Par une seconde demande, la Sarl Albaron Développement a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de Barberaz a refusé de lui délivrer un permis de construire neuf logements ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1605944-1802028 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a joint ces deux demandes et a annulé ces deux arrêtés ainsi que les décisions implicites rejetant le recours gracieux de la société pétitionnaire contre chacun des deux arrêtés.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 14 décembre 2018 et le 12 août 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Barberaz, représentée par la Sarl ASEA Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 octobre 2018 et de rejeter l'intégralité des demandes de la société Albaron Développement ;
2°) de mettre à la charge de la société Albaron Développement les entiers dépens et, dans le dernier état de ses écritures, la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté du 18 mai 2016 :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé, en retenant la date de retrait effectif du pli, au lieu de la date de première présentation du pli, que la société pétitionnaire a été privée d'un délai pour produire ses observations sur le courrier du maire du 10 mai 2016 l'informant que son permis de construire tacitement obtenu allait lui être retiré ; en tout état de cause, la société n'a pas été privée d'une garantie puisqu'elle connaissait les motifs du retrait eu égard à l'opposition manifestée à son projet suite à deux décisions de sursis à statuer précédentes et qu'elle n'a pas produit d'observations ;
- la société pétitionnaire n'est pas fondée à exciper de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le zonage approuvé le 26 novembre 2015, qui classe la parcelle d'assiette du projet en zone naturelle protégée (Np) dès lors que ce classement vise, conformément aux objectifs du projet d' aménagement et de développement durable (PADD) à préserver les espaces naturels au sein du territoire de la commune, notamment ceux qui sont vierges de toute construction au sein des espaces déjà urbanisés et à préserver deux bâtiments proches, identifiés par les documents graphiques comme une particularité architecturale et patrimoniale devant être protégée au sens de l'article L. 123-1-5 III 2° du code de l'urbanisme ;
En ce qui concerne l'arrêté du 2 octobre 2017 :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que, pour refuser le permis de construire sollicité par la société intimée, après confirmation de sa demande dans le cadre de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le maire ne pouvait régulièrement fonder son arrêté sur les dispositions réglementaires du plan local d'urbanisme (PLU) adopté le 17 décembre 2007 alors que le PLU adopté par délibération du 15 octobre 2012 était à nouveau en vigueur à la date de la décision litigieuse suite à l'annulation par un arrêt du 16 juin 2015 de la cour administrative d'appel de Lyon du jugement du 4 novembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble lequel avait annulé totalement la délibération du 15 octobre 2012 portant approbation du PLU ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juillet 2019, la Sarl Albaron Développement, représentée par la Selarl CDMF-Avocats-Affaires-Publiques, conclut au rejet de la requête et de mettre à la charge de la commune la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2019 par une ordonnance du même jour, prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C..., première conseillère,
- les conclusions de Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la commune de Barberaz, ainsi que celles de Me A... pour la Sarl Albaron développement ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Barberaz relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé d'une part, l'arrêté du 18 mai 2016 du maire de la commune retirant un permis de construire tacitement obtenu le 24 février 2016 par la société Albaron Développement, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux de la société pétitionnaire contre cet arrêté et, d'autre part, l'arrêté du 2 octobre 2017 de la même autorité refusant la délivrance d'un permis de construire à la société Albaron Développement, ensemble la décision implicite rejetant le recours gracieux de cette société contre cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté du 18 mai 2016 :
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Barberaz du 18 mai 2016 décidant de retirer le permis de construire dont bénéficiait la société intimée, les premiers juges ont retenu comme fondé le moyen selon lequel, la commune a méconnu le caractère contradictoire de la procédure faute de laisser un délai suffisant à la société pétitionnaire pour formuler ses observations et ont fait droit à l'exception d'illégalité du classement de la parcelle en zone naturelle paysagère dite " Np " soulevée par le pétitionnaire.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faire des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considérations de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ".
4. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration constitue une garantie pour le titulaire du permis que l'autorité administrative entend rapporter. Eu égard à la nature et aux effets d'un tel retrait, le délai de trois mois pour procéder au retrait, prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, oblige l'autorité administrative à mettre en oeuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie. Lorsque le titulaire du permis est informé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception de ce que le retrait du permis est envisagé et qu'il retire le pli dans le délai de quinze jours, prévu par l'article R.1.1.6 du code des postes et des communications électroniques, le juge doit apprécier si le délai d'observation dont bénéficie le titulaire est suffisant en faisant partir ce délai de la date de retrait du pli et non de sa date de présentation.
5. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du 10 mai 2016, par lequel le maire de Barberaz informait la société Albaron Développement du motif pour lequel elle envisageait de retirer le permis de construire tacitement accordé le 24 février 2016, et lui indiquait qu'elle disposait d'un délai de six jours, à compter de la présentation de ce courrier pour formuler des observations, a été présenté pour la première fois à la société intimée le 12 mai 2016. Il n'est pas contesté qu'elle l'a retiré auprès des services postaux le 21 mai suivant, dans le délai de 15 jours prévu par l'article R. 1-1-6 du code des postes et communications électronique. Or par un arrêté du 18 mai 2016 le maire de Barberaz décidait de retirer ce permis de construire. Dans ces conditions, l'absence de délai laissé à la société bénéficiaire du permis de construire pour recueillir ses observations a privé la société intimée d'une garantie et a vicié la décision litigieuse. La circonstance, à la supposée établie, que la société bénéficiaire du permis de construire tacite avait pu avoir connaissance de l'opposition de la commune à son projet et que la société pétitionnaire n'a pas produit d'observations, sont sans effet sur le vice ainsi relevé. Par suite, la commune de Barberaz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions précitées au point 3.
6. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-8 alors applicable du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / (...) c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. ".
7. La requérante conteste l'erreur manifeste d'appréciation retenue par les premiers juges entachant le classement en zone Np des parcelles d'implantation du projet. Toutefois elle n'apporte aucun élément en appel de nature à remettre en cause la position du tribunal selon laquelle, en se bornant à faire état de l'existence d'une construction repérée au titre du 7° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, la commune n'établit pas en quoi ce bâtiment présente une particularité architecturale ou patrimoniale devant être protégée par une constructibilité limitée des lieux avoisinants, alors qu'il ressort des pièces du dossier que les parcelles d'assiette du projet sont séparées de ce bâtiment repéré par un mur et une route et que ces parcelles bien qu'à l'état naturel, sont situées à la charnière de vastes zones urbanisées classées Ub et Ua dans lesquelles des opérations de constructions neuves sont programmées. Dans ces conditions, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'exception de l'illégalité du classement en zone Np des parcelles d'assiette du projet.
En ce qui concerne l'arrêté du 2 octobre 2017 :
8. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Barberaz du 2 octobre 2017 refusant le permis de construire à la société intimée, les premiers juges ont retenu les moyens selon lesquels d'une part, pour statuer à nouveau sur la demande de permis dont il était saisi en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le maire s'est fondé à tort d'une part sur les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols (POS) dans sa version de 2007 et d'autre part, sur l'absence de risques que présenterait le projet au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
9. En premier lieu, en vertu de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision de sursis à statuer sur une demande de permis de construire, prise sur le fondement de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, doit être regardée comme un refus au sens de l'article L. 600-2 de ce code. Il s'ensuit qu'une demande d'autorisation de construire, qui a été confirmée par l'intéressé dans les six mois suivant la notification de l'annulation d'une décision de sursis à statuer sur celle-ci, doit être instruite au regard des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date du sursis à statuer annulé.
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 26 novembre 2014, par laquelle le maire de Barberaz a décidé de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire présentée par la société Albaron Développement, a été annulée par jugement du 18 avril 2017 du tribunal administratif de Grenoble, qui est devenu définitif. A la suite de la confirmation de sa demande de permis de construire par la société pétitionnaire le 26 juillet 2017, la commune de Barberaz était tenue, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, de statuer dans un délai de deux moins en appliquant le règlement du PLU en vigueur à la date de la décision de sursis à statuer du 26 novembre 2014. Or, si la délibération du 15 octobre 2012 adoptant le PLU de Barberaz a fait l'objet d'une annulation par le tribunal administratif de Grenoble par jugement du 4 novembre 2014, elle a été rétroactivement remise en vigueur sauf en ce qu'elle concerne l'emplacement réservé n° 6, dès le 16 juin 2015 à la suite de l'annulation partielle par la cour administrative d'appel de Lyon de ce jugement. Dans ces conditions, et alors qu'il connaissait nécessairement la portée rétroactive de cette décision de la Cour, le maire de Barberaz ne pouvait écarter le règlement du PLU adopté le 15 octobre 2012 au profit de celui de 2007 lorsqu'il a statué sur la demande de la société à la date du 2 octobre 2017. Dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées au point 9.
11. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
12. Il ressort des pièces du dossier que le projet de la société Albaron Développement porte sur la réalisation de neuf logements et que, selon le plan de masse joint à la demande, le raccordement réseaux d'incendie s'effectuera à la borne PEI n° 47. Alors que la commune de Barberaz n'a pas sollicité l'avis du service départemental d'incendie et de secours sur le projet, elle n'établit pas l'absence de possibilité d'assurer une défense incendie satisfaisante des constructions projetées, par la seule production, nouvelle en appel, d'une fiche " point d'eau " laquelle indique, selon des mesures de débit datées de 2011 que cette borne serait " en service " mais " non conforme ". Dans ces conditions, le motif du refus opposé à la société intimée ne peut ainsi, eu égard à ce qui précède, être tenu pour établi.
13. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Barberaz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés du 18 mai 2016 et du 2 octobre 2017.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Barberaz demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la société Albaron Développement, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Barberaz le versement d'une somme de 2 000 euros à la société Albaron Développement, au titre des frais qu'elle a exposés.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Barberaz est rejetée.
Article 2 : La commune de Barberaz versera la somme de 2 000 euros à la Sarl Albaron Développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Barberaz et à la société Albaron Développement.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme E... F..., présidente de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme D... C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.
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N° 18LY04489
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