Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, la SARL Eurochem-Pharmasolutions, représentée par Me Palomares, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant des prestations d'accréditation et d'audit fournisseurs facturées par la société Laboratoires Salem France au titre de l'exercice 2014, il est constant que les prestations ont été fournies ; c'est à tort que l'administration fiscale a écarté la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces factures au motif que le taux de marge pratiqué par la société Laboratoires Salem France était trop élevé ;
- s'agissant des prestations de contrôles analytiques, d'accréditation et d'audit fournisseurs et de développement des produits Optisel et Vivamin, le vérificateur a remis en cause, dans le cadre d'une seconde vérification de comptabilité, la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre de la première facture rectificative M2012-12-0021 du 31 décembre 2012 en se référant expressément au premier contrôle ; de même, il a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre de factures émises au cours de l'exercice 2013 mais réglées en 2014 et au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée n'avait pas fait l'objet d'une déduction lors de la première vérification de comptabilité ; la motivation du rejet de ces déductions de taxe sur la valeur ajoutée étant faite en référence à la première vérification de comptabilité, il pourra y être opposé les mêmes moyens que ceux développés dans la requête n° 20LY00477 et en particulier celui tiré de la méconnaissance par l'administration de son obligation, prévues par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de lui communiquer les pièces sur lesquelles elle a fondé son imposition s'agissant des prestations d'accréditation et d'audit fournisseurs ;
- par ailleurs, la circonstance non démontrée que la société Laboratoires Salem France aurait pratiqué un taux de marge élevé s'agissant des prestations de contrôle analytique et d'accréditation et audit fournisseurs, ne suffit pas à remettre en cause la déductibilité de ces charges ;
- l'administration ne démontre pas que les sommes déduites pour le développement des produits Optisel et Vivamin n'auraient pas été engagées dans son intérêt.
Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des remises de pénalités et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- à la suite de son placement en redressement judiciaire par jugement du 5 février 2020, la SARL appelante a bénéficié d'une remise des pénalités ; il n'y a donc plus lieu de statuer à hauteur de 23 466 euros ;
- les autres moyens soulevés par la SARL Eurochem-Pharmasolutions ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Eurochem-Pharmasolutions, qui exerce principalement une activité d'import-export de produits chimiques et pharmaceutiques de base et autres intrants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2014 au 30 avril 2015, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts. Elle a par ailleurs fait l'objet d'un contrôle sur pièces au terme duquel le service lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mai au 31 décembre 2015, assortis des intérêts de retard. La SARL Eurochem-Pharmasolutions relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2019 en tant seulement qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes du II de l'article 289 de ce code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée ". Enfin, aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au même code, pris pour l'application de ces dernières dispositions : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : (...) 8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération (...) 10° La date à laquelle est effectuée, ou achevée, la livraison de biens ou la prestation de services ou la date à laquelle est versé l'acompte visé au c du 1 du I de l'article 289 du code précité, dans la mesure où une telle date est déterminée et qu'elle est différente de la date d'émission de la facture ; / 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que la dénomination précise, la quantité, le prix unitaire et la date à laquelle est achevée la prestation sont essentielles à l'exercice du droit à déduction. Si la mention de ces informations sur la facture établie par le fournisseur ou le prestataire permet de faire présumer que les biens ou les services lui ont été livrées ou rendus et de vérifier qu'ils l'ont été pour les besoins de ses opérations taxées, l'absence de ces mentions ou leur caractère erroné sur la facture qui lui est remise peut ne pas faire obstacle à ce que la taxe soit déductible de celle à laquelle il est soumis en raison de ses propres affaires dans le cas seulement où il apporte la preuve, par tout moyen, du règlement effectif, par lui-même de cette facture pour les besoins de ses propres opérations imposables.
