Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 7 août 2020, et un mémoire complémentaire, enregistrée le 26 mars 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Carol, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales relatives à l'imposition de la plus-value de cession de valeurs mobilières au titre de l'année 2013 et 2014 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'imposition de la plus-value de cession des titres doit être répartie entre le nu-propriétaire et l'usufruitier compte tenu de ce que, contrairement à ce qui a été indiqué dans l'avenant à la convention de cession de titres du 27 décembre 2013, il n'y a pas eu de remploi du prix de cession des titres par le nu-propriétaire mais répartition du prix ;
- l'usage du barème de l'article 669 du code général des impôts pour déterminer l'accroissement de valeur de la nue-propriété entre la date de l'acquisition initiale de la pleine propriété et celle de la transmission de la nue-propriété est une faculté laissée au contribuable par la doctrine administrative ; le contribuable peut recourir à la méthode économique ;
- l'utilisation de ce barème ne peut se justifier par son utilisation dans un acte de partage antérieur du 14 mai 2012 et dans la convention de cession des droits sociaux de la SAS Jacques Combes du 27 décembre 2013 ; l'avenant du 3 juillet 2014 ne peut s'analyser comme la volonté des parties d'y recourir ultérieurement ;
- la méthode fondée sur l'application du barème prévue à l'article 669 du code général des impôts est approximative alors que la détermination de la valeur économique de la nue-propriété des actions cédées est plus réaliste et permet de tenir compte des droits financiers, patrimoniaux et politiques attachés à la nue-propriété des actions cédées ;
- pour l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014, les frais d'acquisition n'ont pas été pris en compte par l'administration fiscale et correspondent à 2,16 % du prix d'acquisition.
Par des mémoires, enregistrés les 31 décembre 2020 et 4 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a acquis, à la suite d'une donation à titre de partage anticipé sur le fondement de l'article 1075 du code civil le 14 mai 2012, la nue-propriété de 1 700 actions de la SAS Jacques Combes, les donateurs conservant l'usufruit de ces titres jusqu'à leur cession. Elle a cédé, par une convention de cession de droits sociaux du 27 décembre 2013, l'ensemble de ces actions détenues dans le capital de la SAS Jacques Combes au prix unitaire de 104,25 euros à la société Akzo Nobel distribution. Le foyer de Mme B... n'a procédé à aucune déclaration de plus-value au titre de l'année 2013. La cession des actions a donné lieu à la perception, le 3 juillet 2014, d'un complément de prix de 8 316 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations de Mme et M. B... à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 et 2014 et d'une demande de renseignement établie conformément aux dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, l'administration leur a adressé une proposition de rectification du 24 octobre 2016 notifiant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contribution sociales, assorties d'une majoration de 10 % sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts après avoir réintégré aux revenus des contribuables imposables au titre de l'année 2013 le montant de la plus-value résultant de la cession des titres démembrés et, au titre de l'année 2014, le montant des compléments de prix perçus. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales relatives à l'imposition de la plus-value de cession de valeurs mobilières au titre des années 2013 et 2014.
2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. " Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ".
3. Il résulte des dispositions des articles 150-0 A et 150-0 D du code général des impôts que, pour le calcul du montant de la plus-value taxable en cas de cession de titres, le prix d'acquisition des titres obtenus à titre gratuit doit être fixé à la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation. Cette valeur doit en principe être prise en compte, qu'elle procède d'une déclaration du contribuable au titre des droits d'enregistrement ou, le cas échéant, d'une rectification définitive de cette déclaration par l'administration fiscale. Il n'en va autrement que si l'administration établit que la valeur retenue pour les droits d'enregistrement était dépourvue de toute signification, c'est-à-dire qu'elle est sans rapport avec la valeur réelle des titres. Dans l'hypothèse où aucune valeur n'a été déclarée pour la détermination des droits de mutation, l'administration peut affecter aux titres en cause une valeur nulle, à moins que le contribuable ne soit en mesure de justifier leur valeur d'acquisition à la date de cette dernière.
4. En vertu des dispositions de l'article 669 du code général des impôts, applicable à la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière en cas de démembrement de propriété, la valeur de l'usufruit et de la nue-propriété est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière conformément à un barème établi en fonction de l'âge de l'usufruitier au jour de la cession et de son espérance de vie.
5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir indiqué que l'imposition des plus-values de cession de titres démembrés est intégralement supportée par le nu-propriétaire, l'administration a calculé le prix d'acquisition unitaire des titres, dans l'hypothèse applicable à l'espèce où le donateur s'est réservé l'usufruit des titres cédés et a transmis la nue-propriété, en majorant la valeur d'acquisition initiale de la pleine propriété des titres de la variation de la valeur de la nue-propriété entre la date de l'acquisition initiale par le donateur et la date de transmission de la nue-propriété au donataire. Elle a déterminé la valeur de la nue-propriété des actions en appliquant le barème prévu à l'article 669 du code général des impôts et en retenant, d'une part, une quotité de la valeur de la pleine propriété de 70 % pour la nue-propriété eu égard à l'âge de l'usufruitier au jour de la cession et, d'autre part, les données relatives à la valeur en pleine propriété des titres résultant de l'acte de donation du 14 mai 2012.
