Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 août 2018, M. A... C..., représenté par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 mai 2018 ;
2°) d'annuler cette décision du préfet de la Côte-d'Or du 3 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or d'enregistrer sa demande de titre de séjour dans un délai de quinze jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre aux moyens tirés de ce que le refus d'enregistrer sa demande méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet ne peut exiger la production d'un passeport, alors au demeurant qu'il est apatride ;
- il justifie de son identité et de sa nationalité en produisant un acte de naissance établi en Italie ;
- le refus d'enregistrer sa demande méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 juillet 2018.
La requête a été communiquée au préfet de la Côte-d'Or, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Le 3 novembre 2017, le préfet de la Côte-d'Or a refusé d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. C..., qui soutient être né le 21 mars 1994 et être apatride, au motif que l'intéressé, qui avait présenté auparavant d'autres demandes en indiquant être né en avril 1994 au Kosovo, n'avait pas produit de passeport. L'intéressé relève appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus.
2. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. C... a produit un acte de naissance établi en Italie, dont le préfet de la Côte-d'Or ne soutient pas qu'il serait un faux, sans que puisse par ailleurs être opposée au requérant l'absence de légalisation de cet acte, procédure inapplicable à un acte établi en Italie. En outre, le préfet ne saurait, pour exiger la production d'un passeport, qui n'est requise par aucune disposition législative ou réglementaire, opposer à l'intéressé le fait qu'il n'a pas indiqué sa nationalité, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a entrepris des démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour se voir reconnaître le statut d'apatride. Dans ces conditions, et alors même que M. C... avait produit à l'appui d'une précédente demande de titre de séjour un acte de naissance au Kosovo dont il ne conteste pas le caractère falsifié, le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait refuser d'enregistrer sa demande de titre de séjour au motif qu'elle était incomplète en l'absence de documents justifiant de l'état-civil et de la nationalité du demandeur. Par suite, M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision du 3 novembre 2017 refusant d'enregistrer sa demande de titre de séjour, qui lui fait grief.
4. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. L'annulation de la décision du préfet de la Côte-d'Or du 3 novembre 2017 implique nécessairement que la demande de titre de séjour de M. C... soit enregistrée. Il y a lieu, par suite, de prescrire qu'il soit procédé à cet enregistrement et d'impartir à cet effet au préfet un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. En application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à Me Grenier, avocate de M. C..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 24 mai 2018 et la décision du 3 novembre 2017 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a refusé d'enregistrer la demande de titre de séjour présentée par M. C..., sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or d'enregistrer la demande de titre de séjour de M. C... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... Grenier une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 22 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 18LY03311
dm