Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016 ainsi qu'un mémoire en réplique enregistré le 6 avril 2018 qui n'a pas été communiqué, MM. H... etB... F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 juin 2016 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Vourey du 13 janvier 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vourey une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, faute pour les premiers juges d'avoir visé le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux et d'y avoir répondu ;
- le classement de leurs parcelles cadastrées section AC n° 40 et 41 en zone à urbaniser est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le contenu de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) prévue sur le secteur des Rivoires méconnaît les articles L. 123-1-4 et R. 123-6 du code de l'urbanisme ;
- l'institution d'une servitude de voirie sur les parcelles qui leur appartiennent viole l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, et son tracé procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2017, la commune de Vourey, représentée par la SELARL CDMF - Avocats affaires publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de première instance n'était pas recevable en ce qui concerne M. B... F..., Mme D... E... et Mme G... E..., et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- les observations de Me C... pour les requérants, ainsi que celles de Me A... pour la commune de Vourey ;
Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré présentées pour la commune de Vourey le 18 avril 2018 et pour les requérants le 25 avril 2018 ;
1. Considérant que, par une délibération du 13 janvier 2014, le conseil municipal de Vourey a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ; que MM. H... etB... F... relèvent appel du jugement du 2 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'il est constant que M. H... F...a, le 27 février 2014, formé un recours gracieux contre la délibération du 13 janvier 2014, lequel a prorogé à son égard le délai de recours ouvert à l'encontre de cette délibération ; que, dans ces conditions, la demande collective introduite le 13 juin 2014 par M. H... F...et autres à l'encontre de la délibération du 13 janvier 2014 n'était pas tardive ; que la commune de Vourey ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que les autres demandeurs de première instance ne se sont pas associés à ce recours gracieux pour soutenir que la demande de première instance n'était, en ce qui les concerne, pas recevable ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans leur mémoire en réplique produit devant le tribunal administratif le 15 décembre 2015, les requérants ont expressément abandonné leur moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des conseillers municipaux aux séances du conseil municipal relatives à la procédure d'élaboration du PLU ; que les requérants ne sauraient ainsi sérieusement soutenir que le jugement qu'ils contestent serait, faute pour les premiers juges d'avoir visé ce moyen et d'y avoir répondu, entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité de la délibération du 13 janvier 2014 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme (...) comprend un rapport de présentation, un projet d'aménagement et de développement durables, des orientations d'aménagement et de programmation, un règlement et des annexes. Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-1-4 du même code alors en vigueur : " Dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation comprennent des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports et les déplacements. / 1. En ce qui concerne l'aménagement, les orientations peuvent définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l'environnement, les paysages, les entrées de villes et le patrimoine, lutter contre l'insalubrité, permettre le renouvellement urbain et assurer le développement de la commune. / Elles peuvent comporter un échéancier prévisionnel de l'ouverture à l'urbanisation des zones à urbaniser et de la réalisation des équipements correspondants. / Elles peuvent porter sur des quartiers ou des secteurs à mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager. / Elles peuvent prendre la forme de schémas d'aménagement et préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 123-1-5 du même code alors en vigueur : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. / A ce titre, le règlement peut : / 1° Préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées ; / 2° Définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ; (...) ; / 4° Déterminer des règles concernant l'aspect extérieur des constructions, leurs dimensions et l'aménagement de leurs abords, afin de contribuer à la qualité architecturale et à l'insertion harmonieuse des constructions dans le milieu environnant ; (...) / 8° Fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts ; (...) / 10° Fixer les conditions de desserte par les voies et réseaux des terrains susceptibles de recevoir des constructions ou de faire l'objet d'aménagements. (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 123-3-1 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Les orientations d'aménagement et de programmation mentionnées au 1 de l'article L. 123-1-4 peuvent, le cas échéant par quartier ou par secteur, prévoir les actions et opérations d'aménagement prévues par ces dispositions. " ; qu'aux termes de l'article R. 123-4 du même code alors en vigueur : " Le règlement délimite les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières. Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues à l'article R. 123-9. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 123-6 de ce code alors en vigueur : " Les zones à urbaniser sont dites "zones AU". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement définissent les conditions d'aménagement et d'équipement de la zone. Les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation peut être subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme. " ;
En ce qui concerne les orientations d'aménagement et de programmation (OAP) définies pour le quartier des Rivoires :
5. Considérant que le PLU de Vourey comprend des OAP portant, à l'est du bourg, sur deux périmètres constitués de terrains non bâtis d'une superficie de 0,6 et 2,4 hectares situés de part et d'autre de la route des Rivoires ; que ces OAP prévoient pour l'essentiel l'aménagement en deux phases de ce secteur par la réalisation de nouvelles voies dans sa partie sud, permettant d'en assurer la desserte interne depuis la route des Rivoires et la route des Pierres Blanches, et par la construction dans ce secteur d'une quarantaine de logements selon des "principes d'occupation de l'espace" et un "principe d'accès et de desserte" figurant dans un schéma d'aménagement commenté ; que ce schéma prévoit en particulier la réalisation de logements individuels et d'un immeuble d'habitation collective sur le tènement situé au sud de la route des Rivoires, l'autre tènement étant pour sa part destiné à des logements collectifs ;
6. Considérant que, pour contester pour la première fois en appel les OAP définies pour le secteur des Rivoires et soutenir que celles-ci l'ont été en violation des dispositions des articles L. 123-1-4 et R. 123-6 du code de l'urbanisme citées au point 4, les requérants font valoir que ces OAP, contrairement à leur nature et en contradiction avec les prescriptions du règlement en matière d'emprise au sol, fixent illégalement la nature et la localisation des constructions susceptibles d'être édifiées ainsi que le nombre de leurs niveaux ;
7. Considérant qu'en matière d'aménagement, une OAP implique un ensemble d'orientations définissant des actions ou opérations visant, dans un souci de cohérence à l'échelle du périmètre qu'elle couvre, à mettre en valeur des éléments de l'environnement naturel ou urbain, ou à réhabiliter, restructurer ou aménager un quartier ou un secteur ; que si les OAP peuvent, en vertu de l'article L. 123-1-4 du code de l'urbanisme, prendre la forme de schémas d'aménagement, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre aux auteurs du PLU, qui peuvent y préciser les principales caractéristiques des voies et espaces publics, de fixer précisément, au sein de telles orientations, les caractéristiques des constructions susceptibles d'être réalisées ;
8. Considérant qu'alors que le PLU de Vourey institue un secteur spécifique AUob correspondant au périmètre couvert par les OAP en litige et y définit notamment les règles qui s'imposent concernant la destination et la nature des constructions autorisées ou encore leur aspect extérieur et leurs dimensions, il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que la fixation par l'article 9 du règlement du PLU d'un coefficient d'emprise au sol de 0,12 en secteur AUob ne permettrait pas d'y mettre en oeuvre les OAP en litige ;
9. Considérant que si, par les représentations graphiques qu'elles comprennent, les OAP en débat envisagent la réalisation des voies et d'espaces publics dans le périmètre qu'elles couvrent, elles y fixent également avec précision l'emplacement et les caractéristiques des différents types de construction à usage d'habitation dont la réalisation est possible, en distinguant en particulier les maison individuelles, les maisons jumelées et les petits immeubles collectifs de gabarit R+1 ; qu'eu égard à ce qui a été dit au point 7, les requérants sont fondés à soutenir que les OAP en litige sont, dans cette mesure, entachées d'illégalité ;
En ce qui concerne le classement des parcelles cadastrées section AC n° 40 et 41 :
10. Considérant qu'il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; que leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle est entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts ;
