Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, la société Duvi, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions, pénalités et amendes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Duvi soutient que :
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est radicalement viciée et excessivement sommaire dès lors que le vérificateur n'a pas ventilé les achats de vin entre les deux modalités d'écoulement des vins, à savoir, les verres servis dans le cadre de l'activité de restauration et ceux servis au bar, qui ne sont accompagnés d'aucune denrée solide ;
- le bar étant également ouvert le soir, contrairement au restaurant, l'application à tort d'un coefficient pour tenir compte des denrées solides à la totalité des achats de vin explique le caractère totalement exagéré des rappels d'impôts et pénalités mis à sa charge.
Par un mémoire en défense enregistrés le 2 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- la comptabilité étant dépourvue de caractère probant et les impositions ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, la charge de la preuve pèse sur la contribuable ;
- le vérificateur a déterminé le rapport existant entre le chiffre d'affaires liquide et le chiffre d'affaires total en se fondant sur les " tickets RAZ " présentés par la société, qui est ressorti à 30,31 %, 34,85 % et 33,25 % respectivement pour les exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ;
- faute de pouvoir distinguer entre les recettes du bar et celles du restaurant, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires global de la société, lequel comprend nécessairement le chiffre d'affaires " liquide bar " ;
- la somme que la société mentionne comme imposition manifestement exagérée comprend outre les droits et pénalités, des amendes infligées pour absence de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués ;
- la société n'exploite pas un bar de quartier mais un établissement à forte fréquentation situé dans un quartier commerçant ;
- la décision du Conseil d'Etat " SARL le Carlotta " dont se prévaut la requérante n'est pas applicable au présent litige.
Par ordonnance du 16 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 1er février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Duvi ;
Une note en délibéré présentée par la société Duvi a été enregistrée le 13 mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. La société Duvi exerce à Grenoble une activité de bar, restaurant et vente de pizzas à emporter. Elle a fait l'objet en 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012. Lors de ce contrôle, l'administration a écarté la comptabilité de la société comme non probante et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, donnant lieu à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, notifiés à la société par une proposition de rectification du 3 juillet 2013. Les rectifications ont été maintenues dans la lettre en réponse aux observations du contribuable en date du 9 décembre 2013. A l'issue de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article 117 du code général des impôts, l'administration a également appliqué l'amende prévue à l'article 1759 du même code. Après avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 23 juin 2014, l'administration a mis en recouvrement les impositions en cause le 16 janvier 2015. Après rejet de sa réclamation préalable par l'administration, par une décision du 2 juillet 2015, la société Duvi a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge de ces impositions, pénalités et amende. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".
3. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par la société Duvi qu'elle a procédé, au cours de la période vérifiée, à une comptabilisation mensuelle globale des recettes et n'a pu présenter les justificatifs de recettes, telles que bandes de caisse et tickets de caisse clients, permettant à l'administration de contrôler la consistance exacte du chiffre d'affaires comptabilisé. Des discordances ont par ailleurs été constatées entre le chiffre d'affaires saisi d'après les " tickets RAZ " et celui déclaré. La comptabilité, qui présente ainsi de graves irrégularités, est dès lors dépourvue de caractère sincère et probant. Les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires se prononçant sur le montant du chiffre d'affaires de l'activité de la société reconstitué par l'administration, il appartient à la requérante d'établir que le montant ainsi déterminé présente un caractère exagéré ou que la méthode de l'administration est radicalement viciée ou excessivement sommaire.
4. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société Duvi au cours des trois exercices vérifiés, le vérificateur a déterminé le rapport existant entre le chiffre d'affaires liquide et le chiffre d'affaires total en se fondant sur les récapitulatifs de fin de journée, dit tickets " RAZ ", qui ont pu être présentés par la société, qui est ressorti à 30,31 %, 34,85 % et 33,25 % respectivement pour les exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Le vérificateur a ensuite déterminé le chiffre d'affaires des liquides en se fondant sur les achats, en prenant en compte la variation des stocks. Aucune carte des tarifs n'a été présentée lors des opérations de contrôle, les prix on donc été déterminés en se fondant sur le prix figurant sur les tickets " RAZ ". Les dosages et les contenances ont été déterminés lors de l'intervention sur place et un taux de perte de 15 % a été appliqué aux bières pression. Un abattement de 15 % a en outre été appliqué à l'ensemble du chiffre d'affaires reconstitué afin de tenir compte des pertes, offerts, démarques et consommation du personnel.
5. La société soutient que cette méthode est radicalement viciée faute pour l'administration d'avoir ventilé les recettes entre les consommations au bar, qui ne comprennent aucune consommation de denrées solides, et les consommations dans le cadre de l'activité de restauration, seules auxquelles pouvait être appliqué le coefficient déterminé par l'administration à partir du ratio entre consommations liquides et solides. La société requérante, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait tenu une comptabilité distincte par type d'activité, ne soutient toutefois pas sérieusement, et a fortiori ne démontre pas, que les tickets " RAZ " présentés au vérificateur auraient concerné les seules recettes de l'activité de restauration, à l'exclusion des recettes réalisées par le bar. Ainsi, lesdits tickets, seules pièces qui pouvaient permettre à l'administration de déterminer un ratio entre la vente de liquides et la vente de repas, sur place ou à emporter, étaient pertinents pour procéder au calcul d'un tel ratio, puisqu'elles faisaient apparaitre la consommation des liquides au cours d'une journée d'exploitation du bar-restaurant, lequel avait également une activité de vente de pizzas à emporter et le ratio calculé par l'administration sur leur base avait donc vocation à s'appliquer au chiffre d'affaires global de la journée. La société Duvi n'établit ainsi pas que la méthode de l'administration était radicalement viciée ou excessivement sommaire, ni que le montant des recettes reconstitués serait excessif. Il suit de là que l'administration a pu, à bon droit, mettre à sa charge les cotisations supplémentaires litigieuses d'impôt sur les sociétés.
6. Si la société Duvi se plaint du montant selon elle disproportionné des sommes mises à sa charge, ledit montant provient, en tout état de cause, pour une partie significative de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, à l'encontre de laquelle elle ne soulève aucun moyen.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Duvi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Duvi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Duvi et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 2 avril 2019.
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N° 18LY00126
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