Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2020, M. A... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juin 2020 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande de réparation ;
2°) de condamner l'État à lui verser la somme 15 400 euros en réparation du préjudice subi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'illégalité de la décision du 8 janvier 2018 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- il a subi un préjudice matériel résultant de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé d'exercer une activité professionnelle entre le 8 juillet 2018 et le 25 juillet 2018 ;
- il a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, dès lors qu'il a été privé, durant cette période, de la stabilité nécessaire pour mener une vie privée et familiale normale ;
- les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral ont été insuffisamment évalués par le tribunal.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
Par une décision du 2 septembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. A... E....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme J..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., ressortissant comorien né le 9 mai 1983, est entré en France le 14 mars 2014 sous couvert d'un visa de long séjour l'autorisant à séjourner en France jusqu'au 25 février 2015, obtenu en qualité de conjoint d'une ressortissante française qu'il a épousée le 31 juillet 2013 aux Comores et qui est entrée avec lui en France en compagnie de leur enfant français né le 10 mai 2012. M. A... E... n'a pas sollicité de titre de séjour à l'expiration de son visa l'autorisant à séjourner en France. Par un arrêté du 27 mai 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône, constatant que la communauté de vie de M. A... E... avec son épouse avait cessé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 9 février 2017, M. A... E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 8 janvier 2018, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 15 mai 2018, confirmé par un arrêt de la cour administratif d'appel de Lyon du 15 janvier 2019 devenu définitif, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté au motif que le refus de délivrance de titre de séjour méconnaissait le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le 11 avril 2019, M. A... E... a sollicité la condamnation de l'État à lui verser une indemnité de 15 400 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de l'illégalité de ce refus de délivrance d'un titre de séjour. Le silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande a fait naître une décision implicite de rejet. M. A... E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 juin 2020 condamnant l'État à lui verser une indemnité de 1 500 euros en réparation des préjudices moral et des troubles dans les conditions d'existence en tant qu'il n'a pas fait entièrement fait droit à sa demande d'indemnisation.
En ce qui concerne le principe de responsabilité :
2. La décision du 8 janvier 2018 par laquelle le préfet du Rhône a refusé à M. A... E... de lui délivrer un titre de séjour a été annulée par un arrêt de la cour du 15 janvier 2019, devenu définitif, au motif qu'elle méconnaissait le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. L'illégalité de cette décision est, par suite, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à ouvrir droit à réparation si elle est à l'origine d'un préjudice direct et certain subi par l'intéressé.
En ce qui concerne la réparation :
S'agissant des préjudices économique et financier :
3. M. A... E... soutient que l'illégalité de cette décision lui a causé des préjudices économique et financier tenant à l'impossibilité dans laquelle il a été placé d'exercer une activité professionnelle rémunérée pendant la période comprise entre le 8 janvier 2018 et le 25 juillet 2018. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la date à laquelle le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, soit le 8 janvier 2018, M. A... E..., qui se maintenait irrégulièrement en France depuis qu'il avait fait l'objet, le 27 mai 2015, d'une obligation de quitter le territoire français, n'exerçait aucune activité professionnelle. Si le requérant fait valoir qu'il a exercé des missions en tant qu'ouvrier agro-alimentaire dès qu'un titre de séjour lui a été remis, soit à compter d'octobre 2018, cette circonstance est toutefois insuffisante, en particulier en l'absence de toute preuve d'une recherche d'emploi antérieure à cette date, pour établir une perte de chance sérieuse d'obtenir un emploi du fait de l'illégalité de la décision du 8 janvier 2018. Dans ces conditions, M. A... E... n'établit pas que l'illégalité de cette décision serait directement à l'origine pour lui des préjudices économiques et financiers qu'il invoque.
S'agissant des préjudices moraux et des troubles dans les conditions d'existence :
4. Il résulte de l'instruction que M. A... E... était en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 25 février 2015, date de l'échéance du visa de long séjour l'autorisant à se maintenir en France, soit depuis près de deux ans à la date de sa demande de titre de séjour du 9 février 2017. Il a été illégalement privé d'un titre de séjour pendant la période comprise entre la décision du 8 janvier 2018 et le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2018, soit quatre mois. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. A... E... en l'évaluant à la somme de 1 500 euros.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 1 500 euros. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
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N° 20LY01794
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