Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 août 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces imposition et majorations ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu de l'année 2011 par imputation du crédit d'impôt remis en cause au titre de l'année 2010 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a manqué à son obligation de loyauté en utilisant des éléments recueillis au cours des procédure de contrôle des SNC et de la société SFER sans les mentionner dans le cadre de la procédure contradictoire menée à son encontre et sans en débattre oralement et contradictoirement avec elle ;
- l'administration fiscale a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;.
- l'administration fiscale a illégalement plafonné le montant des investissements ;
- l'administration fiscale n'établit pas l'existence d'une surfacturation.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, président de chambre,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C...détient 11,13% des parts des sociétés en nom collectif (SNC) Sunlux 67, Sunlux 68 et Sunlux 69 à La Réunion. Elle a bénéficié au cours de l'année 2010 d'une réduction d'impôt d'un montant de 46 848 euros sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts à raison d'investissements productifs réalisés dans le département de La Réunion par ces trois sociétés et qui consistaient en l'acquisition de panneaux photovoltaïques donnés en location à des exploitants locaux. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause cette réduction d'impôt au motif qu'en l'absence de raccordement des installations photovoltaïques au réseau électrique géré par la société Electricité de France (EdF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements en question n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année. Par une décision du 18 février 2016, elle a rejeté la réclamation présentée par Mme C...le 22 décembre 2015. Cette dernière a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu de l'année 2011 par imputation du crédit d'impôt remis en cause au titre de l'année 2010, d'enjoindre à l'administration fiscale de produire l'ensemble des pièces qu'elle n'a pas communiquées au cours de la procédure et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer à hauteur du montant dégrevé puis a rejeté le surplus de la demande. Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
2. La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de Mme C..., qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations, résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont elle se prévalait à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer. Cette cotisation supplémentaire ne procède pas du rehaussement des résultats des SNC imposables entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Dès lors, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait dû mentionner le contrôle des SNC et de la société SFER puis en débattre avec elle dans le cadre de sa propre procédure de rectification contradictoire. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition, d'un détournement de procédure pour ce motif et manquement au devoir de loyauté doivent en conséquence être écartés.
3. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales n'imposent pas à l'administration d'engager un débat oral avec le contribuable qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces.
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
5. La proposition de rectification adressée à Mme C... le 16 avril 2013 précise, après avoir présenté de façon détaillée et sans opérer de confusion entre les SNC dont elle est associée et la société SFER, chargée de leur gestion, l'opération d'investissement à laquelle l'intéressée a souscrit portant sur des panneaux photovoltaïques, les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour remettre en cause les réductions d'impôt accordées au titre de ces investissements. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
6. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". S'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation d'information et de communication qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements.
7. Il est constant que la proposition de rectification qui a été adressée à Mme C...comportait l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers et qu'étaient annexés différents documents émanant d'EDF dont il résulte qu'aucune demande de raccordement des installations photovoltaïques n'a été formulée avant le 31 décembre 2010. Mme C...reproche cependant à l'administration de ne pas lui avoir communiqué toutes les pièces visées par la proposition de rectification, notamment les documents résultant du contrôle de la société SFER et des SNC. Il résulte toutefois de l'instruction que, pour remettre en cause les réductions en litige, l'administration fiscale ne s'est pas fondée sur les contrôles de la société SFER et des SNC et n'était donc pas tenue de communiquer ces documents. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'imposent pas à l'administration d'indiquer la teneur et l'origine de renseignements qui ont seulement motivé l'engagement du contrôle. Il résulte de l'instruction qu'ont été joints à la réponse aux observations du contribuable différents documents, dont une liste fournie par EDF dont il résulte qu'aucune demande de raccordement n'a été formulée avant les 31 décembre 2010. Par suite, l'administration n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ni manqué à son devoir de loyauté.
8. Au surplus, une partie des documents à laquelle fait référence la requérante ne fonde aucune rectification de sa déclaration au titre de l'année 2010 mais a seulement servi à l'instruction de sa demande de report de réduction d'impôt sur l'année 2011 en lui opposant des éléments démontrant l'existence d'une exagération de l'assiette de la réduction d'impôt demandée.
9. Le I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version alors applicable, prévoit que " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique. (...) Ces taux sont majorés de dix points pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement (...) ". L'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts prévoit que les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B sont " les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe II : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien (...) ".
10. Il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que le montant des investissements productifs à prendre en compte pour calculer la réduction d'impôt dont peut bénéficier un associé d'une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 du code général des impôts ou d'un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C du même code est en principe calculé à partir de la valeur pour laquelle l'immobilisation en cause est inscrite au bilan de cette société en application de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code. Toutefois, l'administration peut apporter la preuve que cette valeur est surévaluée par rapport au prix normal du marché. Dans ce cas, elle peut se fonder sur la valeur de l'immobilisation rectifiée, non seulement pour remettre en cause la déductibilité du montant des amortissements pratiqués par la société qui en est propriétaire, mais aussi pour calculer la réduction d'impôt dont peut bénéficier l'associé de la société en application de l'article 199 undecies B.
11. L'article 16 de la loi du 27 mai 2009 a ajouté au I de l'article 199 undecies B les dispositions suivantes : " Les projets d'investissement comportant l'acquisition, l'installation ou l'exploitation d'équipements de production d'énergie renouvelable sont pris en compte dans la limite d'un montant par watt installé fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de l'outre-mer et de l'énergie pour chaque type d'équipement. Ce montant prend en compte les coûts d'acquisition et d'installation directement liés à ces équipements ".
12. L'arrêté interministériel prévu par ces dispositions n'ayant pas été pris, celles-ci sont inapplicables. Dès lors, l'article 199 undecies B est applicable dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2009, y compris pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable. En se bornant à soutenir que non seulement la SAS SFER avait accordé un crédit fournisseur pour l'acquisition desdites centrales pour une durée de 25 ans, mais que, en même temps qu'elle fournissait les centrales, elle garantissait la bonne fin de location des centrales, le matériel et ses performances, la requérante ne conteste pas sérieusement le montant de la surévaluation que les références de comparaison avancées par l'administration fiscale ont permis d'établir. Dans ces conditions, l'administration est fondée à invoquer ce motif pour une partie des investissements réalisés. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait limiter la réduction au regard d'un prix de référence doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme C... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
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N° 18LY03100