Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2016, Mme D... E...B..., représentée par Me Rodrigues, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 mai 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet du Rhône du 3 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 3 mars 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
Par une décision du 15 juin 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 24 novembre 2008 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;
- et les observations de Me Rodrigues, avocat de MmeB... ;
1. Considérant que Mme B..., ressortissante du Cap Vert née le 9 avril 1986, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 3 juillet 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office ; que Mme B... relève appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer à Mme B... le titre de séjour qu'elle sollicitait à raison de son état de santé, le préfet du Rhône s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 5 décembre 2014 selon lequel, si l'état de santé de Mme B... nécessite des soins dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si Mme B..., qui souffre de pathologies psychiatrique et endocrinologique et présente un état dépressif sévère, fait valoir que son traitement n'est pas disponible dans son pays d'origine où la situation sanitaire ne permettrait pas une prise en charge effective et que le retour au Cap Vert, où elle a vécu des événements traumatiques, entraînerait une décompensation sévère, la requérante ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à établir que, contrairement à ce qu'a indiqué le médecin de l'agence régionale de santé, aucun traitement approprié à son état de santé ne serait disponible dans son pays d'origine ; qu'en particulier, la seule circonstance que l'Atarax ne figure pas sur la liste des médicaments enregistrés au Cap Vert ne suffit pas à établir que des traitements équivalents ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine ; que, si Mme B... affirme que les troubles dont elle souffre trouvent leur origine dans des persécutions subies au Cap Vert, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que l'état de santé de la requérante ne pourrait de ce fait faire l'objet dans ce pays d'un traitement approprié ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour opposé à Mme B... méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
4. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui est entrée sur le territoire national le 15 avril 2012 à l'âge de 26 ans, ne résidait en France que depuis trois ans à la date de la décision contestée et a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine ; que, si la fille de la requérante, née en France le 2 juillet 2013 et âgée de deux ans à la date de la décision contestée, est également atteinte de troubles psychiques nécessitant un suivi pédopsychiatrique, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette prise en charge ne pourrait être mise en place de manière adaptée dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressée, le refus de titre de séjour contesté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les circonstances dont la requérante fait état ne permettent pas davantage de considérer que ce refus procède, au regard de ses conséquences sur la situation personnelle des intéressées, d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que Mme B... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ; que, pour les motifs exposés au point 6, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale et de ce que cette obligation est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; que, pour les motifs exposés au point 3, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît ces dispositions ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. " ; que, si la fille de la requérante présente des troubles psychiques, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, qu'elle ne pourrait bénéficier d'une prise en charge appropriée au Cap Vert ; que la décision critiquée ne fait pas en elle-même obstacle au maintien de la cellule familiale ; que, par suite, le moyen tiré par Mme B...de ce que l'obligation de quitter le territoire français critiquée méconnaît l'intérêt supérieur de sa fille et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit aux points 7 à 9 que Mme B... n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant son pays de renvoi ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de la requérante à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions de Mme B... à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'instance :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requérante tendant à ce qu'il en soit fait application et dirigées contre l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. A... C...et Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 16LY02464
mg