Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2014, Mme A... veuveC..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2013 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et subsidiairement de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Elle soutient que :
Sur le jugement attaqué :
- les premiers juges ne font pas état de sa demande d'admission au statut d'apatride et se sont dispensés de procéder à un examen particulier de sa situation en commettant une erreur de droit.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la décision a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où elle a trouvé refuge en France auprès de sa fille, de son beau-fils et de leurs deux enfants ce qui témoigne de l'intensité de sa vie privée et familiale en France et elle n'a plus aucune attache dans son pays d'origine qu'elle a quitté il y a 22 ans, ni en Fédération de Russie.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors que si la préfète a soutenu que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour en Azerbaïjan était inopérant dès lors qu'elle est de nationalité russe conformément à la loi sur la citoyenneté de la Fédération de Russie en date du 6 février 1992, l'arrêté litigieux mentionne clairement que l'intéressée réside en Azerbaïjan, et la préfète lui a délivré des récépissés visant sa nationalité azerbaïjanaise ;
- elle a produit des décisions du département du service fédéral des migrations de Russie démontrant qu'elle ne bénéficie pas de la nationalité russe ; elle a déposé le 29 mai 2013 un dossier à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides afin de solliciter le statut d'apatride ;
- la préfète n'a pas examiné sa situation particulière et a commis une erreur de droit ;
- la préfète a cité sans la produire la loi sur la citoyenneté de la Fédération de Russie en date du 6 février 1992, ni la confronter à sa situation particulière entachant ainsi sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur de fait quant à sa nationalité ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été notifiée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
Mme A... veuve C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative au statut des apatrides ouverte à la signature à New-York le 28 septembre 1954 ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 pris pour son application ;
- le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller.
1. Considérant que Mme A... veuveC..., née le 19 mars 1953 à Narimanovski (ex-URSS), se déclarant d'origine arménienne et de nationalité azerbaïdjanaise, est entrée en France le 28 octobre 2010 pour y demander l'asile ; que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 mars 2012, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 26 avril 2013 ; que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a enregistré sa demande de reconnaissance du statut d'apatride le 29 mai 2013 ; que, par un arrêté en date du 3 juin 2013, la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par un jugement en date du 5 novembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ; que, par la présente requête, Mme A... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'ainsi que le fait valoir la requérante, il ressort des pièces versées au dossier que, dans un mémoire présenté le 11 octobre 2013, Mme A... a soulevé un moyen tiré de ce que, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, en ne se prononçant pas sur la circonstance qu'elle avait sollicité le statut d'apatride auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, la préfète de la Loire avait commis une erreur de droit ; que le tribunal administratif n'a pas visé le moyen ainsi présenté et n'y a pas répondu ; que son jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit, par suite, être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi et de statuer par la voie de l'effet dévolutif sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
4. Considérant que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... a été prise en réponse à la demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par l'intéressée ; que, dès lors que le statut de réfugié lui avait été définitivement refusé, la préfète de la Loire était tenue de refuser à cette dernière la délivrance du titre de séjour prévu au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce ; que la préfète de la Loire se trouvait ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité ; que, par suite, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour sont inopérants ;
5. Considérant que le droit d'asile constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que ce droit a pour corollaire celui de demander le statut de réfugié politique ; qu'en revanche, ce droit n'exige ni n'implique que le demandeur du statut d'apatride soit admis provisoirement au séjour en France le temps nécessaire à l'examen d'une demande tendant à l'obtention de cette dernière qualité ; que si Mme A... se prévaut de ce qu'elle a sollicité le statut d'apatride par une demande enregistrée le 18 septembre 2013, soit près de trois ans après son arrivée en France et postérieurement à la date de la décision attaquée, il ressort des pièces du dossier qu'en réponse à cette demande, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a, par décision du 29 avril 2015, refusé de lui accordé ce statut ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à l'invoquer à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour attaquée ;
6. Considérant, il est vrai, que la décision litigieuse emporte subsidiairement absence de régularisation de la situation de MmeA... ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que si Mme A... soutient qu'elle a trouvé refuge en France auprès de sa fille, de son beau-fils et de leurs deux enfants, elle n'établit, ni même n'allègue que ces derniers résideraient en situation régulière sur le territoire français ; qu'à la date de la décision attaquée, eu égard à son entrée récente sur le territoire français, aux conditions de celle-ci et à la précarité de son séjour, Mme A... ne pouvait se prévaloir d'une vie privée et familiale ancrée dans la durée ; que si elle s'est déclarée veuve et soutient ne plus avoir aucune attache dans son pays d'origine qu'elle a quitté il y a 22 ans, ni en Fédération de Russie où elle a résidé, il ressort des pièces du dossier qu'avant de rejoindre la Biélorussie, elle a vécu plus de vingt ans en Fédération de Russie où elle a nécessairement tissé des liens ; que si elle soutient ne pas être légalement admissible en Fédération de Russie, cette circonstance à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que, dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que la préfète de la Loire n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressée ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié et non sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la préfète de la Loire ne s'est pas prononcée sur ce fondement dans la décision litigieuse ; qu'ainsi, Mme A... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme A... veuve C...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, dans le cadre de l'examen des décisions portant refus de délivrance du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, que le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sur lesquelles elle se fonde, doit être écarté ;
13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;
14. Considérant que Mme A..., dont la demande d'admission au statut d'apatride a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 avril 2015, fait valoir que la préfète de la Loire lui a délivré des récépissés visant sa nationalité azerbaïjanaise et que l'arrêté litigieux indique qu'elle réside en Azerbaïjan, pays qu'elle a quitté depuis plus de vingt ans et où elle soutient encourir des risques en cas de retour du fait de son origine arménienne ; que toutefois, elle n'apporte au soutien de son moyen aucun élément de nature à démontrer la réalité et l'actualité des risques qu'elle soutient encourir personnellement dans ce pays ; que si l'autorité compétente a soutenu pour la première fois en défense en première instance qu'elle devait être renvoyée en Fédération de Russie cette circonstance est sans incidence sur la décision attaquée ; que, dans ces conditions, et dans la mesure où en vertu de cet arrêté, l'intéressée pourra être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité, ou de tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible, la décision litigieuse n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur de fait quant à sa nationalité ; qu'elle n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2013 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de Mme A...veuve C...tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 2013 par laquelle la préfète de la Loire a fixé l'Azerbaïdjan comme pays de destination de Mme A...en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.
Article 2 : La demande de Mme A...veuve C...et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...veuve C...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
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N° 14LY00683