4. En premier lieu, il est constant que les factures émises par la SARL Laboratoires Salem France, entre le 1er août 2014 et le 31 octobre 2014, correspondant à des prestations d'analyse, d'accréditation et d'audit de fournisseurs, ne permettent pas d'identifier précisément les prestations auxquelles elles se rapportent. Si, comme le soutient à juste titre la SARL Eurochem-Pharmasolutions, l'administration ne pouvait pas se fonder, pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, sur la circonstance que les prestations ainsi facturées présentaient un coût anormalement élevé, la SARL Eurochem-Pharmasolutions, en se bornant à soutenir que par l'exercice de son droit de communication auprès des sociétés Quali Contrôle et Intertek, le service a pu constater que la SARL Laboratoires Salem France avait réalisé des prestations de contrôle analytique et d'accréditation et d'audit de fournisseurs à sa demande, n'établit pas que le règlement par ses soins des factures en cause l'aurait été pour les besoins de ses propres opérations imposables. C'est par suite à bon droit que l'administration a refusé à la société Eurochem-Pharmasolutions le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur ces factures.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, s'agissant de certaines prestations réalisées en 2012, de contrôle analytique, d'accréditation et d'audit de fournisseurs, et de développement du complément alimentaire Optisel, que la société Laboratoires Salem France avait émis des factures hors taxe puis a établi, le 31 décembre 2012, une facture rectificative portant la seule mention d'une taxe sur la valeur ajoutée de 163 600 euros en régularisation de la taxe non facturée sur les précédentes factures émises, et dont la déduction a été partiellement opérée par la société sur ses déclarations des mois de janvier, février et mai 2014. Il est constant que la facture de régularisation du 31 décembre 2012 ne comporte, hormis le montant de la taxe sur la valeur ajoutée à payer, aucune des mentions obligatoires prévues par les dispositions des 8°, 10° et 11° de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts. Contrairement à ce que soutient la SARL Eurochem-Pharmasolutions, c'est pour ce motif que le service a remis en cause le caractère déductible de cette taxe. Ainsi en se bornant à reprendre les moyens développés dans l'instance n° 20LY00477 tirés de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et du caractère inopérant du motif fondé sur le caractère excessif du prix, la société appelante n'établit pas qu'elle était la bénéficiaire des prestations pour lesquelles la facture de régularisation a été émise.
6. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la précédente vérification de comptabilité portant en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, le service avait remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible grevant les dépenses afférentes aux prestations réalisées par la SARL Laboratoires Salem France en 2013 à l'exception d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 71 376 euros se rapportant à des prestations non encore réglées. Il ressort des énonciations de la proposition de rectification du 29 juin 2016 que ces prestations ont été réglées au cours de l'exercice clos en 2014 et que l'administration a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces dépenses sur le fondement du 1° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts selon lequel le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est nul lorsque ce bien ou ce service est utilisé par l'assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à son entreprise. La SARL Eurochem-Pharmasolutions, qui se borne à reprendre les moyens développés dans l'instance n° 20LY00477, tirés de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et du caractère inopérant du motif fondé sur le caractère excessif du prix, sans préciser lesquels de ces moyens concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux prestations réalisées par la SARL Laboratoires Salem France en 2013 mais réglées en 2014, ne met pas la cour à même d'apprécier la portée de son argumentation sur ce point.
Sur les intérêts de retard :
7. Aux termes du I de l'article 1756 du code général des impôts : " I. - En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (...) dus à la date du jugement d'ouverture, sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1732 et des amendes mentionnées aux articles 1737 et 1740 A ainsi qu'aux 3° et 4° de l'article 1759-0 A ".
8. Il résulte des explications non contestées du ministre, corroborées par les pièces qu'il produit et en particulier, la copie du bordereau de situation fiscale de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, qu'à la suite d'un jugement du tribunal de commerce du 5 février 2020 plaçant cette société en redressement judiciaire, l'administration a, en application du I précité de l'article 1756 du code général des impôts, prononcé la remise des intérêts de retard appliqués au rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 pour un montant de 15 643 euros. Par suite, les conclusions de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, relatives à ces intérêts de retard sont devenues sans objet.
9. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve de la remise prononcée en cours d'instance, la SARL Eurochem-Pharmasolutions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de la SARL Eurochem-Pharmasolutions.
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 15 643 euros en ce qui concerne les intérêts de retard appliqués au rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Eurochem-Pharmasolutions.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Eurochem-Pharmasolutions est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Eurochem-Pharmasolutions et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 octobre 2021.
2
N° 20LY00479