Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 29 mars et 20 juillet 2018, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de l'Ain du 24 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est entaché d'un vice de procédure, faute de saisine pour avis du médecin de l'agence régionale de santé ;
- ce refus ne procède pas d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il viole les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a établi sa résidence habituelle en France, et méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision prononçant son éloignement dans un délai de trente jours est illégale dès lors que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé est illégal ; cette décision viole l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet d'avoir saisi les autorités médicales et de l'avoir entendu ;
- la désignation du pays de renvoi est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui opposée et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 février 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant albanais né en 1989, est entré au mois de janvier 2016 en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 30 mai 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 1er décembre suivant. Le 6 décembre 2016, M. C... a présenté une demande de titre de séjour à raison de son état de santé. Par arrêté du 24 février 2017, le préfet de l'Ain a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'expiration de ce délai. M. C... relève appel du jugement du 20 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Ain du 24 février 2017 :
2. Le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" : " A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des énonciations mêmes de l'arrêté en litige que, pour rejeter sans l'instruire la demande de titre de séjour formée par M. C... à raison de son état de santé, le préfet de l'Ain s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne satisfaisait pas à la condition de résidence habituelle en France posée au 11° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est cependant constant qu'à la date du refus en litige et ainsi que le relève d'ailleurs cette décision, M. C... se trouvait en France en compagnie de son épouse et de ses parents depuis treize mois dans le cadre de l'examen de sa demande tendant à son établissement en France en qualité de réfugié. M. C..., qui devait être ainsi regardé comme résidant habituellement en France à la date de sa demande, est fondé à soutenir que le préfet de l'Ain a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions refusant de lui délivrer un titre de séjour et prescrivant son éloignement.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. C... est fondé à demander, outre l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2017, celle de l'arrêté du préfet de l'Ain du 24 février 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Si le présent arrêt n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à M. C..., il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au préfet de l'Ain de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation afin de statuer à nouveau sur son cas dans le délai de deux mois.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 visée ci-dessus, et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me A..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 décembre 2017 et l'arrêté du préfet de l'Ain du 24 février 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour à M. C... et de réexaminer sa situation en vue de statuer à nouveau sur son cas dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... A...la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée :
- au préfet de l'Ain ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.
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N° 18LY01168
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