Procédure devant la cour
I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 novembre 2020 et le 24 décembre 2020, sous le n° 20LY03428, M. D..., représenté par Me Gay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qui le concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 3 juillet 2020 refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en refusant le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Drôme a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a également méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et celle fixant le pays de destination devront être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
II°) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 novembre 2020 et le 24 décembre 2020, sous le n° 20LY03433, Mme C... A... épouse D..., représentée par Me Gay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en ce qui la concerne ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 3 juillet 2020 refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer son dossier ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en refusant le renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Drôme a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a également méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et celle fixant le pays de destination devront être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par des mémoires, enregistrés le 8 juillet 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet des requêtes.
Il soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants géorgiens nés respectivement en 1987 et 1991, sont entrés en France le 7 novembre 2017 accompagnés de leur enfant, souffrant d'un syndrome polymalformatif lié à une anomalie chromosomique et dont la naissance prématurée, le 16 septembre 2016, a entraîné des complications digestives et neurologiques. Après le rejet de leur demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 26 octobre 2018, ils ont sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, en faisant valoir l'état de santé de leur enfant. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé, dans un avis du 8 avril 2019, que l'état de santé de leur enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne peut y bénéficier d'un traitement approprié. La durée des soins ayant été estimée à douze mois, M.et Mme D... se sont vus délivrer chacun successivement deux autorisations provisoires de séjour d'une durée de six mois. Par deux arrêtés du 3 juillet 2020, le préfet de la Drôme, au vu du nouvel avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 3 juin 2020, a refusé à M. et Mme D... le renouvellement de leur autorisation provisoire de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les intéressés relèvent appel, chacun en ce qui le concerne, du jugement du 16 octobre 2020, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté, après les avoir jointes, leurs demandes dirigées contre ces décisions.
2. Les requêtes n° 20LY03428 et n° 20LY03433, présentées par M. et Mme D..., sont relatives à la situation de deux époux au regard de leur droit au séjour en France en qualité d'accompagnants de leur enfant malade. Elles sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Il en résulte que l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 311-12 précité ne peut être délivrée aux parents étrangers que si l'état de santé de leur enfant mineur nécessite, en application du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, " une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
4. Par un avis du 3 juin 2020, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé du fils de M. et Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, et peut voyager sans risque. Pour contester le refus de renouvellement de leur autorisation provisoire de séjour, pris par le préfet de la Drôme au vu de cet avis, M. et Mme D... soutiennent que leur enfant, né prématurément, souffre de graves problèmes digestifs et neurologiques ainsi que d'un syndrome polymalformatif lié à une anomalie chromosomique. Ils indiquent qu'il est alimenté au moyen d'une sonde nasogastrique, qu'il bénéficie en France d'un suivi régulier par une équipe médicale pluridisciplinaire mais qu'il n'existe aucun traitement curatif. Les appelants, qui ne produisent pas plus en appel qu'en première instance, de pièces de nature à établir qu'il n'existerait pas de prise en charge appropriée à l'état de santé de leur enfant, soutiennent que faute de moyens financiers, leur enfant ne pourra pas bénéficier d'un accès effectif à cette prise en charge. Toutefois, s'ils produisent à l'appui de leurs allégations, une attestation du ministère des déplacés internes des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales de Géorgie du 15 décembre 2020 précisant que " les programmes de soins de santé actuels de l'Etat ne prévoient pas de (...) remboursement des frais de traitement et de surveillance " concernant la " pathologie génétique - délétion du chromosome 2 étendu ", le devis qu'ils joignent à leur requête, faisant apparaître un coût journalier de prise en charge médicale de 1 000 US dollars, émane d'un hôpital situé en Turquie et non en Géorgie. Ils ne produisent pas non plus de pièce relative à leur situation financière de sorte qu'ils n'établissent pas que leur enfant ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Géorgie. Par ailleurs, si M. et Mme D... soutiennent que leur enfant, alimenté par voie artificielle, est sujet à des crises d'épilepsie et qu'il ne peut voyager sans risque jusqu'en Géorgie, ils ne produisent aucune pièce de nature à remettre en cause les décisions contestées du préfet de la Drôme, prises au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 3 juin 2020. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché ses décisions de refus de renouvellement des autorisations provisoires de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 auquel renvoie l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. et Mme D... font valoir qu'ils sont entrés en France depuis deux ans et demi à la date des décisions contestées, que M. D... exerce la profession de maçon en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 23 août 2019 tandis que son épouse s'occupe quotidiennement de leur enfant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les intéressés, entrés récemment en France à l'âge respectivement de trente et vingt-six ans, ne contestent pas disposer d'attaches personnelles et familiales dans leur pays d'origine et ce alors qu'ils ne font état d'aucune attache de cette nature en France. Dans ces conditions, eu égard aux buts en vue desquels elles ont été prises, les décisions portant refus de renouvellement des autorisations provisoires de séjour n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Le préfet de la Drôme n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle.
7. En dernier lieu, il résulte de l'examen de la légalité des refus de titre de séjour qui leur ont été opposés, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Leurs requêtes doivent donc être rejetées et ce, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes n° 20LY03428 et n° 20LY03433 de M. et Mme D... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme C... A... épouse D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre2021.
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N°s 20LY03428, 20LY03433
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