Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 13 mars 2020, M. B..., représenté par Me Gay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Drôme du 7 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le signataire de l'arrêté attaqué ne disposait pas d'une délégation régulière ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et compte tenu des revenus de son épouse, sa situation ne relève pas de la procédure de regroupement familial ; le refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des décisions sur lesquelles elles se fondent.
Par un mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Lesieux, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien né en 1986, est entré en France le 21 septembre 2015 pour y poursuivre ses études. Par un arrêté du 7 octobre 2019, le préfet de la Drôme a rejeté sa demande de changement de statut, présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 14 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, par un arrêté du 9 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Drôme a donné délégation permanente de signature à M. Vieillescazes, secrétaire général, à l'effet de signer, au nom du préfet, tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions litigieuses. Contrairement à ce que soutient M. B..., la portée de cette délégation ne la rend pas irrégulière. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7°.A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Selon l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " Aux termes de l'article L. 411-5 de ce code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui remplit les conditions pour bénéficier du droit au regroupement familial ne peut se voir délivrer la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a épousé, le 6 avril 2019, une compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2023. En vertu des dispositions de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il entre dans une catégorie qui ouvre droit au regroupement familial. Compte tenu de ce que le préfet, lorsqu'il statue sur une demande de regroupement familial n'est pas tenu par les dispositions de l'article L. 411-5 du même code de la rejeter dans le cas où le demandeur ne justifie pas de ressources suffisantes, la circonstance qu'eu égard aux faibles ressources de sa conjointe, la demande de regroupement familial qu'il pourrait présenter serait rejetée, est sans incidence sur son appartenance à cette catégorie. Il en résulte que le préfet de la Drôme pouvait légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que sa situation relève de la procédure de regroupement familial.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 21 septembre 2015, à l'âge de vingt-neuf ans, sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant ", renouvelé à deux reprises jusqu'au 31 octobre 2018. Après l'obtention du diplôme de Master " sciences, technologies, santé " en 2017, le préfet de la Drôme lui a délivré une autorisation provisoire de séjour, prolongée par un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi - création d'entreprise ". Marié le 6 avril 2019 à une compatriote, l'intéressé a sollicité un changement de statut en faisant valoir sa vie privée et familiale en France. Toutefois, eu égard à ses conditions de séjour en France, et au caractère récent de son mariage, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et ce, même si M. B... a fait des efforts d'intégration en France notamment par le travail.
7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité des décisions sur lesquelles elles se fondent ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2021.
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N° 20LY01051