Sur le redevable des impositions :
6. Pour l'application des dispositions précitées du 1° du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, l'imposition de la plus-value constatée à la suite des opérations par lesquelles l'usufruitier et le nu-propriétaire de parts sociales dont la propriété est démembrée procèdent ensemble à la cession de ces parts sociales, se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits. Toutefois, lorsque les parties ont décidé, par les clauses contractuelles en vigueur à la date de la cession, que le droit d'usufruit serait, à la suite de la cession, reporté sur le prix issu de celle-ci, la plus-value est alors intégralement imposée entre les mains de l'usufruitier. Lorsque, en revanche, les parties ont décidé que le prix de cession sera nécessairement remployé dans l'acquisition d'autres titres dont les revenus reviennent à l'usufruitier, la plus-value réalisée n'est imposable qu'au nom du nu-propriétaire.
7. Mme et M. B... font valoir que, contrairement à ce qui a été mentionné dans l'avenant à la convention de cession de titres du 27 décembre 2013, il n'y a pas eu de remploi du prix de cession des titres par le nu-propriétaire mais répartition du prix et que, par suite, l'imposition de la plus-value de cession des titres doit être répartie entre le nu-propriétaire et l'usufruitier.
8. Il n'est pas contesté que la convention de cession du 27 décembre 2013, qui n'a pas été produite malgré la mesure d'instruction en ce sens, prévoyait une clause de remploi qui ne présentait pas un caractère facultatif et par laquelle les usufruitiers ont entendu percevoir les sommes résultant de la cession des titres démembrés et les conserver en vue du remploi dans une opération à venir. Une stipulation aux termes identiques a été reprise dans l'avenant n° 1 à la convention de cession du 30 juillet 2014. Mme et M. B... font valoir que, postérieurement à la cession des titres, la clause de remploi n'a pas reçu application dès lors que les usufruitiers ont versé à Mme B... le montant de la valeur de la nue-propriété des titres. Toutefois, une telle circonstance demeure sans incidence dès lors que pour déterminer le redevable de l'imposition due à raison de la plus-value réalisée, il convient de se placer à la date du fait générateur de l'imposition. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a décidé d'imposer le nu-propriétaire, Mme B..., de la plus-value résultant de la cession des actions.
9. A supposer que Mme et M. B... entendent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions de l'instruction du 12 septembre 2012 fiche 1 et du BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60-20120912 sur la cession de titres démembrés en cas de remploi du prix de cession, ces énonciations ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale dont les intéressés pourraient se prévaloir sur le fondement de ces dispositions.
Sur le montant des impositions de l'année 2013 :
10. Mme et M. B... font valoir que la méthode retenue par l'administration pour déterminer la valeur de la nue-propriété, qui se fonde sur l'application du barème de l'article 669 du code général des impôts, est approximative, et que la prise en compte de ce barème ne présente pas un caractère impératif.
11. Si l'administration n'a pas remis en cause le prix de cession unitaire de la pleine propriété des titres, premier terme de la différence à calculer pour déterminer la plus-value de la cession, elle a fixé le second terme, constitué par la valeur d'acquisition unitaire des titres, en majorant la valeur d'acquisition initiale de la pleine propriété du montant de la variation de valeur de la nue-propriété entre la date de l'acquisition initiale et la date de transmission de la nue-propriété et en appliquant, pour déterminer la valeur de la nue-propriété, le barème prévu à l'article 669 du code général des impôts. Compte tenu de ce barème, une quotité de la valeur de la pleine propriété de 70 % eu égard à l'âge de l'usufruitier au jour de la cession a été retenue par l'administration. Il est constant, d'une part, que, dans l'acte de donation de partage anticipé du 14 mai 2012, la valeur d'acquisition des titres en nue-propriété cédés ultérieurement par Mme B... a été déterminée par référence au barème prévu à l'article 669 du code général des impôts et, d'autre part, que cette méthode d'évaluation a été appliquée dans la convention de cession des droits sociaux de la SAS Jacques Combes du 27 décembre 2013 pour la répartition du prix global provisoire entre les cédants. Par ailleurs, ce barème repose des critères objectifs calculés à partir de l'espérance de vie de l'usufruitier par tranche d'âge et a pour objet de permettre de reconstituer le prix d'acquisition de la nue-propriété ou de l'usufruit du bien qui a été acquis en pleine propriété. Dans ces conditions, l'administration a pu valablement recourir à ce barème nonobstant la circonstance qu'il ne présentait pas un caractère impératif. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la méthode retenue par l'administration présente un caractère excessivement approximatif.
12. Mme et M. B... proposent de retenir une méthode d'évaluation correspondant à la détermination de la valeur économique de la nue-propriété dite discounted cash flows, c'est-à-dire la méthode d'actualisation des flux de revenus futurs. Toutefois, en se bornant à faire état des droits financiers et politiques attachés à la nue-propriété des actions cédées propres aux statuts de la SAS Jacques Combes et à produire des articles de doctrine, les requérants, qui au demeurant ne démontrent pas que l'application de la méthode qu'ils invoquent aboutirait à un montant inférieur à celui retenu par l'administration, ne remettent pas sérieusement en cause le montant de la plus-value tel que déterminé par l'administration.
Sur le montant des impositions de l'année 2014 :
13. Mme et M. B... reprennent en appel le moyen invoqué en première instance tiré de ce que les frais d'acquisition n'ont pas été pris en compte par l'administration fiscale et correspondent à 2,16 % du prix d'acquisition. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme et M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
Mme Caraës, première conseillère,
Mme Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
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N° 20LY02234