Par un second jugement n° 1800417 du 29 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 14 août 2018, M. C... D..., représenté par Me Rhamani, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 19 octobre 2017 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou "salarié" dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute pour les premiers juges d'avoir répondu à son moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de sa compétence en matière de régularisation à titre exceptionnel ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen global et sérieux de sa situation ;
- ce refus est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il est entré régulièrement en France contrairement à ce qu'il énonce ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas conservé de liens avec sa famille et qu'il remplit les autres conditions prévues par cet article sur lesquelles le préfet ne s'est pas prononcé ;
- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 juillet 2018.
Le préfet du Rhône a produit un mémoire enregistré le 17 avril 2019 par lequel il conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens du requérant sont inopérants ou infondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant camerounais né en 1998, est entré en France le 7 mars 2016, à l'âge de dix-sept ans et neuf mois. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de la métropole de Lyon et a bénéficié à sa majorité, le 16 juillet 2016, d'un contrat de jeune majeur, plusieurs fois renouvelé. Il a présenté le 26 octobre suivant une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par décisions du 19 octobre 2017 le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 4 mars 2018, le même préfet l'a assigné à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. M. D... relève appel du jugement du 29 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 19 octobre 2017 lui refusant un titre de séjour.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-2 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D... sur le fondement des dispositions citées au point 2, le préfet du Rhône, après avoir relevé que l'intéressé avait été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Rhône à l'âge de dix-sept ans, neuf mois et vingt-quatre jours, a rejeté sa demande en se fondant sur l'existence de liens conservés au Cameroun et en Espagne où résident respectivement sa mère et son père, lequel a obtenu en 2016 le regroupement familial à son profit, aux motifs que l'intéressé ne remplit pas toutes les conditions d'octroi d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne justifie pas être dans l'impossibilité de créer dans son pays d'origine sa propre vie privée et familiale et d'y mettre à profit les études qu'il a suivies en France. Si la décision de refus de séjour du 19 octobre 2017 mentionne l'avis de la structure d'accueil, elle ne l'analyse pas et il ressort de la lecture de cette décision que le préfet n'a porté aucune appréciation sur l'insertion de l'intéressé et le caractère sérieux de ses études en France. En s'abstenant ainsi de procéder à un examen global de la situation de M. D... au regard de l'ensemble des critères d'appréciation énoncés expressément par les dispositions citées au point 2, qui lui imposaient de se prononcer sur le caractère réel et sérieux du suivi de la formation et de prendre en considération l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française, le préfet du Rhône a fait une inexacte application de ces dispositions.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni les autres moyens de sa requête, M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 19 octobre 2017 rejetant sa demande de carte de séjour et à demander l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
7. L'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel elle est fondée, n'implique pas que le préfet du Rhône délivre à M. D... un titre de séjour mais seulement qu'il réexamine sa situation et lui délivre à cette fin une autorisation provisoire de séjour. Il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Rhamani, avocate de M. D..., d'une somme de 800 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation de sa part à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 mai 2018 et la décision du 19 octobre 2017 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. D... et de réexaminer son droit au séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me A... B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Rhône et et à Me A... B....
Copie en sera au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mai 2019.
2
N° 18LY03155
md