Par un arrêt n° 17LY00399 du 20 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'article 1er de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises établies au titre des années 2011 et 2012 (article 1), rétabli la société dans les rôles de la commune de Villeneuve-d'Ascq à raison des cotisations de cotisation foncière des entreprises établies au titre des années 2011 et 2012 (article 2) et rejeté le surplus des conclusions du ministre (article 3).
Par une décision n° 420760 du 13 février 2020, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé l'article 3 de cet arrêt et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.
Procédure devant la cour
Par courrier du 18 février 2020, les parties ont été informées de la reprise d'instance devant la cour à la suite de la décision rendue par le Conseil d'Etat.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme D..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Babou exerce une activité de distribution dans des magasins dont elle confie la gérance à des entreprises indépendantes. Pour son imposition à la taxe professionnelle au titre des années 2002 à 2005, l'administration fiscale avait estimé que les locaux commerciaux au moyen desquels cette activité était exercée restaient à sa disposition pour l'exercice de son activité professionnelle. En application de l'article 1467 du code général des impôts, elle avait, dès lors, intégré leur valeur locative dans les bases d'imposition de cette société. Par des arrêts du 23 décembre 2010 devenus définitifs, la cour administrative d'appel de Lyon a cependant infirmé cette analyse au motif que les locaux étaient sous le contrôle des mandataires auxquels la société Babou en confiait l'exploitation. L'administration fiscale a alors intégré la valeur locative des magasins de la société Babou dans la base imposable à la taxe professionnelle ou à la cotisation foncière des entreprises de chacun des exploitants. La SARL Tendero Diffusion, qui exploitait un fonds de commerce de vente au détail de produits d'équipement du foyer et de la personne sur le territoire de la commune de Villeneuve-d'Ascq en vertu de conventions de gérance-mandat conclues avec la société Babou, s'est ainsi vue notifier des rehaussements de sa base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises pour les années 2010, 2011 et 2012. Par un jugement du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, faisant droit à la demande de la SARL Tendero Diffusion, a prononcé la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujetti au titre de ces trois années. Par un arrêt du 20 mars 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'article 1er de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises établies au titre des années 2011 et 2012, rétabli la SARL Tendero Diffusion dans les rôles de la commune de Villeneuve-d'Ascq à raison des cotisations de cotisation foncière des entreprises de ces deux années et rejeté, par son article 3, le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'action et des comptes publics qui portaient sur la cotisation supplémentaire de cotisation des entreprises établie au titre de l'année 2010 et les frais mis à la charge de l'Etat devant le tribunal sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une décision du 13 février 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'article 3 de cet arrêt et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon.
Sur le motif de décharge retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.
3. Les 20 décembre 2005 et 30 mai 2007, l'administration a adressé à la société Babou des courriers lui indiquant qu'elle avait, au sens et pour l'application de l'article 1467 du code général des impôts, la disposition, pour l'exercice de son activité professionnelle, des locaux commerciaux dont elle confiait la gestion à des tiers et que leur valeur locative entrait, en conséquence, dans l'assiette de son imposition à la taxe professionnelle au titre des années 2002 à 2003. Le 23 janvier 2009, statuant sur la réclamation de la société Babou dirigée contre son imposition à la taxe professionnelle dans les rôles de la commune de Villeneuve-d'Ascq pour l'année 2008, l'administration a réitéré cette appréciation pour cette imposition.
4. Dès lors que la valeur locative de ces locaux ne pouvait être prise en compte, pour l'imposition à la taxe professionnelle, devenue cotisation foncière des entreprises, que dans l'assiette soit de la société Babou, soit de son cocontractant auquel elle en avait confié la gérance, ces courriers, en l'absence d'un changement de circonstance de fait ou de droit, étaient susceptibles de constituer une prise de position dont les contribuables pouvaient se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. Toutefois, cette prise de position ne concernait que la société Babou, à laquelle les courriers étaient adressés, ainsi que les entreprises titulaires des contrats de gérance-mandat pour l'exploitation d'un magasin de la société Babou qui avaient fait l'objet de l'analyse de l'administration menée pour les impositions des années 2002 à 2005 et qui étaient notamment identifiées en annexe du courrier du 30 mai 2007, puis celles qui avaient fait l'objet de l'analyse de l'administration menée pour les impositions de l'année 2008 dans les rôles de la commune de Villeneuve-d'Ascq.