11. Considérant que la délibération critiquée approuve le classement en secteur de zone à urbaniser AUob des parcelles cadastrées section AC n° 40 et 41 appartenant aux requérants ; que, pour soutenir que le classement de ces terrains méconnait les dispositions de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur citées au point 4, les requérants font valoir que ces terrains étaient constructibles sous l'empire du document d'urbanisme précédent et qu'ils sont desservis tant par la route des Rivoires que, comme les autres terrains de ce secteur, par les réseaux d'eau potable et d'assainissement ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier, en particulier des documents photographiques produits et du rapport de présentation du PLU, que ces parcelles relèvent d'un ensemble de terrains non construits, d'une superficie de près de 2,5 hectares, bordé par la route des Rivoires et par des secteurs où l'habitat pavillonnaire a pu se développer dans la période récente sans s'inscrire dans une réflexion globale et au bénéfice notamment d'une desserte par des voies en impasse prenant directement accès sur la voirie communale ; que le classement de cet ensemble de terrains en secteur AUob, dont l'urbanisation n'est prévue qu'au fur et à mesure de la réalisation des équipements, tels la voirie destinée à sa desserte complète, qu'envisagent les OAP mentionnées précédemment, répond aux caractéristiques de ces terrains et à l'objectif que les auteurs du PLU se sont donné, et que rappelle le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), d'organiser, en vue de réaliser les objectifs du programme local de l'habitat, un développement phasé de l'urbanisation organisé autour du centre-village et de sa périphérie en tirant parti des "poches de réception interne" identifiées dans les secteurs de la Conciergerie, du Bayard ou des Rivoires ; que, dans ces conditions et alors que les parcelles des requérants occupent la partie septentrionale du secteur en cause, les circonstances dont il est fait état ne suffisent pas pour considérer que les auteurs du PLU de Vourey ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation en approuvant le classement contesté, dont la légalité n'est pas affectée par le vice relevé au point 9 ;
En ce qui concerne l'institution d'une servitude en vue de l'aménagement d'une voie publique :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant : / (...) c) A indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements ; " ;
13. Considérant qu'en application de ces dispositions, les documents graphiques du PLU en litige font apparaître la localisation de la voie de desserte du secteur des Rivoires dont, ainsi qu'il a été dit, l'aménagement est envisagé ; que, pour contester la légalité de l'emplacement réservé qui traverse leurs parcelles cadastrées section C n° 40 et 41, les requérants font valoir que l'illégalité des OAP définies pour le secteur des Rivoires prive cet emplacement de toute utilité et, en tout état de cause, qu'un autre tracé présentant moins d'inconvénients aurait pu être retenu ; qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 5 à 9, et compte tenu des dimensions de la zone à urbaniser en cause, qui s'étend sur une profondeur et une largeur de plus de 150 mètres, comme de l'intention des auteurs du PLU d'assurer la desserte de ce secteur par une voie assurant la liaison entre la route des Rivoires et la route des Pierres Blanches, il ne ressort pas des pièces du dossier que les auteurs du PLU de Vourey ont entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation en instituant la servitude en litige, dont la légalité n'est pas affectée par le vice relevé au point 9 ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à leur demande en ce que les OAP définies pour le secteur des Rivoires sont entachées de l'illégalité analysée au point 9 et, par suite, à demander l'annulation, dans cette mesure, de la délibération du conseil municipal de Vourey du 13 janvier 2014 ;
Sur les frais liés au litige :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Vourey demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vourey le versement aux requérants d'une somme globale de 2 000 euros au titre des frais d'instance ;
DECIDE :
Article 1er : La délibération du conseil municipal de Vourey du 13 janvier 2014 est annulée en tant qu'elle approuve les orientations d'aménagement et de programmation définies pour le quartier des Rivoires en ce que ces orientations fixent l'emplacement et les caractéristiques des constructions à édifier dans le secteur concerné.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Vourey versera à MM. H... etB... F... la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... F..., à M. B... F... et à la commune de Vourey.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
2
N° 16LY02772
dm