Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2016, M.C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 22 juin 2015 par lequel le préfet de la Savoie a ordonné sa remise aux autorités hongroises et son placement en rétention administrative ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Savoie, à titre principal, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions, en sa qualité de demandeur d'asile et à, titre subsidiaire, de réexaminer sa situation en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative dans le délai de 8 jours à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. C... soutient que :
Sur la décision de remise :
- cette décision méconnaît les articles 4 et 5 du règlement n° 604-2013 et le droit d'asile car il n'a pas bénéficié d'un interprète lors de son entretien et dès lors n'a pas bénéficié d'un entretien individuel, il n'a pas reçu les brochures d'information A et B et ne les a pas reçues préalablement à son entretien et le résumé de son entretien ne lui a pas été remis en temps utile, il n'a pas bénéficié d'un entretien confidentiel ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 18 du règlement du Conseil n° 2725/2000 (article 29 du règlement n° 603-2013 du 26 juin 2013) relatif au système Eurodac car il n'a pas reçu les informations relatives à l'application d'Eurodac le 19 décembre 2014 ;
- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article 17-1 du règlement n° 604/2013 ;
- elle a méconnu le droit d'asile, l'article 17 du règlement et les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des défaillances systémiques de la procédure de demande d'asile et des conditions d'accueil en Hongrie ; il existe un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée en Hongrie dans des conditions conformes au droit d'asile ; par ailleurs, la Hongrie souffre de défaillances systémiques tenant à la détention systématique des demandeurs d'asile dans des lieux où ils subissent des traitements inhumains et dégradants, aux difficultés d'accès aux structures d'aides administratives, juridiques et à l'absence d'assistance linguistique ;
- elle méconnaît les articles 31 et 32 du règlement d'application n° 604/2013 et l'article 15 bis du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 car les services préfectoraux auraient dû informer les autorités hongroises de son état de santé et de son lourd handicap mental et s'assurer auprès d'elles qu'une prise en charge adéquate lui serait réservée ;
Sur la décision de placement :
- elle méconnaît l'article 28 du règlement n° 604/2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation car il dispose avec son frère et sa belle-soeur d'un logement stable et s'est présenté à l'ensemble des convocations qui lui ont été adressées et compte tenu notamment de son handicap.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2015, le préfet de la Savoie conclut, à titre principal, au rejet de la requête comme étant irrecevable car tardive et, à titre subsidiaire, comme non fondée.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 18 janvier 2016, M.C..., persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que :
- il existe un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas examinée en Hongrie compte tenu de l'irrecevabilité des demandes d'asile déposées par des étrangers ayant transité par la Serbie, pays considéré comme sûr par la Hongrie.
Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2016, M.C..., persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, que :
- les conditions de traitement des demandes d'asile et des demandeurs d'asile sont dénoncées par de nombreuses organisations non gouvernementales.
Par ordonnance du 23 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2016 à 16h30.
Par ordonnance du 20 octobre 2016, la date de clôture de l'instruction a été reportée au 14 novembre 2016 à 16h30.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les observations de Me D..., représentant M. C... ;
1. Considérant que M. A...C..., ressortissant kosovar, né le 3 janvier 1985, est, selon ses déclarations, entré en France, via la Hongrie, en janvier 2015 en compagnie de son frère et sa belle-soeur ; qu'il s'est présenté à la préfecture de l'Isère le 19 mars 2015 afin de solliciter son admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que, le 3 avril 2015, les autorités hongroises ont accepté de reprendre en charge sa demande d'asile ; que, par décision du 22 avril 2015, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre provisoirement au séjour ; que, par arrêté du 22 juin 2015, le préfet de la Savoie a ordonné sa remise aux autorités hongroises et son placement en rétention administrative ; que M. C...relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 25 juin 2015 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 juin 2015 ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Savoie :
Sur la légalité de la décision de remise :
2. Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent ; que M. C...ne peut utilement faire valoir que cette décision est insuffisamment motivée au regard des paragraphes 1 et 2 de l'article 17 de ce règlement dès lors que le préfet de la Savoie n'était pas tenu d'expliciter les motifs pour lesquels il a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M. C... en application de ces dispositions ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités hongroises n'est pas suffisamment motivée ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ;
