n'imposent pas que le projet soit implanté en totalité dans la bande de trois mètres par rapport à la limite séparative ; qu'en prenant en compte les balcons, qui doivent être inclus en application de l'article 4.6 du règlement du PLU, le projet se situe en grande partie à l'intérieur de cette bande ;
- il y aurait lieu, à titre subsidiaire, d'écarter les dispositions de cet article, lesquelles sont inintelligibles ;
- les autres moyens soulevés en première instance doivent être écartés.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2016, M. et Mme H... A..., représentés par la SELAS Fidal, concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils sont voisins immédiats du projet et sont ainsi présumés disposer d'un intérêt à agir ;
- le projet induit un préjudice de vue, une perte d'ensoleillement, alors en outre qu'il est implanté à la place d'un vieux mazot constituant un élément structurant du patrimoine montagnard ;
- c'est à bon droit que le tribunal a estimé qu'ont été méconnues les dispositions de l'article UV 7 du règlement du PLU, dès lors que le projet est implanté dans sa plus grande partie à plus de trois mètres de la limite séparative, y compris en prenant en compte le balcon au-delà d'une profondeur d'1,20 m ;
- le permis ne peut être regardé comme ayant été accordé au titre d'une adaptation mineure.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2017, la commune de Chamonix-Mont-Blanc, représentée par la SELARL CDMF-avocats affaires publiques, conclut à l'annulation du jugement du 23 juin 2016 ainsi qu'au rejet des conclusions des intimés dirigées contre le permis de construire du 18 décembre 2013 et le permis modificatif du 6 août 2014 et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de intimés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- MM. D... et A...ne justifient pas d'un intérêt pour agir ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'ont été méconnues les dispositions de l'article UV 7 du règlement du PLU ;
- la construction pourrait être autorisée au bénéfice d'une adaptation mineure, ce qui justifie l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2017 par une ordonnance du 9 novembre 2017.
Par courrier du 8 mars 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions de la commune de Chamonix-Mont-Blanc tendant à l'annulation du jugement du 23 juin 2016, présentées après l'expiration du délai d'appel.
Par un mémoire enregistré le 12 mars 2018, qui n'a pas été communiqué, la commune de Chamonix-Mont-Blanc fait valoir, en réponse à la communication faite au titre de l'article R. 600-7 du code de justice administrative, qu'elle a produit un mémoire après y avoir été invitée par le greffe de la cour et que son mémoire doit être regardé comme une intervention.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour Mme G..., celles de Me E... pour M. et MmeA..., ainsi que celles de Me F... pour la commune de Chamonix-Mont-Blanc ;
1. Considérant que, par arrêté du 18 décembre 2013, le maire de Chamonix-Mont-Blanc a délivré un permis à Mme G... pour la construction d'une maison d'habitation d'une surface de plancher de 141 m² ainsi que d'un garage sur un terrain situé montée des Moentieux ; que, par arrêté du 6 août 2014, le maire a délivré un permis de construire modificatif à l'intéressée ; que, par jugement du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de M. D... et autres, annulé ces arrêtés ; que Mme G... relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions de la commune de Chamonix-Mont-Blanc :
2. Considérant que la commune de Chamonix-Mont-Blanc était partie en première instance ; que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du 23 juin 2016 et au rejet de la demande de première instance doivent ainsi être regardées non comme une intervention, quand bien même elle a été invitée à présenter ses observations sur la requête, mais comme un appel ; que le jugement attaqué ayant été notifié le 23 juin 2016 à la commune de Chamonix-Mont-Blanc, ses conclusions d'appel, enregistrées le 9 mars 2017, ont été présentées après l'expiration du délai d'appel et sont, par suite, irrecevables ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne (...) n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ;
4. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, le voisin immédiat justifie, en principe, eu égard à sa situation particulière, d'un intérêt pour agir lorsqu'il fait état d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est voisin immédiat du projet, dont il est séparé par l'étroit chemin de Borgeatte ; que plusieurs ouvertures de sa maison donnent directement sur le construction projetée, qui doit être implantée à moins de dix mètres de la sienne ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la taille du projet, qui affectera directement les conditions de jouissance de son bien, il justifie d'un intérêt à demander l'annulation des arrêtés en litige ; que, par suite, et à supposer même que les autres demandeurs de première instance ne justifiaient pas d'un tel intérêt, la demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble était recevable ;
Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges :
6. Considérant qu'aux termes de l'article UV 7 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " Les constructions seront implantées en ordre continu d'une limite latérale à l'autre. Toutefois, si la construction voisine est implantée en ordre discontinu, c'est à dire en retrait par rapport à la limite latérale, la construction nouvelle devra respecter un recul au moins égal au recul observé sur la parcelle voisine si celui-ci est inférieur à 3 mètres ou un recul maximum de 3 mètres dans tous les autres cas. " ; qu'aux termes de l'article 4.6 des dispositions générales de ce règlement : " Débordement. Pour l'application des articles 6, 7 et 10 des différentes zones, les débordements ou passées de toiture, les balcons, auvents ou escaliers extérieurs ne seront comptés qu'à concurrence de leur profondeur diminuée d'1,20 ml. " ;
7. Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme G..., ces dispositions ne sont pas inintelligibles ; que, par suite, la requérante, qui n'établit pas leur illégalité, n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y a pas lieu d'en faire application ;
8. Considérant que la construction située sur la parcelle voisine, au sud, étant implantée en ordre discontinu, à une distance supérieure à trois mètres sur la plus grande partie de la limite séparative, la construction projetée doit être implantée avec un recul maximal de trois mètres par rapport à cette limite ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la façade sud-est de la maison d'habitation est située à 4,4 m de la limite, à l'exception d'une avancée, elle-même située à plus de 3 m de celle-ci ; que Mme G... fait valoir qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 4.6 des dispositions générales du règlement, il y a lieu de tenir compte du balcon dont l'extrémité est située à moins de trois mètres de cette limite ; que, toutefois, et en tout état de cause, ces dispositions relatives aux débordements ont pour seul objet de permettre la présence des divers éléments de construction qu'elles visent, dans la limite qu'elles fixent, à une distance inférieure au retrait minimum éventuellement exigé mais ne permettent pas de regarder la présence d'un balcon à 3 m ou moins de la limite séparative comme assurant le respect de la règle de l'article UV 7 cité au point 6 imposant un retrait maximal de 3 m pour les constructions ; que, dans ces conditions, et alors que Mme G... ne peut utilement faire valoir que le garage, qui est séparé du chalet, est implanté en limite séparative, l'implantation de la construction principale méconnaît les dispositions de l'article UV 7 du règlement du PLU ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés des 18 décembre 2013 et 6 août 2014 du maire de Chamonix-Mont-Blanc ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que Mme G... et la commune de Chamonix-Mont-Blanc demandent au titre des frais qu'elles ont exposés soient mises à la charge des intimés, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que M. et Mme A... présentent au même titre à l'encontre de Mme G... ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... et les conclusions de la commune de Chamonix-Mont-Blanc sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de M. et Mme A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G..., à la commune de Chamonix-Mont-Blanc, à M. et MmeH... A... et à M. I... D..., premiers demandeurs dénommés dans la demande devant le tribunal administratif, pour l'ensemble des autres demandeurs.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mai 2018.
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N° 16LY02953
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