Par une requête enregistrée le 2 octobre 2020, Mme G..., représentée par Me Robin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 14 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins " étudiant " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme G... soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée compte tenu de son caractère stéréotypé ;
- elle est également entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les faits de vol en réunion et de fraude dans un examen ou concours public dont le préfet fait état dans sa décision ne sont pas établis ;
- sa mise en examen de ces chefs ne peut fonder la décision litigieuse eu égard à la présomption d'innocence ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titres de séjour ;
- Elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision lui octroyant un délai de trente jours seulement pour quitter le territoire français est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, première conseillère,
- et les observations de Me Robin, représentant Mme G... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... G..., de nationalité ukrainienne, est, selon ses déclarations, entrée sur le territoire national le 1er juillet 2014, où elle a rejoint ses parents, eux-mêmes arrivés en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2011. Les demandes d'asile de ses parents ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmées par la Cour nationale du droit d'asile, fin 2011 pour Mme G... et fin 2012 pour M. F.... Ce dernier s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, valable une année, à compter du 2 janvier 2012. Les parents de la requérante ont ensuite fait l'objet de deux décisions de refus de titre de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français, en date du 6 septembre 2013, confirmées par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 2 juillet 2014. Leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 octobre 2015, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 11 octobre 2016. En dernier lieu, le 18 mai 2017, M. F... et Mme G... ont présenté des demandes de titres de séjour en leur nom et au nom de leur fille, Anna, alors encore mineure, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code. Par trois arrêtés du 14 juin 2019, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à chacun des demandeurs, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office. Mme A... G... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté pris à son encontre.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
En ce qui concerne la régularité externe de la décision :
2. La décision portant refus de titre de séjour mentionne la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment les articles L. 313-11, 7°, L. 313-14, L. 511-1, I, 3° et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle rappelle également, de façon non stéréotypée, les circonstances relatives à la situation personnelle de la requérante en faisant état des éléments déterminants de son séjour en France et de l'existence d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. La décision mentionne, même succinctement, que Mme G... était inscrite en première année d'étude supérieure mais qu'elle a fait l'objet d'une mise en examen notamment pour fraude dans un examen. Elle prend donc ainsi en compte le parcours scolaire qu'elle faisait valoir à l'appui de sa demande. La décision en litige comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors aux exigences de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré du défaut de motivation doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, et dès lors que le préfet s'est bien prononcé au regard des fondements sur lesquels reposaient les demandes de titre de séjour des requérants, le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation des requérants doit être également écarté.
En ce qui concerne la régularité interne de la décision :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. Mme G... fait valoir la durée de son séjour en France, l'existence d'attaches privées et amicales sur le territoire national, et sa scolarité réussie, notamment son inscription en 1ère année d'études supérieures. Toutefois la requérante a passé l'essentiel de sa vie en Ukraine et ses parents, qui ont fait l'objet de décisions successives de rejet de leurs demandes d'asiles puis de leurs demandes de titre de séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français, avaient fait l'objet d'un nouveau refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français à la date de la décision litigieuse. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme G... aurait créé en France des liens privés d'une intensité particulière. Si elle fait valoir le sérieux avec lequel elle a suivi et achevé l'enseignement du second degré et son inscription en première année d'études supérieures, il ressort des pièces du dossier qu'elle faisait l'objet d'une mise en examen pour vol en réunion et fraude à un examen à la date de l'arrêté, ce qui ne traduit pas une insertion particulièrement bonne dans la société française. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale qu'elle forme avec ses parents se reconstitue en Ukraine. Ainsi, alors même que qu'elle serait présente depuis cinq années sur le territoire français et y aurait été scolarisée, la décision de refus de titre de séjour litigieuse ne méconnaît pas, eu égard aux conditions de son séjour en France, le 7° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
6. Les circonstances que Mme G... serait présente sur le territoire français depuis plus de cinq ans et qu'elle justifierait d'une scolarité réussie en France, ne sauraient à elles seules constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions susmentionnées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient Mme G..., le préfet pouvait, sans erreur de droit, faire état dans sa décision de ce qu'elle avait fait l'objet d'une mise en examen pour vol en réunion et fraude dans un examen ou un concours public pour apprécier sa réussite dans son parcours scolaire et ainsi sa bonne intégration dans la société française.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant à trente jours le délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour doit être écarté.
9. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 4.
10. Enfin, si la requérante fait état de ce que le préfet du Rhône devait lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours au regard des liens privés intenses qu'elle entretient en France, cette seule circonstance ne saurait suffire à prolonger le délai de départ volontaire qui n'a pour objet que de permettre l'organisation de son départ et non de lui octroyer un droit au séjour provisoire.
Sur la décision fixant le pays de destination :
11. En l'absence d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de ces décisions et soulevé par la voie de l'exception, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
12. Mme G... se borne à soutenir qu'étant russophone, elle est exposée à des risques en cas de retour en Ukraine. Toutefois de tels risques ne ressortent pas des pièces du dossier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Vinet, première conseillère.
Rendu public par mise au disposition au greffe le 25 février 2021.
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N° 20LY02865