4. Considérant que, si M. C...soutient ne pas avoir reçu les brochures d'information A et B, il ressort de l'attestation produite au dossier, traduite en albanais, qu'il a signée, que ces brochures, traduites elles-mêmes en albanais, lui ont été remises conformément au 2. de l'article 4 du règlement n° 604/2013, contrairement à ce qu'il fait valoir ; que ces documents lui ont été remis le jour du dépôt de sa demande d'asile, soit en temps utile pour faire valoir ses observations ; qu'ainsi il a reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision du 22 avril 2015 lui refusant l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile en France ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision ordonnant sa remise aux autorités hongroises méconnaît l'article 4 du règlement n° 604/2013 et son droit d'asile et les garanties du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 que les informations relatives au relevé des empreintes digitales prévues par ces dispositions doivent être fournies lors du relevé de ces empreintes ou, en tout cas, comme pour les autres informations mentionnées par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile ;
6. Considérant que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé l'intéressé d'une garantie ;
7. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en application des dispositions précitées ;
8. Considérant que, si le requérant soutient ne pas avoir reçu les " informations Eurodac " en temps utile, il résulte de ce qui précède que les brochures susmentionnées, qui comportent les informations requises, relatives au relevé de ses empreintes digitales, lui ont été délivrées lors du dépôt de sa demande d'asile ; qu'ayant accepté le relevé de ses empreintes digitales, la circonstance selon laquelle lesdites brochures ne lui auraient été données que postérieurement audit relevé d'empreintes, lors du dépôt de sa demande d'asile, n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou de l'avoir privé d'une garantie ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse a méconnu l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ;
10. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent, afin d'en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur ; que, s'il peut être dérogé à cette obligation dans les cas limitativement énumérés au 2 de l'article 5 précité, et notamment lorsque le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable, l'intéressé doit néanmoins se voir offrir la possibilité de présenter des observations complémentaires afin de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant l'adoption de la décision de remise aux autorités compétentes ;
11. Considérant que M. C...a bénéficié de l'assistance d'un traducteur bénévole lors du dépôt de sa demande asile, le 19 mars 2015, ainsi qu'en atteste la signature de ce traducteur et du requérant sur le formulaire de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que M. C...n'aurait pas bénéficié de l'assistance d'un interprète doit être écarté comme manquant en fait ;
12. Considérant qu'il n'est pas établi que M. C...a bénéficié d'un entretien individuel au sens des dispositions du 1 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui s'est présenté le 19 mars 2015 à la préfecture de l'Isère pour y déposer sa demande d'asile, a reçu à cette occasion communication de l'ensemble des informations prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; que M. C...a fourni, ainsi qu'en atteste le formulaire de demande d'asile, toutes les informations pertinentes permettant de déterminer l'Etat-membre responsable de sa demande d'asile, notamment sur la présence d'autres membres de sa famille dans un autre Etat-membre, et il ressort de ce formulaire rempli par les services préfectoraux que M. C...a été informé de la possibilité de donner toutes informations complémentaires sur ces points ; que, dans ces conditions il ne peut être regardé comme ayant été, en l'espèce, privé de la garantie procédurale prévue à l'article 5 du règlement (UE) n° 604//2013 du 26 juin 2013 et des garanties du droit d'asile ;
13. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " ;
14. Considérant, d'une part, que M. C...soutient qu'il existe des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile en Hongrie et qu'ayant transité par la Serbie, il encourt le risque d'être renvoyé dans ce pays sans que sa demande d'asile soit examinée en raison de changements législatifs relatifs au régime de traitement des demandes d'asile intervenues en Hongrie en juillet 2015 et du fait que la demande d'asile qu'il a précédemment déposée en Hongrie serait " terminée " ; que, toutefois, les documents produits à l'appui de ses dires, notamment l'intervention du 17 décembre 2015 du commissaire aux droits de l'homme devant le Conseil de l'Europe et la demande d'information présentée par la Commission européenne à la Hongrie dans le cadre de l'ouverture d'une procédure en manquement à l'encontre de ce pays ne permettent pas d'établir que les