Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 janvier et 20 novembre 2017 et le 22 juin 2018, le syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale, représenté par la SELAS Fiducial legal by Lamy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 8 novembre 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir le permis de construire du 27 novembre 2013 et la décision rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable dès lors que, les travaux en litige affectant les parties communes de l'immeuble, il justifie d'un intérêt pour contester le permis de construire qui les autorise et que le syndic a été mandaté pour ce faire le 24 février 2015 ;
- c'est à tort que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme a été écarté sans qu'il soit en outre répondu au grief tiré de la fraude commise par le pétitionnaire dont le mandat était caduc ;
- le projet architectural était incomplet au regard des exigences réglementaires s'imposant à tout permis de construire ;
- en autorisant les travaux d'arasement de mur et de délimitation d'une zone de containers, le permis méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- la modification des ouvertures en façade du rez-de-chaussée porte atteinte à l'aspect architectural de la zone et viole l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 janvier 2018 ainsi qu'un mémoire enregistré le 4 octobre 2018 qui n'a pas été communiqué, la SNC Marignan Résidences, représentée par la SELARL ISEE, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du syndicat requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le syndic de la copropriété requérante ne justifie pas d'un mandat l'habilitant à agir ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mars 2018, la commune de Chambéry, représentée par le cabinet CLDAA, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du syndicat requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu de la nature des travaux autorisés, le syndicat requérant ne justifie pas d'un intérêt à agir au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2018 par une ordonnance du 25 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour le syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale, celles de Me B... pour la commune de Chambéry ainsi que celles de Me A... pour la SNC Marignan Résidences ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 2 mai 2008 modifié, le maire de Chambéry a délivré à la SNC Marignan Résidences un permis de construire en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier à usage principal d'habitation sur un terrain situé place d'Italie. Par arrêté du 27 novembre 2013, le maire de Chambéry a délivré à la SNC Marignan Résidences un permis de construire modificatif relatif aux ouvertures en rez-de-chaussée de cet ensemble, à l'arasement partiel de murs, à la délimitation de la zone réservée aux conteneurs pour déchets ménagers et au remplacement d'acacias par deux arbres de haute tige. Le syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale relève appel du jugement du 8 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce permis de construire modificatif.
Sur la légalité du permis de construire modificatif du 27 novembre 2013 :
En ce qui concerne la qualité de la SNC Marignan Résidences pour solliciter le permis de construire :
2. Si, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis de construire, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier la validité de l'attestation établie par le demandeur selon laquelle il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme pour déposer une telle demande, il lui revient toutefois de rejeter la demande lorsqu'elle vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose d'aucun droit à la déposer.
3. En vertu des dispositions combinées des articles R. 423-1 du code de l'urbanisme, de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 visée ci-dessus et de l'article R. 261-5 du code de la construction et de l'habitation, le vendeur d'un immeuble à construire doit, lorsque celui-ci est devenu, en tout ou en partie, la copropriété des acheteurs, obtenir l'autorisation requise par le b) de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 pour solliciter un permis de construire affectant les parties communes de cet immeuble, à moins qu'il ne dispose d'un mandat à cet effet en application de l'article R. 261-5 du code de la construction et de l'habitation.
4. Il ressort des pièces du dossier que la SCP Marignan Résidences, qui a entrepris la construction de l'immeuble en litige sur le fondement du permis de construire du 2 mai 2008, avait reçu mandat, en vertu des stipulations du a) de l'article 11.2 du cahier des charges et conditions des ventes en l'état futur d'achèvement relatives à cet immeuble en date du 20 octobre 2010, pour "passer tous les actes de disposition devant affecter les biens et droits vendus et indispensables à la construction du bâtiment dont dépendent les locaux faisant l'objet des ventes et notamment les pouvoirs suivants : / - pour satisfaire aux prescriptions d'urbanisme ; / - pour satisfaire aux obligations imposées par le permis de construire de l'immeuble ; (...) / - déposer tout permis de construire modificatif". En vertu du d) de ce même article 11.2, ces pouvoirs devaient expirer lors de l'achèvement de l'immeuble soit, aux termes mêmes de cet article, "lors de la délivrance du certificat de conformité". Ainsi, en vertu de ce mandat et dès lors que la déclaration d'achèvement de l'immeuble mentionnée aux articles R. 462-1 et suivants du code de l'urbanisme n'a été adressée à la mairie de Chambéry qu'au mois d'avril 2015, la SNC Marignan Résidences, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, avait qualité pour demander, comme elle l'a fait le 24 juin 2013 et sans avoir à solliciter l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, le permis de construire modificatif en litige en vue de la réalisation et de la régularisation des modifications mineures du projet mentionnées au point 1. Dans ces conditions, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui ont implicitement mais nécessairement répondu à l'argument selon lequel le permis en litige avait été frauduleusement obtenu par un pétitionnaire n'ayant pas qualité pour le demander, ont écarté son moyen tiré de la violation des exigences de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme comme de l'obligation pour l'autorité municipale de ne pas accorder ou de retirer un permis de construire sollicité de manière frauduleuse.
En ce qui concerne le contenu du dossier de demande de permis de construire :
5. Pour soutenir que le dossier joint à la demande du permis de construire délivré le 27 novembre 2013 ne répond pas aux exigences réglementaires, le syndicat de copropriétaires requérant expose que la notice jointe à ce dossier était insuffisante et que les éléments relatifs à la modification des ouvertures de la façade d'un commerce relevant de la législation des établissements recevant du public y faisaient également défaut.
6. Contrairement à ce qui est soutenu, la notice jointe à la demande du permis de construire en litige était suffisante au regard de l'objet limité, rappelé au point 1, de l'autorisation contestée. Il ressort également du dossier que le permis, visant en particulier à la régularisation de la situation constatée lors de la visite d'ouverture du commerce situé en rez-de-chaussée du bâtiment au mois de juin 2013, a été délivré au vu des avis favorables rendus les 19 et 21 novembre 2013 au titre de la législation sur les établissements recevant du public par les sous-commissions compétentes de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité dont les services ont été destinataires des plans de situation, de masse et de façade du projet en débat. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le moyen tiré des insuffisances du dossier de demande du permis de construire du 27 novembre 2013 doit être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens :
7. Au soutien de sa demande d'annulation, le syndicat requérant réitère pour le surplus et sans faire état d'éléments nouveaux les moyens soulevés devant le tribunal administratif selon lesquels le projet, eu égard à ses caractéristiques et à sa localisation, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-21 du code de l'urbanisme. Il ya lieu, pour écarter ces moyens, d'adopter les motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que le syndicat requérant présente sur leur fondement à l'encontre des intimées, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à la commune de Chambéry et à la SNC Marignan Résidences au titre des frais qu'elles ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête du syndicat de copropriétaires Le Via Cardinale est rejetée.
Article 2 : Le syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale versera une somme de 1 500 euros à la commune de Chambéry ainsi qu'à la SNC Marignan Résidences au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat des copropriétaires Le Via Cardinale, à la commune de Chambéry et à la SNC Marignan Résidences.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 17LY00066
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