Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 2017 et 27 septembre 2018, M. et Mme A... E..., représentés par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 décembre 2016 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A... E... soutiennent que :
- l'administration ne les ayant pas informés de l'origine et de la teneur des informations et documents obtenus auprès de tiers et ayant motivé les rectifications, elle a méconnu les dispositions de la charte du contribuable vérifié et les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- faute d'avoir reçu un avis de mise en recouvrement, ils ont été privés d'une garantie substantielle ;
- la décision de leur infliger des pénalités est insuffisamment motivée, notamment en ce qu'elle n'apporte pas d'éléments susceptibles de démontrer que M. A... E... était gérant de fait.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- les requérants ont été régulièrement informés de l'origine et de la nature des renseignements ayant servi à asseoir le redressement et ils ne soutiennent pas avoir demandé en vain le compte rendu d'entretien, lequel comporte la signature de M. A...E...;
- la proposition de rectification mentionne les considérations de droit et de fait ayant conduit à l'application de la pénalité en litige et est ainsi suffisamment motivée au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
- le point de savoir si M. A... E... peut être qualifié de dirigeant de fait de la SARL RL Construction est sans incidence sur le caractère suffisamment motivé des pénalités.
Le 5 octobre 2018, le ministre des finances et des comptes publics a produit un nouveau mémoire.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la charte du contribuable vérifié ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... E..., après avoir acquis un terrain sur la commune de la Roche-Blanche, ont demandé à la SARL RL Construction, dont M. A... E... est associé majoritaire, d'y réaliser un immeuble à usage d'habitation. A l'issue d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, l'administration a notamment réintégré dans leurs revenus, au titre des revenus distribués sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, une somme de 64 777,85 euros. M. et Mme A... E... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l'année 2010 ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision en date du 4 juillet 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé un dégrèvement des cotisations litigieuses de contributions sociales d'un montant de 3 195 euros. Il n'y a dès lors plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre ces impositions à concurrence de ce montant.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". La charte du contribuable vérifié comprend les mêmes exigences.
4. Il résulte de l'instruction que, pour réintégrer comme revenus distribués la somme de 64 777,85 euros mentionnée au point 1. ci-dessus, l'administration s'est fondée sur les informations recueillies lors d'un entretien entre le mandataire judiciaire de la SARL RL Construction, Me C..., et M. A... E..., consignées dans un compte rendu en date du 5 janvier 2011. Il ressort des mentions non contestées du rejet de la réclamation préalable présentée par les requérants que ce sont ces derniers qui, au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, ont communiqué une copie de ce compte rendu à l'administration. Ainsi, les informations relatives à la facture de 64 777,85 euros qui aurait émise par la société RL Construction n'ayant pas été obtenues par l'administration auprès de tiers, les dispositions de l'article L.76 B du livre des procédures fiscales et de la charte du contribuable vérifié n'étaient pas applicables et l'administration n'était pas tenue de mentionner l'existence et la teneur du compte rendu litigieux avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses.
5. Aux termes de l'article R.61 A-1 du livre des procédures fiscales : " Le montant de l'impôt exigible à la suite d'une procédure de redressement est calculé : a) Soit sur la base acceptée par le contribuable si celui-ci a donné son accord dans le délai prescrit ou s'il a présenté dans ce même délai des observations qui ont été reconnues fondées ; b) Soit sur la base fixée par l'administration à défaut de réponse ou d'accord du contribuable dans le délai prescrit ; c) Soit sur la base notifiée par l'administration au contribuable après avis de la commission compétente dans le cas où le litige lui a été soumis. Le montant de l'impôt exigible donne lieu à l'établissement d'un rôle ou à l'émission d'un avis de mise en recouvrement. ". Aux termes de l'article 1658 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 applicable à partir du 1er janvier 2011 : " Les impôts directs et les taxes y assimilées sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par arrêté du préfet ou d'avis de mise en recouvrement ".
6. Si l'article 55 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 a complété l'article 1658 du code général des impôts en y ajoutant le membre de phrase " ou d'avis de mise en recouvrement ", il ne résulte pas de ces dispositions, éclairées par les travaux, que le législateur aurait ainsi entendu imposer à l'administration, à peine d'irrégularité, d'émettre un avis de mise en recouvrement lorsqu'elle souhaite établir et recouvrer des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu. Par suite le moyen tiré de ce que la réception d'un avis d'imposition n'offrirait pas des garanties analogues à celles d'un avis de mise en recouvrement, notamment l'envoi postal par courrier recommandé et la référence à la proposition de rectification doit être écarté.
Sur la motivation des pénalités :
7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. ". Aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors applicable, la motivation doit " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
8. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a) de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a, dans la proposition de rectification du 16 juillet 2012, rappelé les motifs du rehaussement des impositions et mentionné la circonstance que M. A... E... était dirigeant de fait de la SARL RL Construction, que les insuffisances de facturation et de paiement étaient d'un montant conséquent et que des prestations accomplies par des salariés de ladite société pour une maison dont les requérants sont propriétaires sur la commune du Cendre n'avaient également pas été facturées aux intéressés. Le service en a alors déduit que l'importance de ces avantages anormaux caractérisait une volonté délibérée de s'accorder un avantage particulier sans le déclarer. Ainsi, ce document mentionne les considérations de droit et de fait ayant conduit à l'application de la pénalité en litige et se trouve, dès lors, suffisamment motivé au sens des dispositions de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales. La circonstance que l'administration n'établirait pas que M. A... E... avait la qualité de dirigeant de fait de la SARL RL Construction se rapporte au bien-fondé des impositions et des pénalités et non à la motivation des pénalités, seul moyen que les requérants ont soulevé à l'encontre de celles-ci et qui doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les cotisations supplémentaires de contributions sociales à concurrence de la somme de 3 195 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... E... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 6 novembre 2018.
2
N° 17LY00511
ld