nouvelles dispositions adoptées en Hongrie porteraient atteinte au droit d'asile ; que, si l'intervention du commissaire aux droits de l'homme devant le Conseil de l'Europe mentionne l'adoption d'une procédure accélérée de traitement des demandes d'asile présentées par des demandeurs d'asile en provenance de pays d'origine sûr, notamment de la Serbie, et le rejet de ces demandes d'asile, les pièces produites au dossier ne permettent pas d'établir que ces demandes d'asiles ne seraient pas effectivement examinées bien que rejetées comme irrecevables ; qu'il résulte des considérants 46 et 66 de l'arrêt C-695/15 rendu le 17 mars 2016 par la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par un tribunal hongrois, que le fait qu'un Etat-membre ait admis être responsable de l'examen d'une demande de protection internationale ne fait pas obstacle à ce que cet Etat membre envoie par la suite le demandeur vers un pays d'origine sûr et que les dispositions de l'article 18 du règlement Dublin III n'ont pas pour effet de priver l'Etat membre responsable de la possibilité de déclarer la demande irrecevable ; que, par ailleurs, il n'est pas davantage établi que les demandeurs d'asile ne pourraient pas bénéficier d'un recours effectif à l'encontre des décisions de rejet de leurs demandes d'asile ; que, d'autre part, M. C...n'établit pas avoir précédemment subi des traitements inhumains et dégradants en Hongrie en raison de ses conditions d'accueil en Hongrie ni qu'il serait exposé eu égard notamment à son état de santé, ainsi que son frère et sa belle-soeur, à de tels traitements et risquerait d'être détenu avec sa famille durant l'examen de sa demande d'asile alors même que la Hongrie confrontée à un afflux de réfugiés connaît des difficultés d'accueil de ces réfugiés ; que, dès lors, en décidant, conformément aux règles du droit de l'Union européenne, la réadmission de M. C...en Hongrie, le préfet de la Savoie n'a méconnu ni le droit d'asile de ce dernier ni les stipulations de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
15. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 17 de ce même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit " ;
16. Considérant que si l'impossibilité de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs a des conséquences sur les mécanismes de détermination de l'Etat responsable prévus par les dispositions précitées de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013, une telle impossibilité est sans influence sur l'appréciation à laquelle se livre l'autorité compétente en application de l'article 17 du même règlement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Savoie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions rappelées du point 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
17. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
18. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C...serait soumis à des traitements inhumains ou dégradants en Hongrie, pays responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
19. Considérant, en dernier lieu, que les dispositions de l'article 31 du règlement 604/2013 sont relatives à l'" Échange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " , celles de l'article 32 à l'" Échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert " et les dispositions de l'article 15 bis du règlement d'exécution n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 sont relatives aux " conditions uniformes et modalités pratiques de l'échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert " ; que de telles dispositions, qui concernent l'exécution de la mesure, sont en conséquence sans incidence sur la régularité de la décision ordonnant la remise de M. C... aux autorités hongroises ;
Sur la légalité de la décision de placement en rétention :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; " ; qu'aux termes de l'article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu'elle fait l'objet de la procédure établie par le présent règlement. 2. Les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. " ;
21. Considérant que, si M. C...fait valoir qu'il n'a jamais eu l'intention de se soustraire au contrôle de l'administration, cette circonstance ne fait pas obstacle à son placement en rétention le temps nécessaire à l'organisation de son renvoi soit pour une durée maximale de cinq jours alors qu'il n'est pas contesté qu'il ne disposait pas d'un document de voyage en cours de validité et ne justifie pas qu'il disposait d'un logement stable ; que M. C...ne peut utilement soutenir que le préfet de la Savoie a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation en faisant valoir son handicap dès lors qu'il a été placé en rétention avec son frère, M. B...C..., et l'épouse de ce dernier et que le préfet indique, sans être contredit, qu'il a été examiné lors de son arrivée par un médecin présent au centre de rétention qui dans son certificat médical n'a pas relevé d'incompatibilité ;
22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles que présente son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
Mme Mear, président-assesseur,
MmeTerrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
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N° 15LY03444