Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021, Mme D..., représentée par Me Cans, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2018 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision méconnaît l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Caraës ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante ivoirienne née le 5 juillet 1992, est entrée en France le 16 février 2013 selon ses déclarations. Le 17 octobre 2017, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 23 juin 2018, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement du 5 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " (...) une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11 (...), sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation (...) / L'autorisation provisoire de séjour (...), qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Il en résulte que l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 311-12 précité ne peut être délivrée aux parents étrangers que si l'état de santé de leur enfant mineur nécessite, en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, " une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
3. Mme D... fait valoir que l'état de santé de son fils B..., né le 3 août 2013, nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'aucun traitement n'est disponible au Cameroun.
4. Par un avis du 7 mars 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de l'enfant de Mme D... nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester le refus d'autorisation provisoire de séjour pris par le préfet de l'Isère au vu de cet avis, Mme D... soutient que la pathologie de son enfant, qui est atteint d'un syndrome autistique sévère, nécessite une prise en charge pluridisciplinaire dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne pourra pas effectivement bénéficier d'une telle prise en charge dans son pays d'origine. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration compte tenu de ce que les certificats médicaux du 24 février et du 20 juillet 2020 ne font pas état de ce que le défaut de la prise en charge dont le jeune enfant bénéficie en France aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais seulement qu'il pourrait lui faire perdre l'évolution favorable de ses divers handicaps. Mme D... ne peut utilement se prévaloir d'une dépêche de l'AFP ou encore d'un article de presse faisant état d'une prise en charge déficiente de l'autisme par les structures sanitaires africaines ou en Côte d'Ivoire. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère a méconnu l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ".
6. Mme D... soutient qu'elle réside en France depuis plus de huit ans avec ses deux enfants nés le 3 août 2013 et le 19 février 2015. Toutefois, l'intéressée a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans dans son pays d'origine où résident son père et ses deux sœurs et n'établit pas avoir noué, depuis son arrivée en France, des liens personnels d'une intensité et d'une stabilité particulière. Dès lors, et alors qu'il n'est pas établi que le défaut de prise en charge de son enfant B... aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° précité de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants de l'intéressée, garanti par l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, la décision litigieuse n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
M.-A.... Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY01788