Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 août 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2018 ;
2°) de prononcer la décharge de ces imposition et majorations ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur le revenu de l'année 2011 par imputation du crédit d'impôt remis en cause au titre de l'année 2010 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration fiscale a manqué à son obligation de loyauté en utilisant des éléments recueillis au cours des procédure de contrôle des SNC et de la société SFER sans les mentionner dans le cadre de la procédure contradictoire menée à son encontre et sans en débattre oralement et contradictoirement avec elle ;
- l'administration fiscale a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration fiscale a illégalement plafonné le montant des investissements ;
- l'administration fiscale n'établit pas l'existence d'une surfacturation.
En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bourrachot, , président de chambre,
- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., associée de plusieurs sociétés en participation (SEP), a imputé sur son impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, une réduction d'impôt du fait d'investissements réalisés à l'île de la Réunion par ces sociétés, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques, mises en location auprès de sociétés exploitantes locales en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. Suite à une proposition de rectification en date du 15 avril 2013, cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au motif qu'en l'absence de raccordement des installations au réseau électrique géré par Electricité de France (EDF) à la date du 31 décembre 2010, les investissements en cause n'étaient pas éligibles au bénéfice du régime de faveur et ne pouvaient en conséquence ouvrir droit à une réduction d'impôt au titre de cette année. Mme C...a demandé au tribunal administratif de Dijon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de la remise en cause de cette réduction d'impôt. Par un jugement du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Mme C...relève appel de ce jugement.
2. La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de Mme C..., qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de ses déclarations, résulte exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts dont elle se prévalait à titre personnel à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer. Cette cotisation supplémentaire ne procède pas du rehaussement des résultats des SNC imposables entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes. Dès lors, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait dû mentionner le contrôle des SNC ou des SEP et de la société SFER puis en débattre avec elle dans le cadre de sa propre procédure de rectification contradictoire. Les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition, d'un détournement de procédure pour ce motif et manquement au devoir de loyauté doivent en conséquence être écartés.
3. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales n'imposent pas à l'administration d'engager un débat oral avec le contribuable qui a fait l'objet d'un contrôle sur pièces.
4. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
5. La proposition de rectification adressée à Mme C... le 15 avril 2013 précise, après avoir présenté de façon détaillée et sans opérer de confusion entre les SNC dont elle est associée et la société SFER, chargée de leur gestion, l'opération d'investissement à laquelle l'intéressée a souscrit portant sur des panneaux photovoltaïques, les règles de droit applicables, l'impôt concerné, les années d'imposition ainsi que les motifs de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour remettre en cause les réductions d'impôt accordées au titre de ces investissements. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
6. L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dispose : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". S'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation d'information et de communication qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements.
7. Il est constant que la proposition de rectification qui a été adressée à Mme C... comportait l'origine et la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers et qu'étaient annexés différents documents émanant d'EDF dont il résulte qu'aucune demande de raccordement des installations photovoltaïques n'a été formulée avant le 31 décembre 2010. Mme C... reproche cependant à l'administration de ne pas lui avoir communiqué toutes les pièces visées par la proposition de rectification, notamment les documents résultant du contrôle de la société SFER et des SNC. Il résulte cependant de l'instruction que pour remettre en cause les réductions en litige, l'administration fiscale ne s'est pas fondée sur les contrôles de la société SFER et des SNC et n'était donc pas tenue de communiquer ces documents. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'imposent pas à l'administration d'indiquer la teneur et l'origine de renseignements qui ont seulement motivé l'engagement du contrôle. Il résulte de l'instruction qu'ont été joints à la réponse aux observations du contribuable différents documents, dont une liste fournie par EDF dont il résulte qu'aucune demande de raccordement n'a été formulée avant le 31 décembre 2010. Par suite, l'administration n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ni manqué à son devoir de loyauté.
8. Au surplus, une partie des documents à laquelle fait référence la requérante ne fonde aucune rectification de sa déclaration au titre de l'année 2010 et n'a pas davantage servi à l'instruction de sa demande de report de reduction d'impôt sur l'année 2011, dès lors que le rejet qui lui a été opposé par l'administration au titre de cette année trouve son fondement dans l'exclusion de principe des SEP.
