Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 octobre 2017, Mme B... A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 octobre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie du 4 août 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation de sa part à percevoir l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les décisions du préfet de la Haute-Savoie ne lui sont pas directement opposables et doivent être annulées puisqu'elle relève manifestement de la catégorie des majeurs incapables au sens de l'article 425 du code civil ;
- le refus de titre de séjour a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute pour le préfet d'avoir saisi la commission mentionnée à l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est insuffisamment motivée et méconnait l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit de mémoire.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 24 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante du Kosovo, relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 4 août 2017 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.
2. En premier lieu, les moyens tirés de ce que la requérante pourrait bénéficier en France d'une protection en tant que majeur incapable au sens de l'article 425 du code civil, de la méconnaissance de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés par adoption des motifs circonstanciés retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) " ;
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux produits, que Mme A... souffre d'épilepsie dans un contexte médical de handicap mental et de troubles moteurs déclarés à la naissance de l'intéressée. Dans son avis du 13 mars 2017, le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) indique que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il existe un traitement approprié au Kosovo.
5. Pour contester le refus du préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour temporaire pour raisons de santé, Mme A... se borne à faire valoir que le traitement de son épilepsie à base de Lamictal n'est pas disponible au Kosovo et que le coût financier de sa prise en charge y est prohibitif. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment de différents rapports de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, que des traitements antiépileptiques existent au Kosovo. Par suite, et sans qu'y fassent obstacle les difficultés financières alléguées par la requérante pour poursuivre son traitement au Kosovo, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 3.
6. En troisième lieu, en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision prononçant une obligation de quitter le territoire français doit être motivée mais n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte lorsqu'elle assortit un refus de titre de séjour. En l'espèce, la décision refusant à Mme A... la délivrance d'une carte de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait, relatives notamment à son état de santé et à sa situation personnelle et familiale, sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
7. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, il existe au Kosovo des traitements contre l'épilepsie et une prise en charge kinésithérapeuthique et Mme A... ne démontre pas en quoi elle ne pourrait pas effectivement y poursuivre son traitement. Dès lors, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du doit d'asile qui interdisent de prononcer une telle mesure à l'encontre d'un étranger dont l'état de santé répond aux conditions énoncées au 11° de l'article L. 313-11 cité au point 3.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
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N° 17LY03742
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