Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 février 2017, la ministre du logement et de l'habitat durable demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2016.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, dont le jugement procède ainsi d'une erreur de droit et d'une inexacte appréciation des circonstances de l'affaire au regard du 2° de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, la construction projetée par M. B... n'est pas nécessaire à son exploitation agricole.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2018, M. B..., représenté par la SELARL Retex avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable, faute de pouvoir identifier clairement son signataire et le titre exact de celui-ci ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
La clôture de l'instruction a été fixée au 11 octobre 2018 par une ordonnance du 24 septembre 2018.
Vu :
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- et les observations de Me A... pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Exploitant agricole à Montbrison-sur-Lez, M. B... a sollicité un permis de construire en vue de la réalisation dans cette commune, dépourvue de document d'urbanisme, d'un siège d'exploitation constitué d'un entrepôt agricole et d'un bâtiment destiné au logement de sa famille comportant également une chambre d'hôte ainsi qu'un espace de dégustation et de vente sur place des produits issus de l'exploitation. Par arrêté du 16 mai 2014, le préfet de la Drôme a rejeté cette demande. La ministre du logement et de l'habitat durable relève appel du jugement du 15 décembre 2016 par lequel, à la demande de M. B..., le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce refus et a enjoint à l'autorité administrative de procéder au réexamen de sa demande de permis de construire.
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Si M. B... fait valoir qu'il n'est pas possible d'identifier le signataire de la requête de la ministre du logement et de l'habitat durable, il ressort toutefois du dossier que cette requête, qui a d'ailleurs été adressée à la juridiction au moyen de l'application informatique dédiée mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative, a été signée par M. C... E..., sous-directeur des affaires juridiques de l'environnement et de l'urbanisme, qui dispose en cette qualité et en vertu du 2° de l'article 1 du décret du 27 juillet 2005 visé ci-dessus, d'une délégation pour signer au nom du ministre, à l'exception des décrets, les actes relatifs aux affaires des services placés sous son autorité. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par M. B... ne peut qu'être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Par la décision en litige, le préfet de la Drôme a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par M. B... aux motifs, d'une part, que son projet était situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune sans qu'il soit justifié de la nécessité de sa présence à proximité de son exploitation et, d'autre part, que l'emplacement de ce projet était de nature à favoriser une urbanisation dispersée.
4. Aux termes de l'article L. 111-1-2 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seuls sont autorisés, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / (...) 2° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole, (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans les communes dépourvues de tout plan d'urbanisme ou de carte communale, la règle de constructibilité limitée n'autorise, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, que les constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole. Ce lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée. Il s'ensuit que la seule qualité d'exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas à caractériser un tel lien. Lorsque la construction envisagée est à usage d'habitation, il convient d'apprécier le caractère indispensable de la présence permanente de l'exploitant au regard de la nature et du fonctionnement des activités de l'exploitation agricole.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la nature et le fonctionnement de l'exploitation de M. B..., qui porte approximativement selon ses dires sur une trentaine d'hectares de vignes, cinq hectares de chênes truffiers, trois hectares de lavandin et un hectare d'oliviers, imposeraient la présence permanente de M. B... à l'endroit où est implanté le projet pour lequel il a sollicité un permis de construire en vue de la réalisation d'un nouveau siège d'exploitation comportant notamment un bâtiment principalement destiné à l'habitation et à l'hébergement touristique. Les circonstances dont M. B... fait état, tirées de la perspective de ne plus pouvoir occuper le siège d'exploitation dont il bénéficiait jusqu'alors pour des motifs familiaux, de la possibilité d'assurer dans l'entrepôt projeté la préparation, le conditionnement et la conservation de sa production de vin et de truffes, ainsi que de l'avantage que constitue une présence sur place de l'exploitant pour prévenir les vols ou pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs en termes d'accueil en milieu rural, ne suffisent pas pour regarder le projet en litige comme étant nécessaire à l'exploitation agricole au sens des dispositions du code de l'urbanisme citées au point 4. Dans ces conditions, la ministre du logement et de l'habitat durable est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du préfet de la Drôme du 16 mai 2014 refusant la délivrance d'un permis de construire à M. B... au motif que ce refus méconnaissait ces dispositions.
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Drôme aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif dont le bien-fondé a été examiné au point précédent. Au demeurant, il y a lieu de relever qu'en se bornant à faire valoir en termes généraux que la présence d'un corps de ferme concourt à l'animation du paysage rural et que le terrain d'assiette de son projet a été choisi à raison de sa nature de lande et de sa localisation par rapport aux constructions avoisinantes, M. B... ne conteste pas utilement le second motif de la décision en litige selon lequel son projet serait de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation de l'espace agricole environnant en méconnaissance de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, la ministre du logement et de l'habitat durable est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2016 et le rejet de l'ensemble des conclusions présentées par M. B... devant ce tribunal.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à M. D... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.
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N° 17LY00496
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