Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 octobre 2018, M. B... A..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 juin 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de la Savoie du 9 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur de fait, d'un défaut d'examen réel de sa situation et qu'elle est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit, le préfet n'ayant pas pris en compte son séjour à Mayotte pour apprécier l'intensité de sa vie privée et familiale en France ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français justifie l'annulation consécutive de la décision fixant le pays de renvoi ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Savoie qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Par décision du 29 août 2018 le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité comorienne, né en 1988, est entré à Mayotte en 2009. Il a bénéficié d'un titre de séjour valable sur ce territoire du 17 mars 2015 au 16 mars 2016. Le 16 décembre 2015, il est entré en France métropolitaine, muni d'un visa. Le 31 mai 2016, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par décision du 19 janvier 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande. Par arrêté du 9 octobre 2017, le préfet de la Savoie a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 8 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 9 octobre 2017.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, si le préfet de la Savoie a indiqué dans sa décision que l'épouse de M. A... est dans la même situation que lui alors qu'elle séjourne en France sous couvert de récépissés qui lui ont été délivrés suite à une demande de titre de séjour, l'intéressée ne bénéficiait pas, à la date de l'arrêté en litige, d'un droit au séjour durable en France. Par suite, l'erreur de fait ainsi commise par le préfet de la Savoie est restée sans incidence sur l'appréciation qu'il a pu porter quant à la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer hors du territoire métropolitain. Par ailleurs, cette erreur n'est pas de nature à établir un défaut d'examen particulier de la situation du requérant ni à caractériser une insuffisance de motivation.
3. En deuxième lieu, si, selon l'article L. 111-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'expression "en France" inclut notamment Mayotte, les dispositions de l'article L. 832-2 de ce code font obstacle à ce qu'un étranger ayant séjourné à Mayotte et qui a gagné un autre département sans avoir obtenu l'autorisation spéciale requise en vertu de l'article R 832-2, dont la délivrance est notamment subordonnée à la présentation de garanties de son retour à Mayotte, puisse prétendre dans cet autre département à la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions de droit commun, en particulier de la carte de séjour temporaire de plein droit prévue à l'article L. 313-11 du même code. Dans ces conditions, le préfet pouvait ne pas tenir compte de la durée du séjour à Mayotte de M. A... pour apprécier l'atteinte que sa décision serait susceptible de porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale et prendre en compte à cet égard la possibilité pour le requérant de s'installer avec sa famille dans son pays d'origine ou à Mayotte.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. M. A... fait valoir qu'il a quitté les Comores pour Mayotte en 2009, que son épouse, également comorienne, est mère de deux enfants français nés d'une précédente union, qu'elle bénéficie de récépissés de titres de séjour dans l'attente de l'examen de sa demande de titre de séjour, et que deux de leurs trois enfants vivent en France avec eux. Toutefois, le requérant ne séjournait en France métropolitaine que depuis moins de deux années à la date de l'arrêté en litige. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de métropole, alors en outre que le troisième enfant du couple est resté à Mayotte. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il poursuit et ne méconnaît pas les stipulations citées au point 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il n'apparaît pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Si M. A... fait valoir que les deux premières filles de son épouse, de nationalité française, sont scolarisées et que l'une d'elle fait l'objet d'un suivi médical, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même qu'il démontre s'occuper de celles-ci, qu'elles ne pourraient être scolarisées ou bénéficier d'un tel suivi médical qu'en métropole. Dans ces conditions, la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français ne porte pas à l'intérêt supérieur de ces enfants une atteinte contraire aux stipulations précitées.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
8. Pour les motifs exposés aux points 5 et 6, les moyens selon lesquels la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
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N° 18LY03724
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