9. Le I de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa version alors applicable, prévoit que " Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...), dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant hors taxes des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique. (...) Ces taux sont majorés de dix points pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable (...) / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) ou un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société ou le groupement (...) ". L'article 95 K de l'annexe II au code général des impôts prévoit que les investissements productifs neufs réalisés dans les départements d'outre-mer qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B sont " les acquisitions ou créations d'immobilisations corporelles, neuves et amortissables, affectées aux activités relevant des secteurs éligibles en vertu des dispositions du I de cet article ". Aux termes de l'article 95 Q de la même annexe II : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ". Aux termes du 1 de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien (...) ".
10. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques installées sur les toits des habitations des particuliers et données en location à des sociétés en nom collectif en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite productives de revenus qu'à compter de cette date.
11. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable ou à l'administration, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si des dépenses sont éligibles au dispositif de la réduction d'impôt prévue par les dispositions précitées et la date à laquelle le droit à réduction est né.
12. Des panneaux photovoltaïques ne peuvent être effectivement exploités sans être intégrés dans une installation et raccordés au réseau électrique. La conformité aux normes en vigueur de cette installation doit être attestée par le comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (CONSUEL), avant qu'une demande de raccordement au réseau électrique ne puisse être déposée. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a indiqué l'administration dans la proposition de rectification adressée à Mme C..., que les centrales photovoltaïques acquises par les sociétés n'étaient pas raccordées au réseau électrique au 31 décembre de l'année 2010 et qu'elles n'avaient pas reçu l'attestation de conformité du CONSUEL. En opposant un tel motif, l'administration n'a pas ajouté de critères aux conditions fixées par la loi fiscale applicable aux années litigieuses mais s'est bornée à mettre en oeuvre les conditions légales auxquelles les investissements réalisés outre-mer sont soumis pour pouvoir être regardés comme étant réalisés au sens des dispositions du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Mme C... se borne à faire valoir la nature des investissements réalisés, éligibles au dispositif, ce qui n'est pas contesté, la date à laquelle elle a procédé aux investissements et la date à laquelle les installations ont été livrées et mises à disposition des sociétés exploitantes, mais ne conteste pas que les investissements en cause ne pouvaient pas être effectivement exploités, donc n'étaient pas productifs de revenus à la date du 31 décembre 2010. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé qu'ils n'étaient pas éligibles au titre de cette année à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts.
13. Le rehaussement litigieux n'étant pas fondé sur le plafonnement des investissements retenus pour l'établissement de la réduction d'impôt mais sur le principe de la réduction d'impôt, la requérante ne peut utilement soutenir que l'administration fiscale a illégalement plafonné le montant des investissements et que l'administration fiscale n'établit pas l'existence d'une surfacturation.
14. Aux termes du dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction issue du 1° du I de l'article 98 de la loi du 29 décembre 2010 : " Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8, à l'exclusion des sociétés en participation (...) ". Il résulte de ces dispositions, applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011 en vertu du II du même article, que les investissements réalisés par l'intermédiaire de sociétés en participation n'ouvrent plus droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts. La circonstance que la requérante aurait, au cours de l'année 2011, déposé des demandes complètes de raccordement, est sans incidence sur le régime applicable. Par suite, la requérante n'est pas fondée à solliciter le bénéfice de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 à raison des investissements réalisés par les sociétés en participation dont elle était l'associé, ni recevable à invoquer, en l'absence d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct ainsi que l'exige l'article R. 771-3 du code de justice administrative, une violation du principe d'égalité devant l'impôt. Le refus de l'administration de reporter le crédit d'impôt sur l'année de raccordement n'étant pas fondé sur le montant des investissements mais sur la nature de la société qui les a réalisés, la requérante ne peut davantage utilement soutenir que l'administration ne pouvait légalement procéder à un plafonnement du montant de ces investissements.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme C... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
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N° 18LY03354