Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2016, M. C... E...et Mme D... F...épouseE..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juillet 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de la Drôme du 24 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur avocat de la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- le préfet a méconnu leur droit à être entendus ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire enregistré le 20 septembre 2016 qui n'a pas été communiqué, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
Par une décision du 18 août 2016, M. C...E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller ;
1. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants du Kosovo nés respectivement les 1er septembre 1979 et 3 octobre 1986, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 24 mars 2016 par lesquels le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour à la suite du rejet de leur demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits d'office ; que M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 13 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions de refus de délivrance de titres de séjour du 24 mars 2016 ont été prises en réponse aux demandes d'admission au séjour au titre de l'asile présentées par M. et Mme E... ; que ces demandes ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 27 août 2015, et par la Cour nationale du droit d'asile, le 25 février 2016 ; que le préfet de la Drôme était tenu de refuser de leur délivrer les titres de séjour sollicités sur le fondement des articles L. 314-11 8° et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Drôme, statuant sur la demande de titre de séjour des requérants, a également examiné si M. et Mme E...étaient susceptibles de se voir délivrer un titre de séjour au regard de leur situation personnelle et familiale en France et, plus particulièrement et contrairement à ce que soutiennent les requérants, au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que les requérants, qui se bornent à soutenir que leur droit d'être entendu a été méconnu, ne précisent pas en quoi ils ont été empêchés de porter utilement à la connaissance de l'administration des informations pertinentes tenant à leur situation personnelle avant que ne soient prises les mesures d'éloignement en litige ; que le moyen tiré de ce que les décisions contestées sont intervenues en méconnaissance du droit des requérants d'être entendus doit être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. " ;
6. Considérant que M. et Mme E..., qui déclarent être entrés en France au mois de décembre 2014, ne résidaient sur le territoire national avec leurs trois enfants, respectivement nés en 2011, 2013 et 2015, que depuis quinze mois à la date des décisions attaquées ; qu'ayant vécu dans leur pays d'origine jusqu'à l'âge respectif de 35 et 28 ans, ils n'allèguent pas avoir en France d'autres attaches que leurs jeunes enfants ; que, dans ces conditions, le préfet de la Drôme a pu sans erreur manifeste d'appréciation estimer qu'aucun motif exceptionnel ni aucune considération humanitaire ne justifiait qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à M. et Mme E... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France des intéressés, les décisions par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces décisions, qui ne sont pas de nature à entraîner par elles-mêmes la séparation des membres de la cellule familiale des requérants, ne méconnaissent pas davantage les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que cet article 3 énonce que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que M. et Mme E... soutiennent qu'ils ont dû fuir leur pays d'origine en raison des menaces et sévices corporels qu'ils ont subis ; qu'alors que la demande de protection des requérants a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, les pièces qu'ils produisent ne permettent pas d'établir qu'ils seraient personnellement exposés aux risques allégués en cas de retour au Kosovo ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à Mme D... F...épouse E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2017, à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. B... G...et Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 16LY02623
mg