Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 24 juillet 2018 et le 14 février 2019, M. et Mme G..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 juin 2018 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme G... soutiennent que :
- l'administration a formellement pris position sur le prix d'acquisition des titres de la société Abcia, lequel est à l'origine du prix d'acquisition des titres de la société Fica en litige, dans une proposition de rectification adressée le 2 avril 2007 à M. F..., dans laquelle elle a validé un prix de revient unitaire des titres de la société Abcia de 10,93 euros ; cette prise de position formelle lui est opposable sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- en conséquence, le montant de la plus-value réalisée lors de la cession des titres de la société Fica à la société Cafi le 26 décembre 2011 se limite au montant initialement déclaré de 2 770 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- le prix d'acquisition des titres de la société Fica, déterminé en recherchant la valeur d'origine de ces titres après la réalisation de différentes opérations intercalaires, est égal au prix d'acquisition des titres de la société FDB, majoré des différents apports en numéraire effectués lors de la réalisation de ces différentes opérations intercalaires, soit 0,00598 euros ;
- en conséquence, la plus-value déclarée doit être majorée de la somme de 424 241 euros ;
- les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une prise de position formelle sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dès lors, d'une part, que les titres ayant fait l'objet de la cession en litige sont d'une nature différente de ceux qui ont fait l'objet de la cession examinée par l'administration en 2007, et, d'autre part, que l'origine de la détention de ces titres est différente.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C..., présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme G... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme G... ont déclaré, au titre de l'année 2011, une plus-value de cession de valeurs mobilières d'un montant de 2 770 000 euros résultant de la cession, le 26 décembre 2011, au prix de 3 200 000 euros, de 963 077 titres de la société Fica dont la valeur d'acquisition avait été déterminée par eux à 430 000 euros. L'administration fiscale a procédé en 2014 à un contrôle sur pièces de cette déclaration, à l'issue duquel elle a considéré que le prix d'acquisition des titres de la société Fica devait être ramené de 430 000 euros à 5 759 euros, portant ainsi le montant de la plus-value réalisée par M. et Mme G... à 3 194 241 euros. L'administration a, en conséquence, réintégré la somme de 424 241 euros dans le revenu imposable des contribuables et les a assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011 ainsi qu'à des majorations. M. et Mme G... relèvent appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa version alors applicable : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ".
3. Il résulte de ces dispositions que le prix effectif d'acquisition, pour le calcul de la plus-value de cession, doit s'entendre du montant de l'ensemble des contreparties effectivement mises à la charge de l'acquéreur à raison de l'acquisition, quelles que soient les modalités selon lesquelles il s'acquitte de ces obligations.
4. Il résulte de l'instruction que M. G... a constitué, le 18 juillet 2001, la société FDB, dont il était l'associé unique. Lors de cette opération, M. G... a effectué un apport en capital de 8 000 euros. La société FDB a été absorbée par la société Abcia le 31 juillet 2004. En contrepartie de cette opération, M. G... a reçu 641 115 actions de la société Abcia. Le 9 août 2004, a été créé la société Parfigest. M. G... a effectué un apport en numéraire de 19 000 euros lors de la constitution de cette société. Le 24 septembre 2004, M. G... a cédé 458 362 actions de la société Abcia à la société Parfigest. Il a également fait l'apport de 131 390 actions de la société Abcia à la société Parfigest. La plus-value réalisée lors de cette dernière opération a été placée sous le régime du sursis d'imposition. Le 17 mai 2004 a été créé la société Fica. M. G... a effectué un apport en numéraire d'un euro lors de la constitution de cette société. Le 2 novembre 2004, M. G... a fait l'apport de la totalité des actions des sociétés Abcia et Parfigest qu'il détenait à la société Fica. La plus-value réalisée à l'occasion de cette opération a également été placée sous le régime du sursis d'imposition. Le 21 novembre 2011, M. G... a fait l'apport de 2 649 007 actions de la société Fica à la société Cafi, dont il est le gérant. Il a également cédé 963 077 actions de la société Fica à la société Cafi. L'administration a considéré que la plus-value déclarée par M. G... à raison de cette dernière opération avait été sous-évaluée. Elle a relevé que le prix d'acquisition des 4 515 110 titres de la société Fica, qui était constitué par la somme des différents apports en numéraire effectués par M. G... lors de la création des sociétés FDB, soit 8 000 euros, Parfingest, soit 19 000 euros et Fica, soit un euro, se limitait à la somme de 27 001 euros, et qu'en conséquence, le prix d'acquisition des 963 077 titres de la société Fica lors de l'opération en litige devait être évalué à 5 759 euros. Si les requérants font valoir que le prix unitaire des titres Abcia pouvait être fixé à 10,93 euros, ils ne justifient pas des modalités de calcul de ce prix en se bornant à se référer à la proposition de rectification adressée par l'administration le 2 avril 2007 à M. F..., co-associé de M. G..., sans établir la similitude des opérations réalisées par les deux associés. Dans ces conditions, M. et Mme G... n'établissent pas l'existence de contreparties supplémentaires qui auraient été mises à leur charge à raison de l'acquisition des titres en litige. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions précitées des articles 150-0 A et 150-0 D du code général des impôts que l'administration a fixé le montant total de la plus-value réalisée lors de la cession des titres en litige à la somme de 3 194 241 euros.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " et aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou ont participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation, sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
6. M. et Mme G... soutiennent, en invoquant les dispositions du 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, que l'administration a formellement pris position sur la valeur des titres en litige dans la proposition de rectification, datée du 2 avril 2007, adressée à M. F..., coassocié de M. G.... Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration s'est bornée à examiner, dans cette proposition de rectification, le prix d'acquisition des titres de la société Abcia pour la détermination de la plus-value réalisée par un contribuable distinct, M. F..., lors de la cession effectuée par ce dernier le 29 septembre 2004 de titres de la société Abcia lui appartenant, opération à laquelle M. G... n'était pas partie. En outre, les titres cédés lors de la cession opérée par M. G... en 2011, soit quatre années après la notification de cette proposition de rectification, sont des titres d'une société distincte de la société Abcia, à savoir des titres de la société Fica. Enfin, et en tout état de cause, la valeur des titres de la société Abcia n'entre que partiellement en compte pour le calcul du prix d'acquisition des titres de la société Fica, lequel, comme indiqué précédemment, fait intervenir d'autres opérations. Il s'ensuit que M. et Mme G... ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position de l'administration fiscale résultant de la proposition de rectification du 2 avril 2007.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme G... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme G... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... G... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme C..., présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.
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N° 18LY02898
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