Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 juin 2016, la SCI UCPA Patrimoine, représentée par la SELARL CDMF avocats affaires publiques, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 avril 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont reconnu l'intérêt à agir de M. A..., alors que le projet en litige n'est pas de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'il détient, situé en contrebas du terrain d'assiette du projet, eu égard à l'absence de perte d'ensoleillement et à l'absence d'atteinte portée à la vue ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin de sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat sur le pourvoi formé par la commune de Saint-Bon-Tarentaise à l'encontre de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon confirmant l'annulation de son plan local d'urbanisme (PLU) ; une bonne administration de la justice commandait de surseoir à statuer, compte tenu des divergences jurisprudentielles relatives aux dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2017, M. A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SCI UCPA Patrimoine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a intérêt pour agir au sens de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- faute pour la commune de Saint-Bon-Tarentaise d'avoir assorti son pourvoi d'une demande de sursis à exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon, c'est à juste titre que le tribunal n'a pas fait droit à la demande de sursis à statuer ;
- l'annulation par cet arrêt des articles UB 6 et UB 7 du PLU ne permettait pas, en tout état de cause, la délivrance du permis de construire en litige ;
- la SCI UCPA Patrimoine ne conteste pas le bien-fondé du motif d'annulation fondé sur la violation de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation.
La clôture de l'instruction a été fixée au 21 décembre 2017 par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me B... pour la SCI UCPA Patrimoine, celles de Me C... pour M. A..., ainsi que celles de Me F... pour la commune nouvelle de Courchevel ;
1. Considérant que la SCI UCPA Patrimoine relève appel du jugement du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, faisant droit à la demande de M. A..., a annulé l'arrêté du 24 janvier 2014 par lequel le maire de la commune de Saint-Bon-Tarentaise lui a délivré un permis de construire pour l'édification d'un centre de vacances ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...). " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;
4. Considérant que M. A... a invoqué en première instance sa qualité de propriétaire d'un appartement à usage de résidence secondaire au quatrième étage de la résidence "Les Grandes Bosses", située à 50 m environ du terrain d'assiette du projet ; que, pour justifier de son intérêt à agir, il a fait valoir devant les premiers juges que la construction du centre de vacances en litige serait de nature à nuire à la vue et à l'ensoleillement dont jouit son appartement orienté au sud et a produit un procès-verbal de constat établi par un huissier de justice auquel sont annexées de nombreuses photographies ; que la SCI UCPA Patrimoine fait valoir que la perte d'ensoleillement alléguée par M. A... n'est pas établie, ainsi qu'il résulte du rapport d'un géomètre-expert en date du 6 février 2015 et que la vue depuis son appartement est déjà impactée, en particulier par la remontée mécanique dite du "Petit Morion" ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que l'appartement dont M. A... est propriétaire offre une vue directe sur le terrain d'assiette du projet en litige situé en contre-haut et sur lequel doit être implanté la construction projetée d'une hauteur de 20 m au faîtage et d'une surface de plancher de 5517 m², sur un terrain jusqu'alors non bâti ; qu'ainsi, la réalisation de l'immeuble autorisé par le permis de construire affectera directement la jouissance par M. A... de son appartement, notamment la vue dégagée dont il dispose depuis son balcon ; que, dans ces conditions, la SCI UCPA Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a admis l'intérêt pour agir de M. A... ;
Sur le refus du tribunal de faire droit aux conclusions à fin de sursis à statuer de la SCI UCPA Patrimoine :
5. Considérant que le tribunal administratif pouvait, sans être tenu de surseoir à statuer, se prononcer sur le litige qui lui était soumis en tirant les conséquences de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon ayant confirmé l'annulation du PLU de Saint-Bon-Tarentaise, alors même que cette commune avait saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation contre cet arrêt, pourvoi dépourvu d'effet suspensif ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI UCPA Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 24 janvier 2014 par lequel le maire de la commune de Saint-Bon-Tarentaise lui a délivré un permis de construire pour la réalisation d'un centre de vacances ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la SCI UCPA Patrimoine demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI UCPA Patrimoine le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI UCPA Patrimoine est rejetée.
Article 2 : La SCI UCPA Patrimoine versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI UCPA Patrimoine et à M. D... A....
Copie en sera adressée à la commune nouvelle de Courchevel.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 16LY02152
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