5. Or, le premier contrat par lequel la société Babou a confié la gérance du magasin de Villeneuve-d'Ascq à la société Tendero Diffusion n'a été signé, respectivement par les parties, que les 1er et 10 juin 2009, avec une prise d'effet au 1er juin 2009. La SARL Tendero Diffusion ne faisait ainsi pas partie des entreprises titulaires des contrats de gérance-mandat pour l'exploitation du magasin de la société Babou situé à Villeneuve-d'Ascq qui avaient fait l'objet de l'analyse de l'administration menée pour les impositions des années 2002 à 2005 puis 2008. Si la SARL Tendero Diffusion avait conclu le 1er avril 2004 avec la société Babou un contrat pour l'exploitation d'un autre établissement, situé à Maizières-les-Metz (57), la circonstance que ce contrat ait été similaire à celui de l'établissement de Villeneuve-d'Ascq, ne permettait pas à la SARL Tendero Diffusion de se prévaloir, pour le magasin de Villeneuve-d'Ascq, d'une prise de position formelle de l'administration. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, au motif que ces différentes prises de position étaient opposables à l'administration fiscale, prononcé la décharge du complément de cotisation foncière des entreprises auquel la SARL Tendero Diffusion a été assujettie au titre de l'année 2010.
6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Tendero Diffusion devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur les autres moyens :
7. D'une part, aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, repris à l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ". Aux termes de l'article 1640 B du code général des impôts, issu de la même loi, dans sa version applicable à l'année 2010 : " I. Pour le calcul des impositions à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre votent un taux relais, dans les conditions et limites prévues pour le taux de la taxe professionnelle par le présent code dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2009, à l'exception du 4 du I de l'article 1636 B sexies. / Les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'Etat. Elles sont calculées en faisant application des délibérations relatives aux exonérations et abattements prévues au I du 5. 3. 2 de l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et en appliquant les taux communaux et intercommunaux de référence définis aux 1 à 6 du I de l'article 1640 C. / L'Etat perçoit 3 % du montant des impositions de cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010. Ces sommes sont ajoutées au montant de ces impositions. / II. 1. a) Par dérogation aux dispositions des articles L. 2331-3, L. 3332-1, L. 4331-2, L. 5214-23, L. 5215-32, L. 5216-8 et L. 5334-4 du code général des collectivités territoriales et des articles 1379, 1586, 1599 bis, 1609 bis, 1609 quinquies C, 1609 nonies B et 1609 nonies C du présent code, les collectivités territoriales, à l'exception de la région Ile-de-France, et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre reçoivent au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais. / Le montant de cette compensation relais est, pour chaque collectivité ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, égal au plus élevé des deux montants suivants : - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait pour cette collectivité territoriale ou cet établissement public de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009. Toutefois, pour le calcul de ce produit, d'une part, il est fait application des délibérations applicables en 2009 relatives aux bases de taxe professionnelle, d'autre part, le taux retenu est le taux de taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public pour les impositions au titre de l'année 2009 dans la limite du taux voté pour les impositions au titre de l'année 2008 majoré de 1 % ; / - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009 ".
8. D'autre part, aux termes du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable " en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales (...) ".
9. Il résulte des dispositions citées au point 7 que la cotisation foncière des entreprises a été instaurée à compter du 1er janvier 2010 en remplacement de la taxe professionnelle par l'article 2 de la loi de finances pour 2010 dont les dispositions sont insérées au chapitre I " Impôts directs et taxes assimilées " du titre I " Impositions communales " de la deuxième partie du code général des impôts, consacrée aux " Impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes ". Cette cotisation constitue l'une des deux composantes de la contribution économique territoriale. Si, pour l'année de sa mise en place, il a été prévu qu'elle serait affectée au budget général de l'Etat, cette affectation constitue le premier volet d'un dispositif dont le second volet consiste en la redistribution du produit de la cotisation foncière des entreprises aux collectivités territoriales et leurs groupements, afin de maintenir au même niveau les ressources qu'ils tiraient l'année précédente de la perception de la taxe professionnelle, au moyen d'une " compensation relais " calculée sur la base du produit de la taxe professionnelle perçu en 2009 ou du produit qui résulterait, au titre de l'année 2010, de l'application des dispositions en vigueur au 31 décembre 2009 en retenant le taux de 2009, dans la limite du taux appliqué en 2008 majoré de 1 %. Il suit de là que les dispositions de l'article 1640 B du code général des impôts ne sauraient être interprétées comme ayant donné à cette imposition, du seul fait de l'affectation du produit de la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 au budget de l'Etat, le caractère d'une imposition d'Etat à laquelle la procédure contradictoire serait, en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales citées au point 8, applicable.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la décharge du complément de cotisation foncière des entreprises auquel la SARL Tendero Diffusion a été assujettie au titre de l'année 2010 et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Clermont Ferrand du 22 novembre 2016, en tant qu'il prononce la décharge du complément de cotisation foncière des entreprises auquel la SARL Tendero Diffusion a été assujettie au titre de l'année 2010, et l'article 2 de ce même jugement sont annulés.
Article 2 : La SARL Tendero Diffusion est rétablie dans le rôle de la commune de Villeneuve-d'Ascq à raison du complément de cotisation foncière des entreprises auquel elle a été assujettie au titre de l'année 2010.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la SARL Tendero Diffusion.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme B..., présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 20LY00631
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