Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2018, M. E... B..., Mme C... B..., Mme D... B... et M. A... B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 octobre 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Isère du 23 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leurs demandes dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les refus de séjour méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et les décisions de ne pas leur accorder un délai de départ supérieur à trente jours doivent être annulées par voie de conséquence ;
- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. E... B... et Mme C... B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 novembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
- et les observations de Me F... pour les requérants ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... et leurs enfants, ressortissants albanais, sont entrés en France en septembre 2016. Ils ont déposé des demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2017. Leurs recours devant la Cour nationale du droit d'asile ont été rejetés pour tardiveté. Le 31 janvier 2018, ils ont déposé des demandes d'admission exceptionnelle au séjour. Par quatre arrêtés du 23 mars 2018, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un refus de titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai. Les requérants relèvent appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, avoir après joint ces demandes, les a rejetées.
Sur la régularité du jugement :
2. En relevant les éléments tirés de la situation personnelle de la famille B... pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant que les intéressés ne pouvaient utilement se prévaloir, à l'appui de ce moyen, des risques auxquels ils seraient exposés en cas de retour en Albanie, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement, sans que les requérants puissent utilement soutenir, pour en contester la régularité, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé sans incidence l'existence de risques en cas de retour en Albanie.
Sur les refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. ".
4. Les requérants, qui sont entrés récemment en France, soutiennent qu'ils ne peuvent vivre en sécurité en Albanie, circonstances constituant un motif exceptionnel de nature à justifier selon eux qu'ils bénéficient de cartes de séjour. Ils font valoir qu'ils ont subi à plusieurs reprises, depuis 2014, des menaces et agressions liées à la revendication, par une famille influente, de terres leur appartenant dans une station balnéaire. Toutefois, et en tout état de cause, les intéressés, dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a relevé des incohérences et imprécisions dans leur récit, n'apportent aucun élément suffisamment précis à l'appui de leurs allégations, se bornant à faire état de la situation générale de vendetta en Albanie, et n'établissent pas l'incapacité des autorités albanaises à leur apporter une protection, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2014, deux de leurs agresseurs ont été condamnés à une peine d'un an d'emprisonnement et qu'ils ont ensuite pu déposer plainte en raison de nouvelles agressions, en 2015 et en 2016. Par suite, en refusant de leur délivrer des cartes de séjour sur le fondement des dispositions citées au point 3, le préfet de l'Isère n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur les obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
5. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à exciper, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions les obligeant à quitter le territoire français et les décisions de ne pas leur accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, de l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance de cartes de séjour.
Sur les décisions fixant le pays de renvoi :
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " Selon le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Si les requérants soutiennent encourir des risques en cas de retour en Albanie, la réalité et l'actualité de tels risques n'est pas établie pour les motifs exposés au point 4.
7. Il résulte de ce qui précède que M. E... B..., Mme C... B..., Mme D... B... et M. A... B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application, au bénéfice de leur conseil, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... B..., de Mme C... B..., de Mme D... B... et de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme C... B..., à Mme D... B..., à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Thierry Besse, premier conseiller,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
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N° 18LY04355
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