Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2020, Mme E... épouse F..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 septembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet du Cantal l'a assignée à résidence pour une durée de six mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que sa situation ne relève pas de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle n'avait pas sollicité son assignation à résidence ;
- l'obligation qui lui est faite de se présenter trois fois par semaine au commissariat d'Aurillac est disproportionnée.
Par un mémoire, enregistré le 20 août 2020, le préfet du Cantal indique que la protection subsidiaire a été accordée à Mme E... épouse F... le 20 novembre 2019 et qu'en conséquence son assignation à résidence n'a pas été renouvelée.
Mme E... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... épouse F..., ressortissante togolaise née le 9 mars 1974, est entrée régulièrement en France le 17 juin 2017 sous couvert d'un visa de long séjour en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français, M. F..., qu'elle a épousé au Togo le 11 janvier 2003. Par un arrêté du 5 juillet 2018, dont la légalité a été confirmée par la cour le 3 juin 2019, le préfet du Cantal a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 6 février 2019, le préfet du Cantal l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours sur le fondement de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 8 mars 2019, Mme F... a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Par un arrêté du 21 mars 2019, le préfet du Cantal l'a assignée à résidence pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois, à compter du 24 mars 2019 à 15 heures. Enfin, par un arrêté du 20 septembre 2019, le préfet du Cantal l'a de nouveau assignée à résidence pour une durée de six mois, à compter du 24 septembre 2019 à 15 heures, sur le fondement du I de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme F... relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré (...). La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée. ".
3. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté attaqué du 20 septembre 2019, que, pour prononcer à l'encontre de Mme F..., sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une assignation à résidence d'une durée de six mois, le préfet du Cantal a relevé que, compte tenu de la demande d'asile présentée par l'intéressée le 8 mars 2019, cette dernière se trouvait dans l'impossibilité de quitter le territoire français avant qu'il ne soit statué définitivement sur sa demande. Toutefois, la seule circonstance que la requérante ait sollicité la reconnaissance du statut de réfugié ne saurait être regardée comme la mettant dans l'impossibilité de quitter le territoire français. Dans ces conditions, en se fondant sur ce motif pour prononcer l'assignation à résidence de la requérante, le préfet du Cantal a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués et sur la régularité du jugement attaqué, Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais de l'instance :
4. Mme F... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me B..., avocat de Mme F..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au profit de cet avocat au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Cantal du 20 septembre 2019 et le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 26 septembre 2019 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me B... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal et au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Aurillac en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme C..., présidente-assesseure,
Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 20LY00185
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